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Au Mali : Quand l’or brille au détriment de la jeunesse !

Troisième pays producteur d’or à l’échelle continentale après l’Afrique du Sud et le Ghana, les 70% des recettes d’exportation du Mali, proviennent de la production aurifère selon des statistiques officielles du Ministère de l’Economie. Malheureusement, l’or, à force d’attirer la jeunesse malienne vers des sites d’exploitation, est en train de faire perdre à l’éducation des enfants, tout son intérêt, en raison à de ce qui apparait comme « richesse rapide ».

 

Désormais au Mali, la recherche de l’or comme « voie la plus rapide » pour devenir riche et s’offrir tout ce l’on désire, a fini par faire de l’éducation, « une perte de temps », aux yeux d’une frange majoritaire de la population. Les sites d’exploitation artisanale des mines d’or, sont les zones qui attirent le plus d’affluence en raison du fait que les moyens techniques rudimentaires utilisés pour extraire l’or, soient accessibles au plus grand nombre de personnes malgré les nombreux risques qu’ils encourent quotidiennement.

Dans les régions de Sikasso et Kayes, où sont concentrés les usines de production aurifères et sites d’orpaillage traditionnels les plus convoités du pays, les salles de classes sont de plus en plus désertées par les élèves au profit des mines d’or. Plusieurs enfants qui abandonnent l’école, et parmi lesquels, des filles, sont même encouragés par les parents qui estiment que les revenus permettront de subvenir aux besoins de la famille. Ces mines d’or sont également un appât de gain facile pour de nombreux jeunes écoliers d’autres grandes villes du Mali, notamment, Bamako où, ces dernières années, plusieurs centaines d’élèves de moins de 18 ans ont disparu des écoles pour se rendre sur des sites aurifères selon un rapport de l’Académie d’enseignement.

Youssouf Dembélé, un élève de 17 ans, a raconté au Journal « Le Point » comment il a mystérieusement disparu des classes pour se retrouver sur un site d’exploitation d’or hors de Bamako où il faisait la classe de 11è année. «Mes amis d’enfance qui ne sont pas lettrés, ont eu accès à tout ce dont ils désirent socialement grâce à l’argent qu’ils ont pu gagner sur les sites de production d’or. Chaque fois qu’ils venaient rendre visite à leurs familles après plusieurs mois d’absence, ils amenaient de somptueux objets de plaisir et se moquaient toujours de moi. Ne pouvant plus supporter les frustrations que cela me causait, j’ai alors décidé de quitter les bancs pour suivre leur exemple sans toutefois avertir mes parents.»

«Au début, j’avais du mal à m’habituer aux travaux d’excavation et je gagnais très peu d’argent. Mais après quelques mois de rodage, j’ai pu faire des économies qui me permettent aujourd’hui de m’offrir pas mal de plaisirs. Mes parents qui ne comprenaient pas mon choix, ont fini par me féliciter pour mon courage ainsi que pour tous les efforts financiers que je consens pour le bien-être de la famille», a-t-il continué la narration, ajoutant qu’il n’envisageait plus retourner à l’école pour poursuivre son cursus scolaire.

L’action infructueuse des pouvoirs publics et leurs partenaires face à un phénomène dévastateur

Malgré les politiques dissuasives adoptées par les initiatives entreprises par le Ministère de l’Education Nationale en partenariat avec Human Rights Watch, la Cellule Nationale de Lutte contre le Travail des Enfants, la Chambre Malienne des Mines et l’Organisation International du Travail contre la ruée vers les zones minières, la convoitise des sites de production d’or au Mali, continuent d’être un danger pour l’avenir de la jeunesse du pays. Et malgré des mesures officielles de fermeture des sites d’orpaillage ainsi que tous les risques sanitaires et criminels qui prolifèrent dans ces zones, de nombreux parents préfèrent toujours y envoyer leurs enfants pour chercher de l’argent plutôt que de les maintenir à l’école qu’ils voient comme une « source de dépense inutile ».

Soungoutouta Sissoko, une adolescente de 14 ans du Cercle de Kéniéba dans la région kayesienne, a expliqué comment elle a été contrainte d’abandonner l’école pour aller travailler dans cet univers combien étrange des sites d’orpaillage : « L’an dernier, juste deux mois après la rentrée, ma mère est venue me retirer de l’école un matin pour que j’aille travailler auprès de ma tante dans la mine d’or de Morila malgré le refus persistant du maitre. Mon père est décédé l’année surpassée et elle est, jusqu’ici, la seule à s’occuper de moi et mes deux petits frères.»

«Elle m’a dit que j’avais déjà l’âge de travailler pour gagner de l’argent afin de l’aider à s’occuper du ménage et acheter progressivement mon trousseau de mariage. Mes autres amis qui travaillaient déjà sur des sites aurifères et envoyaient régulièrement de l’argent pour épauler leurs familles, avaient incité ma mère à mettre fin à mon éducation. Malgré mes pleurs suite à mon retrait de l’école, elle n’a ressenti aucune compassion pour moi et m’a même menacée de me renier si je ne lui obéissais pas. C’est ainsi que j’ai accepté de me rendre dans la mine d’or de Morila où je me suis involontairement exposée aux plus dures réalités de ma vie. Je ne pourrai plus avoir mes diplômes et mes rêves ne pourront plus se réaliser», a-t-elle poursuivi, les yeux imbus de larmes.

Les autorités locales qui disent conscientes des conséquences de l’activité minière sur la scolarisation des enfants, ont confirmé que dans plusieurs villages de la localité, des écoles sont sur le point de fermer à cause de la ruée massive des enfants vers les zones d’orpaillage. Concernant le cas des filles, le Président du Conseil de Cercle de Bafoulabé, dans la même région, a dit : «Sur 5 filles inscrites à l’école, une seule termine son cursus scolaire. Depuis plusieurs années, nous sensibilisons les enfants et leurs parents afin de leur faire comprendre que le savoir est plus important que l’or. De nombreux enfants qui se rendent sur les dites d’orpaillage, reviennent avec plusieurs types de maladies et deviennent une charge supplémentaire pour la collectivité sociale.»

En dehors du fait que l’or représente une sorte d’« aubaine » pour une grande partie de la jeunesse malienne qui le préfère aux références académiques, les zones d’orpaillage deviennent de plus en plus meurtrières à cause d’une foule de risques dont la plupart des orpailleurs sont moins conscients et moins épargnés. Tout comme l’émigration clandestine qui cause de nombreux décès dans le désert et la méditerranée, plusieurs morts sont également enregistrés chaque année sur les sites miniers artisanaux au Mali dans des zones où il n’y a généralement pas de sécurité, eau potable, nourriture saine et centres de santé. Aussi, lors des activités d’extraction, les forages souterrains s’écroulent très souvent sur les orpailleurs pris au piège et les trous abandonnés après exploitation, s’avèrent extrêmement dangereux. Ces risques énormes, malgré leur récurrence, ne parviennent guère à dissuader les jeunes gens et le travail sur les sites d’orpaillage traditionnel aussi bien que les mines industrielles, continue de nuire aux perspectives d’avenir d’une bonne frange de la jeunesse scolaire et estudiantine du Mali.

Moulaye DIOP

LE POINT DU MALI

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