Au total, ce sont cinquante familles sur cent-vingt-et-une dont les habitations ont été totalement emportées par l’eau du fleuve Niger pendant ce mois de septembre 2018. A notre passage la semaine dernière, ce campement, érigé il y a des lustres par des bozos, était toujours sous l’emprise de l’eau du fleuve.
Vivre ici au campement, ou, pourparler local, au ‘’Dacamp’’ des bozos de Badalabougou, c’est vivre le pied dans l’eau. Il est 11 heures 34 minutes quand nous arrivons au camp ce 21 septembre 2018. Aucun pêcheur sur le fleuve. Le courant d’eau est encore un peu fort. Dans la famille du chef du camp, Ibrahim Sinèba, c’est la détente. Nous lui demandons si aujourd’hui est un jour férié pour les bozos. La réponse ne tarde pas. « Non ! Pas du tout. Pour l’instant, nous ne faisons rien. Le niveau de l’eau est très élevé et la pêche est devenue très difficile. Donc on ne peut qu’attendre la baisse du niveau d’eau avant de reprendre nos activités. D’ailleurs, aujourd’hui, il n’ya plus de poisson. Les pêcheurs gagnent à peine de quoi se nourrir. Or, en temps normal, nous pêchions jusqu’à 3 000 kilogrammes de poisson par mois », a-t-il déclaré.
Après cette réponse, Ibrahim Sinèba, âgé d’une soixantaine d’années, jette son regard vers le lit du fleuve. Une bonne partie de sa famille est encore dans l’eau. Des pirogues vides sont également stationnées sur les berges du fleuve. Le chef du campement continue : « Cela nous fait plus de quinze ans que le camp n’a pas connu cette situation. Aujourd’hui, cinquante habitations sur cent-vingt-et-une ont été totalement emportées par l’eau. Certaines de ces familles ont réussi à s’installer dans l’enceinte du Palais de la Culture Amadou Hampâté Ba et les autres ont trouvé des refuges jusqu’à Daoudabougou. Mais tous les jours, ils viennent ici pour voir s’ils peuvent travailler et le soir ils retournent dans leurs habitations respectives. »
A la question à savoir s’ils ont peur de l’eau, la réaction de Ibrahim Sinèba a été rapide : « Peur de l’eau ! Mais jamais ! Nous sommes des bozos et l’eau nous appartient. L’eau, c’est nous. Même les pieds dans l’eau, nous dormons tranquillement. Aujourd’hui, nous ne nous inquiétons que pour nos vivres. Ainsi, au moment de nous coucher, nous fermons bien les habitations pour que les animaux aquatiques, transportés par l’eau, n’y pénètrent pas en pleine nuit. Nous le faisons parce que nous sommes des bozos et non des chasseurs (rire !). »
Le gouvernement sollicité !
Toutefois, au nom de l’ensemble des pêcheurs, Ibrahim Sinèba sollicite l’aide du gouvernement pour réaménager les lieux afin de réduire les risques d’inondation. « Tout ce que nous demandons au gouvernement, c’est de venir réaménager notre camp et de donner des permis d’habitation à chaque famille qui s’y trouve. Nous n’avons pas besoin de logements de l’Etat. Nous sommes fiers dans nos chaumières, dans nos cases et dans nos maisonnettes en banco. C’est dans ça que nous nous sentons bien. »
En attendant la décrue du fleuve Niger, le poisson est devenu rare dans les filets des bozos du camp de Badalabougou. Le S.O.S. est bien lancé !