Ce politologue nous livre son analyse, sa vision, sa philosophie sur la gouvernance politique au Mali. Pour lui dans le dessein, d’aller vers un développement durable et équitable, la bonne gouvernance exige une gestion transparente et responsable des ressources humaines, naturelles, économiques et financières.
Pour que l’Etat bénéficie d’une bonne gouvernance, il doit nécessairement être démocratique, avec comme preuves, entre autres, des élections libres et honnêtes, et le respect des droits de l’individu. Dans cette trajectoire, les gouvernants doivent rendre des comptes aussi bien à leurs populations, qu’à l’opinion publique internationale. Invoquer aujourd’hui la ‘’raison d’Etat’’, pour masquer ou justifier, tel ou tel secret, n’est pas conforme aux principes de la bonne gouvernance. Cela doit être dit. Pour rassurer les investisseurs étrangers et les acteurs de la scène internationale, l’Etat doit offrir aujourd’hui des garanties de bonne gouvernance, entre autres, le respect de la propriété privée et le droit de propriété qui sont une composante essentielle de la gouvernance, la transparence des procédures, l’égalité des traitements entre nationaux et étrangers, et la libre circulation des biens et des capitaux. En un mot, l’Etat doit se vendre et se donner une bonne image, comme l’entreprise privée, dans un contexte de concurrence et de mondialisation.
Sous cet angle, la corruption, le détournement des derniers publics, l’impunité et l’indiscipline entre autres ne doivent pas être tolérés. Ils doivent être combattus, avec la dernière énergie, pour les faire disparaitre, à tout jamais, dans notre pays, le Mali. La bonne gouvernance exige aussi, la transparente et la responsabilité des institutions et des dirigeants politiques et administratifs, et la clarté des procédures publiques et de décisions, la primauté du droit dans la gestion et la répartition équitable des ressources. C’est là encore une fois, une méthode efficace, pour lutter contre la corruption, le détournement des derniers publics et l’impunité, gage de la justice, de la paix et du développement au Mali.
Le rôle et la légitimité de l’état doivent être redéfinis, dans le contexte de la mondialisation. Comme l’annonce la bonne gouvernance, l’Etat ne peut plus invoquer ‘’la raison d’Etat’’ ou sa souveraineté, pour s’octroyer le droit de faire ce qu’il veut, sans contrôle. Il est désormais sous la surveillance de sa population, des organisations non gouvernementales, des organisations interétatiques, etc. C’est ce que recommande la bonne gouvernance ! L’Etat étant l’instrument au service du peuple, soit géré avec les principes de la bonne gouvernance, tout en passant d’abord par un régime démocratique et les gouvernants sont responsables devant les populations. L’Etat demeurera, le seul protecteur de sa population, tout en sachant qu’à l’image de l’entreprise privée, qu’il doit se vendre. L’Etat n’est qu’un acteur important, parmi d’autres dans la compétition, dans ce contexte de la mondialisation.
Dans le cadre de la bonne gouvernance, chacun a son mot à dire, et de plus dispose des moyens pour le faire valoir’’ (cf. Philippe Moreau Defarges). Et on doit affirmer et surtout respecter le droit à la différence, comme dans la démocratie, le droit aussi, de chacun à être respecté dans sa spécificité culturelle, religieuse, ethnique. Dans le cadre de la bonne gouvernance, la participation des citoyens aux choix politiques, est directe et quotidienne. Désormais, l’intérêt public n’est plus le monopole de l’Etat. Il doit être exprimé et défendu par toutes sortes d’entités, tant publiques (l’Etat, les régions, les communes et les organisations internationales), que privées (c’est-à-dire les associations, les mouvements, les syndicats…). La bonne gouvernance bannit le népotisme et le favoritisme et prône la méritocratie, dans le cadre d’une administration, équitable, juste, véritablement républicaine, dépolitisée, moderne et performante au service des populations.
La bonne gouvernance implique un univers, où tout se débat, se négocie et donne lieu à des compromis rationnels et raisonnables. Et le pouvoir ne s’exerçant plus, par la force que par le dialogue et la persuasion, le peuple à droit à une information correcte et vrai. C’est une exigence de la gouvernance ! Les autorités politiques et administratives maliennes, ne doivent plus s’enfermer dans un silence coupable, pour des raisons, qu’elles seules connaissent, refusant d’informer le peuple Malien, correctement, sur toutes les questions d’intérêt national.
On sait, que les autorités politiques et administratives aiment beaucoup, par principe, la manipulation de l’information, dans leur stratégie bien élaborée, car elles considèrent l’information comme une arme. Pour la bonne gouvernance, le peuple a droit à l’information. Or, au Mali, à cause de l’opacité de l’information, le peuple n’est souvent pas informé sur son propre sort, par les autorités politiques et administratives. C’est ainsi, que les Maliens ne savent même pas pourquoi, l’armée malienne ne rentre pas à Kidal, et cela, pendant plus de cinq ans ! Cela a tellement choqué l’ancien président de la République, le Général Moussa Traoré, qu’il avait accordé une interview à MONDE DAFRIQUE, pour dire ses quatre vérités, avec un élan patriotique remarquable, à propos de Kidal et la présence de la France. Il disait à ce sujet : « empêcher les troupes Maliennes d’aller à Kidal, cela est troublant ! Empêcher l’armée Malienne d’aller à Kidal, et installer le MNLA à Kidal, cela donne à réfléchir à tous les Maliens » ! Cette déclaration illustre, parfaitement, l’opacité de l’information au Mali. Le peuple Malien doit se plaindre, et protester énergiquement, contre ce déficit d’information, sur une question aussi cruciale que d’intérêt national. Et cela, doit cesser au Mali, au nom des principes de la bonne gouvernance !
La bonne gouvernance couvre l’ensemble des actions par lesquelles, individus et institutions, tant privées que publiques, gèrent leurs affaires communes. Cela prouve que la gouvernance est globale, et que tous ces trois principaux éléments, traités, ci-dessus, sont en connexion. Il n’y a guère de cloison étanche entre eux, et ils visent le même but.
Le monde étant à la remorque de l’Occident, les Maliens, voire les Africains, doivent, dans un esprit de stimulation, et même de concurrence positive, s’adosser à leurs valeurs sociétales positives, et aux meilleurs de leurs traditions ancestrales, pour tenter de sortir du mimétisme occidental, et de tenter aussi, de relever le défi au bon sens, en osant innover et inventer, leurs propres modèles de gouvernement et de gouvernance, adoptés à leur environnement sociétal, et à leur réalité propre, sans pour autant renier les valeurs et principes universels, très enrichissants. Cela sera, une contribution inestimable, et de qualité supérieure, à la science universelle, au bénéfice de l’Humanité tout entière. Telle doit être la mission sacerdotale de leurs chercheurs émérites, leur intelligentsia !
Il faut dire aussi, que les valeurs sociétales positives des Maliens, voire des Africains, doivent être vues et considérées, non pas comme des obstacles, mains bien, comme une contribution de qualité, et de précieuses ressources, pour la modernité et pour le progrès de l’Humanité tout entière. Au regard de tout ce qui précède, on est en droit de penser, d’ores et déjà, qu’à la limite, la gouvernance, sous sa forme actuelle au Mali, pourrait avoir comme objectif ultime, le dépérissement, voire la disparition de l’Etat dans son essence, et dans ses attributs classiques et traditionnels, ou comme le dirait l’autre, ‘’sa transformation en simple rouage technique’’. Enfant légitime de la mondialisation des années 1990, la gouvernance, avec sa logique de gestion rationnelle, s’inscrit dans l’air du temps, que les hommes du 21e siècle ne doivent plus, et ne peuvent plus, être gouvernés de la même manière que les hommes des siècles passés.
Seydou Diarra
Soure: Le Carréfour