Désormais droit dans ses bottes pour recouvrer et pleinement exercer sa souveraineté à l’échelle nationale et internationale, le Mali semble être dans une logique de ne plus se laisser faire. Il fait recours, de plus en plus, à l’application des mesures de réciprocité dans ses rapports avec la France d’Emmanuel Macron, ou face à n’importe quel autre Etat ou puissance du monde. Cela, chaque fois que la France ou ledit Etat prend des décisions contraires à l’intérêt des Maliens. La présente situation s’inscrit dans ce cadre. Avec l’escalade des tensions diplomatiques entre le Mali du colonel Goïta et la France de Macron, les populations des deux pays assistent, depuis quelques moments, à la suspension de la délivrance des visas. Un contexte dû, encore une fois, à l’adoption d’une nouvelle posture par les autorités françaises.
La tension monte d’un cran entre les deux anciens « amis ». Le Mali n’est visiblement pas prêt à renoncer à son combat de souveraineté. En ce qui la concerne, la France du jeune Macron tente, presque par tous les moyens, d’asphyxier, voire de resserrer l’étau sur les autorités de la transition malienne. La prise de la nouvelle décision s’inscrit, peut-on préjuger, dans ce cadre. Après des discours hostiles émanant de part et d’autre courant 2021, 2022 et 2023 en cours, voire la chasse d’un ambassadeur de France au Mali, la suspension d’émission de RFI et de France24 au Mali, le départ acté des troupes françaises de Barkhane, Takuba et de la Minusma, les deux pays viennent, cette fois-ci, d’ébaucher une autre étape importante en matière de diplomatie. Il s’agit de la suspension de toute délivrance des visas aux populations des deux Nations. Le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, dit avoir appris l’annonce par la voie de presse. « Le Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a appris, avec surprise, par voie de presse que le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français a classé le Mali en zone rouge ». Cela, « au motif des fortes tensions sous-régionales. Dans la même foulée, les Services de l’Ambassade de France à Bamako ont suspendu la délivrance des visas et fermé le centre de visas et le centre d’appels (Capago) », lit-on sur la page Facebook du département malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. En vertu des mesures de réciprocité, la République du Mali n’a pas tardé à répliquer face à la décision de « son ancienne amie ». « En application de la réciprocité, signale-t-on, le Ministère suspend, jusqu’à nouvel ordre, la délivrance de visas par les services diplomatiques et consulaires du Mali en France », mentionne-on dans l’annonce publiée la semaine dernière sur ladite page. Notons que le Mali n’est pas le seul ciblé dans cette suspension. Elle touche aussi les ressortissants du pays des hommes intègres, le Burkina Faso, suivant les précisions. Une décision qui, selon Karim Ben Cheïkh, député de la 9ème circonscription des Français établis hors de France, n’a pas été bien réfléchie de la part des autorités. « Quelle que soit la dégradation de nos relations avec les autorités en place du Mali et du Burkina Faso, rien ne saurait justifier cette décision totalement injuste et contre-productive », a-t-il répliqué dans un communiqué de presse. Cette suspension est une décision « inutile qui dessert la diplomatie française », indique l’élu français. Pour la deuxième fois après le regrettable précèdent au Maghreb entre septembre 2021 et fin 2022, poursuit l’élu, « nos autorités mettent à mal l’image de la France aux yeux des populations qui lui portaient confiance et respect en les prenant en otages par le biais de l’accès aux visas ». Et d’être encore plus succinct : « Je pense aux nombreuses familles qui ne pourront plus se réunir, aux conjoints et conjointes de la France qui ne pourront plus faire valoir leur droit à la mobilité, aux élèves étrangers de nos écoles françaises qui ne pourront plus poursuivre leurs études en France », s’indigne le député Karim dans son communiqué. En tout état de cause, Karim Ben invite le gouvernement français à reconsidérer sa décision « injuste et contre-productive » qui, estime-t-il, donne des arguments à ceux qui attisent le ressentiment contre la France. La suspension de la délivrance des visas aux Maliens et Burkinabè est une décision qui, enchaine l’élu français, déçoit et décourage ceux qui continuent de soutenir l’apaisement.
Mamadou Diarra
Source : LE PAYS