Le Burkina Faso se préparait dimanche à une semaine sous haute tension: une révision constitutionnelle doit être votée pour favoriser le maintien du président Blaise Compaoré, mais opposition et organisations de la société civile comptent descendre dans la rue.
Signe que le régime Compaoré, en place depuis 1987 dans ce pays pauvre considéré comme l’un des plus stables d’Afrique de l’Ouest, redoute des débordements, le gouvernement a pris une mesure spectaculaire.
Ecoles, collèges, lycées et universités seront fermés la semaine prochaine “sur toute l’étendue du territoire national”, ont annoncé la ministre de l’Education nationale Koumba Boly et son homologue des Enseignements secondaire et supérieur Moussa Ouattara, dans un communiqué conjoint.
L’Assemblée nationale examinera le jeudi 30 octobre un projet de loi gouvernemental très controversé, visant à réviser l’article 37 de la Constitution pour faire passer de deux à trois le nombre maximum de quinquennats présidentiels.
Collégiens et lycéens avaient déserté les classes vendredi pour dénoncer ce projet, perturbant fortement Ouagadougou.
Blaise Compaoré, arrivé au pouvoir en 1987 par un coup d’Etat, achèvera en 2015 son deuxième quinquennat (2005-2015) après avoir effectué deux septennats (1992-2005).
Mais sa volonté de se maintenir au pouvoir après 27 ans de règne suscite l’hostilité de l’opposition, d’une grande partie de la société civile et de nombreux jeunes de ce pays, où plus de 60% des 17 millions d’habitants ont moins de 25 ans et n’ont jamais connu d’autre dirigeant.
Le Burkina semblait se diriger ces derniers jours vers un référendum sur cette question explosive.
Mais le projet de révision constitutionnelle paraît en passe d’être adopté à l’Assemblée grâce à l’appui, annoncé samedi, du troisième parti politique du pays, l’Alliance pour la démocratie et le progrès/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), dont les voix manquaient à la majorité.
Or, depuis l’annonce du projet de loi le 21 octobre, majorité et opposition se sont lancées dans un guerre des mots de mauvais augure.
Ablassé Ouédraogo, ancien ministre des Affaires étrangères passé dans l’opposition, a demandé aux tenants de la révision constitutionnelle de “faire marche arrière” et de “retirer leur projet de loi” pour éviter au Burkina de “flamber”.
– ‘Cycle de violences’ –
“Nos députés ne doivent pas oublier (…) que le peuple les connaît et les surveille individuellement et collectivement”, avait averti mercredi Zéphirin Diabré, le chef de file de l’opposition.
Réplique d’Assimi Kouanda, le patron du parti présidentiel: “si une seule case d’un militant de la majorité est enflammée, normalement dans vos communes, dans vos secteurs, on ne devrait plus trouver une case de responsables de l’opposition debout”.
“Si quelqu’un se hasarde à toucher à une de vos mamans ou de vos soeurs, un de vos papas ou de vos grand-frères, (…) cette personne-là ne touchera plus” à personne, a-t-il lancé samedi aux responsables provinciaux du parti réunis dans la capitale.
Des centaines de protestataires ont manifesté ces derniers jours à Ouagadougou, installant des barricades ou incendiant des pneus, devant une police mobilisée mais discrète.
Et la semaine à venir devrait être encore plus agitée.
L’opposition politique a appelé à une “journée nationale de protestation” mardi afin d’exprimer son “refus catégorique” d’un “coup d’Etat constitutionnel”.
Plusieurs associations de la société civile ont lancé un ultimatum à M. Compaoré pour qu’il retire son projet, sous peine de “paralyser” le pays.
De leur côté, syndicats et société civile regroupés au sein de la Coalition nationale contre la vie chère ont appelé à une grève générale ponctuée de sit-in et de meetings mercredi.
Enfin, l’opposition a demandé à la population de bloquer le Parlement jeudi, pour empêcher le vote du projet de loi.
Il sera “très difficile” d'”éviter le pire” au vu des positions “tellement tranchées” de chacun, s’inquiète Abdoulaye Soma, professeur de droit à l’Université Ouaga II, dans un entretien à l’AFP.
Sociologue et enseignant à l’université de Ouagadougou, Fernand Sanou craint “un cycle de violences”.
“Le peuple burkinabè, dit-on, est pacifique. Mais lorsqu’à un moment donné, des gens, pour leurs propres intérêts, rendent les conditions du vivre-ensemble incertaines, on ne peut pas s’attendre à une période calme”, affirme-t-il.
Au Burkina Faso, le souvenir est encore vif des mutineries de soldats de 2011 et des troubles consécutifs à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998, des événements qui avaient fait trembler le régime.
source : afp