“Nous sommes tous tellement soulagés”, a déclaré le président démocrate, depuis le Bureau ovale de la Maison Blanche, à l’issue de trois semaines d’un procès suivi dans toute l’Amérique.
Il parlait avec Ben Crump, l’avocat de la famille du quadragénaire noir asphyxié l’an dernier sous la pression du genou de Derek Chauvin. Cet homicide, en mai 2020, avait profondément choqué l’opinion publique, déclenchant de gigantesques manifestations contre le racisme et les brutalités policières, jusqu’au-delà des frontières des Etats-Unis.
Mardi soir, après une courte délibération du jury, le policier a été reconnu coupable.
– L’effet Obama –
Ayant lui-même subi une série de drames familiaux lors de sa longue carrière politique, Joe Biden est connu pour sa capacité d’empathie naturelle vis-à-vis des victimes. Mais, lors de cette dernière journée de fort suspense au tribunal de Minneapolis, le président a également ajouté une bonne dose d’opportunisme dans sa réaction, qu’il a soigneusement médiatisée.
M. Biden a beau être blanc, il jouit d’un fort capital de confiance au sein de la population noire américaine, ayant été le vice-président de Barack Obama.
Ce sont d’ailleurs les Afro-Américains qui lui ont permis de relancer sa campagne électorale lorsque celle-ci se trouvait dans le creux de l’ornière.
Les électeurs noirs l’avaient porté vers la victoire dans la primaire démocrate en lui offrant un score écrasant en Caroline du Sud, fin février 2020, lui permettant de signer l’un des retours les plus spectaculaires de l’histoire politique américaine.
Joe Biden avait transformé l’essai auprès de cette catégorie de votants cruciale dans certains Etats-clés, en nommant une femme noire, Kamala Harris, au poste de vice-présidente.
Restait au président à montrer qu’il s’intéresse aux Afro-Américains pas seulement quand ils se révèlent être des pions utiles sur l’échiquier électoral du pays.
Le meurtre commis par Derek Chauvin lui a offert cette occasion.
– Franchise ou gaffe ? –
Tandis que les 12 jurés étaient encore mardi occupés à délibérer de la culpabilité du policier, le locataire de la Maison Blanche s’est permis de confier à des journalistes que les preuves dans cet homicide lui semblaient “accablantes”.
“Je prie pour que le verdict soit le bon”, a-t-il poursuivi, se voyant immédiatement reprocher par ses adversaires républicains une intervention totalement inopportune, susceptible d’entraver le cours serein de la justice, voire d’ouvrir une possibilité d’annulation du procès.
Pour d’autres, Joe Biden ne s’est rendu coupable que d’une nouvelle gaffe s’inscrivant dans une longue série de dérapages verbaux.
La porte-parole de l’exécutif, Jen Psaki, a justifié que le président se soit ainsi invité dans le procès en expliquant qu’il n’avait fait que réagir face à une souffrance.
“Il comprend l’épuisement des gens, ils sont fatigués”, a-t-elle plaidé. “Il a conscience de leur déconvenue et de leur traumatisme et il veut mettre en place des réformes”.
Peu après le verdict, le président s’est de nouveau entretenu avec l’avocat et les membres de la fratrie Floyd, une “famille formidable” selon ses propres mots.
La conversation, alternant entre rires et larmes et qui a été rendue publique, a permis à Joe Biden de faire passer un message politique, en invoquant la fille de George Floyd, Gianna, avec qui il avait parlé après la mort de son père.
“Je repense à ce qu’a dit Gianna: +Mon père va changer le monde+. On va lancer ce changement maintenant”, a dit le leader démocrate, allant même jusqu’à proposer l’avion présidentiel pour inviter les Floyd à la Maison Blanche.
“Vous feriez bien de vous tenir tous prêts parce que si l’occasion se présente nous allons vous embarquer dans Air Force One et vous ramener ici”, a-t-il assuré.
Plus tard enfin, dans une allocution télévisée solennelle, Joe Biden a dénoncé le racisme qui “entache” l’âme de l’Amérique. “Le verdict de culpabilité ne fera pas revenir George” mais cette décision peut être le moment d’un “changement significatif”, a-t-il ajouté.
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