Jamais l’Union africaine n’a été aussi humiliée. Cette structure censée prendre tous les pays du continent sous son aile semble devenir une vieille dame sénile qui passe le plus clair de son temps à tenir des propos qui ne tiennent pas la route lors de rencontres interminables. Elle a entrepris plusieurs réformes qui n’ont jamais abouti.Cette faiblesse de l’UA ne doit surprendre personne dans la mesure ou elle a assisté impuissante à la chute de Mouammar Kadhafi qui finira par être exposé comme une pièce de musée à Misrata. L’homme fut un grand champion de l’intégration africaine. Il suffit de remonter un peu le cours de l’histoire pour comprendre le malheur de ce continent qui a fait la fortune de nombres de puissances coloniales.
En effet, depuis la conférence de Berlin tenue entre 1884 et 1885, cette masse terrestre qui est le 3eme continent le plus vaste de la planète avec une superficie de 30 415 873 km2 est devenue un enjeu pour les grandes puissances qui s’efforcent d’accroitre leurs espaces de domination. Après l’esclavage place à la colonisation. Terre de prédilection pour les rois de la péninsule Ibérique, des rois de France d’Angleterre et de Hollande qui installèrent des comptoirs commerciaux Depuis le 15 eme siècle jusqu’à la colonisation en passant par la décolonisation, l’Afrique n’a jamais pu jouir de ses immenses richesses naturelles. Les puissances coloniales pendant les deux guerres mondiales ont puisé dans ses ressources naturelles et ont utilisé sa jeunesse comme chair à canon pour combattre l’adversaire. Si le Liberia n’a jamais été colonisé officiellement, officieusement elle était dirigée par les anciens esclaves noirs venus de l’Amérique jusqu’au coup d’État du sergent-chef Samuel Doe. Quant à l’Abyssinie devenue depuis l’Éthiopie la terre des hommes au visage brûlé, elle a su se faire respecter lors de la bataille d’Adoua qui a eu lieu le 1er mars 1896. En effet les troupes du Négus Ménélik IIinfligèrent une lourde défaite aux 16 mille soldats italiens commandés par le général Baratieri. Le gouvernement du Premier ministre Francesco Crispi s’effondre. Après cette victoire sur une puissance européenneéquipée de dernière arme pour l’époque, le pays rejoint le cercle fermé de la Société des Nations la SDN. Après cette période mouvementée, le vent d’espoir suscité par la décolonisation va se transformer en tourbillon dont le principe sera le néocolonialisme. Après la décolonisation les regards se tournent vers Addis-Abeba où l’Organisation de l’Unité Africaine OUA voit le jour dans une atmosphère de ferveur populaire. Mais le machin africain ne tardera pas à montrer ses limites. Les coups d’État militaires deviennent la mode. Certains dirigeants pour sauver leurs trônes vont louer les services des anciennes puissances coloniales. C’est le cas du Gabon où Léon Mba sera victime d’un vrai faux coup d’État digne d’une mise en scène hollywoodienne. Dans la nuit du 17 au 18 février 1964, il est renversé par une junte militaire dirigée par JacqueMombo et Valère Essone qui confie le pouvoir à Jean Hilaire Aubamele pire ennemi de LéonMba , mais coup de théâtre dans la nuit du 18 au 19 février1964 , il est rétabli dans ses fonctions par des paras français venus de Dakar et d’Abidjan. La raison, il a accordé beaucoup de privilèges à la métropole,toute chose qui a été appréciée par le général de Gaulle. Jomo Kenyatta pour sauver son pouvoir au Kenya bénéficiera du soutien des parachutistes anglais. Le pays continent le Congo belge connaitra un sort plus dramatique le champion de la décolonisation du pays Patrice Émery Lumumba sera ligoté et exécuté sous les regards d’une Afrique impuissante. Après la mort de Lumumba et l’arrestation de Moise Tshombe, le président Joseph Kasavubu ne durera pas longtemps victime des griffes du Léopard Joseph Desire Mobutu. Ce dernier pour se maintenir au pouvoir va pendant 32 ans bénéficier de la complicité des puissances occidentales. Les parachutistes français à travers l’opération Léopard vont sauter sur Kolweizi sous prétexte de sauver des otages, plus tard ils seront rejoints par les commandos belges. En réalité le but de l’opération était d’empêcher les gendarmes katangais soutenus par l’Angola de faire main basse sur les mines de cuivre. Dans certains cas l’implication de l’ancienne puissance coloniale se fait de façon ouverte. Aussi les forces françaises interviendront au Tchad dans le cadre de l’opération Manta pour soutenir François NgattaTombalbaye contre le Frolinat. Dans les années 1980 à travers le dispositif Epervier sous prétexte de sauver le Tchad contre les visées expansionnistes de la Libye de Muammar Kadhafi dans la bande d’Aouzou. Ces mêmesFrançais après avoir fermés les yeux sur les foucades de l’empereur Bokassa Ier vont de façon flagrante transportés dans un avion Transal David Dacko pour lui remettre le pouvoir à travers l’opération Barracuda. Il ya eu plusieurs autres précédents. Mais le cas qui fait tilt, c’est surtout les différentes agressions dont a été victime le grand guide de la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Socialiste et Populaire. Nous sommes avril 1986, le Colonel Kadhafi accusé de soutenir le terrorisme international est frappé par l’aviation américaine, il est sauvé de justesse suite à une alerte de l’Union soviétique, mais sa fille adoptive meurt. L’ OUA ne fera rien pour empêcher cette agression. C’est ne que partie remise le sous-sol libyen est imbibé de pétrole. Les américains et les Britanniques n’ont pas pardonné à Kadhafi son virage vers Moscou. Londres, Paris et Washington cherchent une autre occasion pour punir celui qu’il considère comme un fauteur de trouble. Ils vont profiter des attentats contre l’avion de la Panam au-dessus de la ville de Lockerbie aux pays bas et l’attentat contre l’avion d’UTA au-dessus du désert du Ténéré pour lui imposer un embargo qui va durer des années.En réalité ces puissances voient d’un mauvaisœil la politique d’intégration du Guide sur le continent. Lorsque les Américains décident en 1991 de frapper à nouveau la Libye même Israël pour qui Kadhafi a toujours servi d’argument commode pense que Washington se trompe de cible et qu’il doit plutôt viser Damas ou Téhéran. A l’époque même le ministre français des Affaires étrangères Roland Dumas s’oppose à une action contre la Libye ce qui tranchait avec la position du chef de la diplomatie libyenne Ibrahima Bechari.L’histoire contemporaine de la Grande Jamahiriya est marquée par une série d’occupation étrangère. D’abord Ottoman c’est pourquoi, certains estiment que le président RecepErdoganest un nostalgique du passé colonial de la Turquie. Après l’épisode Ottomane, l’Italie en 1911 décide d’étendre son domaine colonial après l’humiliation d’Adoua son objectif c’est la Libye qui est située de l’autre côté de la Méditerranée. Mais la conquête du pays prend une ampleur nouvelle en 1922, lorsque le Duce Benito Mussolini dans son rêve insensé de faire revivre la Rome antique décide de prioriser la conquête de la Cyrénaïque, de la Tripolitaine et du Fezzan. Rappelons que le regroupement de ces trois entités formera une République fédérale regroupée au sein de la Libye . Le système fédéral sera supprimé par Kadhafi après le coup d’État de 1969. Une fois son rêve brisé de constituer une nation arabe unit, il change d’ambition. Il tente dans un premier temps de favoriser le rapprochement des pays arabes du continent au sein de l’Union du Maghreb Arabe. C’est un échec cuisant, il se tourne alors vers les autres pays africains. Il sera le principal artisan des réformes qui vont aboutir à la mort de l’OUA qui sera remplacée par l’Union africaine. Les différentes réformes sont les résultats des sommets de Syrte I et II. L’Ivoirien Amara Esy dirige la phase transitoire et cède la place à l’ancien président malien Alpha Oumar Konare. Après le déclenchement de l’opération harmattanle 19 mars 2011 sur une initiative du président Nicolas Sarkozy, l’écrivain camerounais Jean Paul Pougala révélera que ont voulu la peau du guide parce qu’il était sur le point d’initier le fonds monétaire africaince qui représentait une menace pour le fonds monétaire international. Mieux Kadhafi avait dans son agenda, le lancement d’un satellite pour l’Afrique. Pour toutes ces raisons, il fallait se débarrasser de lui stricto sensu. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un pays souverain est agressé par des rebelles soutenus par l’OTANen violation du droit international. Le Conseil National de Transition (CNT) qui a été mis en avant par les Occidentaux pour cette sale besogne n’était pas l’incarnation du peuple libyen. Durant cette agression injuste l’Union africaine s’est contentée d’envoyer un panel de chefs d’État, il s’agit du président Amadou Toumani Toure du Mali, du président Sassou N’guesso du Congo Brazzaville, Jacob Zuma préside de l’Afrique du Sud. Au même moment le président sénégalais Abdoulaye Wade se rend à Benghazi pour demander à Kadhafi de quitter le palais de Bab al- Azizia. C’est fut la honte. Le colonel Kadhafi résiste pendant 6 mois et meurt le 20 octobre 2011 à Syrte. Le soi-disant printemps arabe provoqué par les Occidentaux a eu pour résultat ce que nous savons. L’opération harmattan a été l’opération qui a semé le chaos dans la région Sahel. L’autre affrontce que c’est d’autres pays qui discutent de l’avenir de la Libye en lieu et place de l’Union africaine. C’est les Turcs, les Russes, les Qataris, les Émiratis qui discutent de l’avenir de la Libye. Des puissances africaines comme l’Égypte et l’Afrique du Sud n’ont rien pu faire pour empêcher cette nouvelle agression de ce pays dont le dirigeant Kadhafi a tout mis œuvre pour que l’Afrique retrouve sa dignité. Pour quelqu’un qui a regardé, le Lion du désert même si c’est de la fiction se rend compte à quel point ce peuple n’a jamais accepté une domination étrangère.
Badou S. Koba
Soure: Le Carréfour