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Assises de Bamako : Agents verreux derrière les barreaux

AAT et son complice MC ont comparu devant la Cour d’assises pour « faux et usage de faux, escroquerie, abus de confiance et vol ». Ils paient désormais le prix de leur complicité

 

Au moment des faits, courant 2017, ces deux individus étaient employés dans une structure hôtelière de la place, où ils avaient qualité de financiers. à ce titre, ils avaient à charge la gestion de l’argent et des clients de l’hôtel. Malheureusement pour eux, il semble qu’ils n’ont pas pu résister à la tentation de l’argent facile. Ils s’en sont servis de façon illégale, commettant des infractions prévues et punies par les dispositions des articles 102, 103, 104, 275, 282, 252, et 257 du code pénal. Ces dispositions peuvent donner lieu à l’application de la peine de mort.

Du dossier d’accusation, il ressort qu’AAT était le caissier principal de l’hôtel, tandis que son complice, MC en était le comptable. Un jour de mars de l’année 2017, le caissier s’est présenté au guichet d’une banque de la place avec un chèque d’un montant de 7,5 millions de F CFA. Il ignorait certainement un fait. Conformément à une convention établie entre la banque et l’établissement hôtelier concerné, la banque ne doit payer aucune liquidité qui excède la somme de 5 millions de francs CFA à qui que ce soit. Mais bizarrement, ce jour-là, il est apparu sur le chèque apporté par AAT que la banque doit payer plus de 7 millions de francs CFA.

Naturellement, cet état de fait a éveillé les soupçons des guichetiers. Prudents, ces derniers se sont abstenus d’acquitter le chèque avant toute vérification. Ainsi, il s’est avéré que le chèque apporté par AAT avait fait l’objet d’une annulation depuis un moment. D’où tout le flou qui entoure cette opération.

Débutèrent alors des investigations aux termes desquelles AAT, bien qu’étant en congé annuel, au moment des faits, est appelé pour venir s’expliquer devant le directeur financier de son service employeur. C’est en ce moment que les choses commencèrent à tourner au vinaigre pour l’imprudent caissier. Coincé, il n’a pas pu résister face aux questions. Pis, il a paniqué et a craché le morceau en dénonçant MC, son complice qui n’est autre que le chef comptable dudit établissement hôtelier.

Dénonciations en cascade. Dans la foulée, lui aussi est appelé pour éclairer la lanterne du directeur financier. Mais curieusement, ce dernier aussi a lâché le nom d’un autre argentier de la boîte. Les dénonciations sont allées en cascade sans que les responsables de l’hôtel puissent situer le vrai coupable de ce qui semble être une affaire de vol au sein de l’hôtel. Dès ce moment, cette affaire ne pouvait plus être étouffée.

Dans le feu de l’action, la direction de l’établissement a ordonné un audit de l’ensemble du système d’encaissement et de décaissement de la structure. Les spécialistes commis à cette tâche ont découvert un « réseau de gestion comptable et financière basé sur la corruption, le faux, le détournement et le vol de fonds de l’entreprise ». Ainsi, la direction de l’hôtel a décidé de porter plainte devant la Brigade d’investigation judiciaire (BIJ). Une enquête a été ouverte à la suite de laquelle, les inculpés ci-dessus nommés ont été poursuivis en même temps que tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin dans cette affaire. Ils ont été renvoyés devant le magistrat instructeur pour les infractions citées plus haut.

à l’interrogatoire, les mis en cause ont tenu un double langage. Leur stratégie qui semblait simple, était loin d’être efficace. Au cours de l’audition, tantôt ils reconnaissent les faits à eux reprochés, tantôt ils les niaient en bloc. Le caissier principal s’est défendu en mettant en avant sa qualité et affirmé connaître les limites de celle-ci. Presqu’au moment, il a soutenu qu’il a toujours agi sur les instructions de son chef hiérarchique MC. D’où sa tentative de convaincre le juge d’instruction que le chèque l’incriminant lui a expressément été remis par la même hiérarchie qui n’est autre que son complice. S’il faut le croire, ce dernier aussi agissait en complicité avec d’autres employés qu’il a plus ou moins nommés.

Appelé à s’expliquer son complice et chef hiérarchique s’est à son tour, défendu comme il le peut. Il a, dans un premier temps, expliqué qu’il n’était au courant de rien dans cette affaire de faux chèque. Il a tenté de détailler de façon technique les responsabilités de son subalterne AAT dans tout le système financier de l’établissement hôtelier. Puis, en second lieu, il a rejeté toute implication dans une histoire de « chèque suspect ». Au finish, MC s’est expliqué de façon bien détaillée, qu’il n’était pour rien dans cette histoire.
Extrême naïveté. Mais les enquêteurs avaient mis au jour des techniques de fraude et de détournement dont usaient les deux agents pour puiser dans les caisses de leur structure employeuse.

Les officiers de police judiciaire ont envoyé au parquet un dossier qui accablait les deux mis en cause. Ces derniers se sont retrouvés devant les jurés, quasiment sans issue pour eux. Conscient de ce fait, le caissier n’a pas cherché à se disculper. Pour prouver sa bonne foi, il a reconnu les faits, même s’il se perdait de temps à autre dans certains détails de son récit.

En somme, et au-delà de cette histoire de chèque, les jurés ont retenu qu’à chaque fois qu’il allait verser de l’argent à la banque, l’accusé AAT en déduisait une partie de la somme à verser. Puis, sans crainte apparente, il partageait l’autre partie de l’argent avec son complice. « Oui je reconnais le faux, mais j’étais en combine avec mes chefs », a-t-il calmement déclaré à la barre.

« On vous reproche un « faux » de 40 millions d’abord, ensuite un autre de 85 millions, soit un total de 125 millions de FCFA. Comment pouvez-vous expliquer cela ? lui demanda le président de la Cour. Et a l’accusé de répondre qu’il reconnaissait sa naïveté.

Quant à son chef hiérarchique et complice, lui a compris que son coaccusé est en train de lui faire endosser la responsabilité des faits. Pour s’en défendre, il est resté constant dans sa stratégie de dénégation systématique. Cuisiné, MC a fini par craquer. Il a reconnu avoir, à un moment donné, pris 2 millions de FCFA à crédit avec le caissier. « C’était pour des fins personnels », a-t-il dit. Même s’il a continué à nier toute participation se rapportant au chèque dont il est question, cet aveu d’avoir emprunté les 2 millions de FCFA avec son subalterne, semble avoir négativement influé sur son dossier. C’est ainsi que de l’attitude des mis en cause, la Cour a déduit que les deux formaient le maillon essentiel d’une chaîne qui détournait l’argent de leur employeur avec des techniques dont ils sont les seuls à connaître les secrets.

«Je connais certaines procédures de la compatibilité. Les comptables sont capables de tout », a laissé entendre le président de la Cour.
Le procès semblait être gagné pour les conseils de la partie civile. Ces derniers saisissent l’occasion pour attirer l’attention de la Cour (de façon ironique) sur les qualités professionnelles de MC. Qualités qui, selon les avocats, lui auraient permis de faire disparaître des documents frauduleux.

Le ministère public a, dans sa réquisition, usé de la métaphore d’une « équipe de foot très qualifiée » pour désigner les mis en cause.
«Il fallait être très technique. Mais malheureusement, ils n’ont pas eu un bon attaquant en la personne de AAT », a résumé le magistrat. Les carottes étaient cuites pour les accusés. à la lumière des débats, la cour les a reconnus coupables avec des circonstances atténuantes. Ils ont été condamnés à 4 ans d’emprisonnement chacun et au remboursement de la somme de 125 millions de FCFA, plus 10 millions de francs CFA à titre de dommages-intérêts.

Quant aux quatre accusés qui n’ont pas comparu, ils ont été jugés par contumace et ont écopé de 5 à 10 ans de réclusion chacun.

TAMBA CAMARA

Source : L’ESSOR

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