La reconfiguration de la scène politique est en marche au Burkina Faso. En attendant l’officialisation le samedi prochain du parti des démissionnaires du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ; c’est un regroupement de formations politiques, « Le Front Républicain » (FR), qui vient d’être porté sur les fonts baptismaux. L’annonce a été faite, à la presse, ce jeudi 23 janvier 2014 à Ouagadougou.
Etaient au présidium de l’officialisation du Front Républicain : Assimi Kouanda, secrétariat exécutif national du CDP ; Hermann Yaméogo, président de l’UNDD (l’Union nationale pour la démocratie et le Développement) ; Toussaint Abel Coulibaly, président de l’UPR (Union pour la République) ; Ram Ouédraogo, président du RDE-BF (Rassemblement des écologistes du Burkina Faso) ; Alain Zoubga, président de l’Autre Burkina/PSR (l’Autre Burkina/ Parti socialiste pour la refondation) ; et Amadou Diemdioda Dicko, président du CFD/B (Convention des forces démocratiques du Burkina).
La cérémonie commence par une déclaration liminaire lue par Michel Ouédraogo, délégué général du FESPACO (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou) et membre du secrétariat exécutif national du CDP.
Dans la déclaration liminaire, l’on peut noter ce passage : « Le contexte politique national actuel caractérisé par les débats et les opinions divergentes sur la mise en œuvre des réformes politiques, notamment sur la forme ou la mise en place du Sénat, ou encore la question récurrente de l’article 37, obligent les partis politiques à des réflexions et à des actions pour préserver la cohésion sociale et la stabilité. Aussi, pour éviter à notre pays de compromettre sa stabilité et son avenir, des partis politiques, soucieux de la promotion des valeurs républicaines, ont convenu de mettre en place une Plateforme de concertation et d’actions collégiales sur les questions essentielles de la nation. L’offre de modernisation démocratique dans notre pays doit prendre appui sur le renforcement du dialogue politique et le compromis dynamique et constructif dans la gestion du pouvoir d’Etat. Les Nations en construction sont celles qui ont toujours su capitaliser toutes les forces et les idées politiques, dans un esprit citoyen de défense de l’intérêt général. Cette nécessaire cohésion, fondamentale à une émergence économique et à un mieux-être de la population, ne peut se construire que dans un esprit d’ouverture ; d’où une approche inclusive dans la gestion du pouvoir d’Etat ».
13 objectifs visés par le FR
L’article 4 du règlement intérieur du Front Républicain qui « se veut une force de propositions, un outil de partenariat politique et de collaboration avec toute autre formation, structure ou institution », explicite les objectifs visés par le nouveau regroupement politique.
Le Front Républicain, précise ledit article, se donne pour objectifs de : « 1-défendre et de promouvoir les valeurs républicaines, la constitution et la paix ;
2-participer à la mise en œuvre des réformes politiques consensuelles issues des assises nationales du CCRP ;
3-contribuer à l’approfondissement de la démocratie au Burkina Faso ;
4-mettre en place et animer des concertations sur des questions essentielles de la nation ;
5-veiller à la justice et à l’équité sociale dans les politiques publiques et dans les modes d’administration des structures de l’Etat ;
6-cultiver le dialogue républicain comme mode de résolution de nos contradictions et des divergences internes dans notre pays ;
7-asseoir la bonne gouvernance au niveau national et local, notamment la gestion axée sur les résultats au sein de nos institutions publiques ;
8-promouvoir la liberté et la citoyenneté ;
9-œuvrer au strict respect du principe de la laïcité ;
10-proposer des mesures audacieuses de lutte contre la corruption ;
11-encourager un dialogue social permanent sur les grands sujets de la nation ;
12-Prendre en compte le genre, notamment les anciens, les jeunes, les femmes, les publics spécifiques dans les cadres et espaces démocratiques pour leur épanouissement ;
13-engager une réflexion globale et profonde sur la question de l’emploi et des jeunes ».
Journalistes surpris par l’événement
Les hommes de média ont été quelque peu surpris par l’événement. En effet, la plupart des journalistes avaient fait le déplacement, de l’hôtel Splendid où a été rendu ainsi officielle la création du Front Républicain, pour assister à une conférence de presse du CDP comme cela leur avait été annoncé. D’autres sources évoquaient une cérémonie de présentation de vœux du parti majoritaire. Beaucoup étaient donc là pour assister à une activité du CDP et non pour l’officialisation du Front Républicain.
Et c’est seulement une fois sur place aux environs de 10 h qu’ils ont appris le vrai objet de la rencontre. A savoir que les responsables du parti au pouvoir et ceux d’autres formations étaient en conclave en vue de la mise sur pied d’un front dit républicain. Qu’il fallait faire un peu preuve de patience et qu’ils allaient d’un moment à l’autre rendre publique leur décision. Quoi qu’il en soit, il y avait là de l’événement, de l’information. Et attendre jusqu’à la naissance du nouveau regroupement politique n’était plus qu’un devoir pour les journalistes, un scoop à ne pas rater sous aucun prétexte.
« Leaders historiques de l’opposition burkinabè »
Les échanges avec les journalistes qui ont suivi la déclaration liminaire allaient être des plus animés. Les questions fusaient de toutes parts : Le front a-t-il été créé pour faire face au futur parti des démissionnaires du CDP ? , Le front a-t-il a été créé pour favoriser la modification de la Constitution et permettre à Blaise Compaoré de se représenter en 2015 ? ; les refondateurs membres du Front Républicain se considèrent-ils toujours comme des opposants et comment définissent-ils un parti d’opposition ?. Bref, la pression était telle que certains membres du présidium à l’image de Ram Ouédraogo, Alain Zoubga, étaient obligés de réagir, égratignant à leur tour les journalistes. Alain Zoubga a parlé de la nécessité pour les hommes de média d’être plus professionnels, tandis que Ram Ouédraogo menaçait d’assigner en justice tout journaliste qui les traiterait d’’opposants moutons’’. A les écouter, ceux que les journalistes considèrent comme opposants ne sont pas plus opposants que eux, eux qui se considèrent, comme dira Ram Ouédraogo, « des leaders historiques de l’opposition burkinabè », des « hommes d’Etat ». « Nous n’avons pas de leçons d’opposition à recevoir de personne », a-t-il martelé. « Notre objectif aujourd’hui, ce n’est pas de défendre des intérêts personnels, mais d’œuvrer à la préservation de la cohésion sociale, de la paix, la stabilité et de la démocratie pour le grand bonheur du peuple », ont invariablement insisté, Assimi Kouanda, Hermann Yaméogo, Ram Ouédraogo, Toussaint Abel Coulibaly, Alain Zoubga, Amadou Diemdioda Dicko. Et que leur mouvement n’est créé ni contre un quelconque parti, ni pour la modification de l’article 37 de la Constitution. Sur cette question de révision de l’article 37 de la Constitution, les ténors du Front Républicains semblent tous pour le principe du recours au référendum pour consulter le peuple. « C’est au nom du peuple que nous gouvernons, et c’est toujours au nom du même peuple que d’autres s’opposent », a indiqué en substance Assimi Kouanda.
40 partis signataires ?
Au cours des échanges avec la presse, il a beaucoup été question de la liste des partis signataires de l’acte constitutif du Front Républicain qui comprendrait une quarantaine de formations politiques. La liste avait été promise aux journalistes à la fin des échanges. Mais, jusqu’à l’heure où nous tracions ces lignes, le document n’était pas encore disponible. Las d’attendre sans rien voir venir, les journalistes ont dû regagner leurs rédactions.
Mais, en attendant d’avoir la liste des 40 partis signataires, l’on peut déjà retenir ces quelques noms de formations politiques comme membres du Front Républicain :
Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP)
Convention des forces démocratiques du Burkina (CFD/B)
Union pour la République (UPR)
Union nationale pour la démocratie et le Développement (UNDD)
l’Autre Burkina/Parti socialiste pour la refondation (l’Autre Burkina/PSR)
Rassemblement des écologistes du Burkina Faso (RDE-BF)
Parti indépendant du Burkina (PIB)
Les verts du Burkina
Mouvement pour la Tolérance et le Progrès (MTP).
Organisation et fonctionnement du Front Républicain
Le Front Républicain dans son organisation comprend deux organes : une Assemblée générale et une Coordination nationale. L’Assemblée générale est l’instance d’orientation et de délibération du Front Républicain. Elle réunit l’ensemble des partis et formations politiques membres, sur la base de 2 représentants par parti ou formation politique. Les représentants des partis sont les premiers responsables des partis ou formations politiques membres.
La Coordination nationale du Front Républicain est composée de quatorze (14) membres désignés pour un mandat de un (01) an. La coordination est composée sur une base paritaire de partis et formations politiques de la majorité et de l’opposition. Il est désigné en son sein deux (02) co-rapporteurs sur la même base de représentativité.
L’article 16 du règlement intérieur relatif au fonctionnement du FR stipule : « Le Front Républicain peut accepter de nouveaux membres en son sein, à condition que ceux-ci soient parrainés par au moins deux (02) partis ou formations politiques fondateurs. La demande d’adhésion est instruite par la Coordination et acceptée par l’Assemblée générale ». Article 17 : « La prise de décision au sein du Front Républicain se fait par consensus ; à défaut, à la majorité absolue à une deuxième réunion sur le même ordre du jour si le consensus n’est toujours pas obtenu ».
« Les ressources du Front Républicain proviennent des cotisations d’adhésion fixées à 25 000 F CFA », indique l’article 18.
Grégoire B. BAZIE
Lefaso.net