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Arrêt de la Cour constitutionnelle : Entre passion et droit, un feuilleton électoral s’achève

Rarement un arrêt de la Cour constitutionnelle a fait couler autant d’encre et de salive. Alors que certains pointent du doigt des erreurs matérielles devant donner lieu à des corrections, d’autres affirment que ce débat est clos, dès lors que l’arrêt publié au journal officiel n’est susceptible d’aucune rectification.

En effet, depuis que la Cour constitutionnelle a rendu public son arrêt consacré à la proclamation des résultats définitifs des élections législatives le 30 avril dernier, les contestations à travers des manifestations violentes, les joutes oratoires, les condamnations et interpellations ont pignon sur rue dans plusieurs localités du pays notamment à Bamako, Sikasso et Kayes.

Les juristes (avocats- universitaires et constitutionnalistes), tentent d’interpréter ledit arrêt selon leur sensibilité. De leurs côtés, les politiques font feu de tout bois.
Singulièrement ceux des bords ayant subis de plein fouet l’arbitrage de la haute Cour « insusceptible » de recours juridictionnel, montent au créneau, criant leurs désarrois à qui veut l’entendre.

Parmi eux, certains vont jusqu’à dénoncer « une tricherie », « un tripatouillage », voire « un hold-up électoral ». En tête de pelleton des contestataires se trouve le président du parti PRVM-FASOKO, Mamadou Oumar Sidibé. Il monte au créneau sur Internet pour rejoindre d’autres présidents de parti comme Tieman Hubert Coulibaly de l’UDD pour demander le rejet total de la décision rendue par Manassa Danioko et ses 8 sages.

Des chefs de partis mécontents des sages

Selon M. Sidibé, une première lecture de l’arrêt de la Cour constitutionnelle relatif à la proclamation des résultats définitifs des élections législatives (2è tour), révèle la politisation de cette Institution qui devrait plutôt être une véritable juridiction au service de la paix et de la cohésion sociale. En effet, au PRVM-FASOKO, dit-il, sur une quarantaine de circonscriptions électorales avec près d’une cinquantaine de candidatures, 05 candidats se sont retrouvés au second tour.

Au lendemain du second tour, poursuit-il, la Cour constitutionnelle, s’est donné les moyens pour ajuster, au profit du pouvoir en place et de ses alliés, les résultats provisoires en annulant des milliers de votes à Kati et en Commune 1 du District de Bamako. Pour lui, cet arrêt de la Cour « insusceptible » de recours, outrepasse les limites légales de la compétence reconnue à l’institution. « Cette violation grave de la Cour ne consolide ni la démocratie ni l’État de droit dans notre pays affecté par plusieurs maux », a dénoncé le patron du parti du chameau.

Le politique n’est pas seul à penser que le verdict est entaché d’irrégularités. Me Cheick Oumar Konaré, avocat inscrit au barreau du Mali, est d’avis. Il pense que la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt contesté. Selon lui, les observateurs ne comprennent pas que dans de nombreuses localités, la victoire accordée par le peuple change de camp par la grâce d’un arrêt. De plus, beaucoup reprochent à l’arrêt d’avoir commis des erreurs matérielles dans le calcul des voix.

« J’estime que la Cour a les moyens juridiques de régler les contestations. En effet, l’article 10 de son règlement intérieur lui permet de corriger les éventuelles erreurs matérielles et elle a aussi le loisir de joindre les acteurs concernés au processus de vérification des calculs », a développé le juriste.

L’avocat estime que le Mali n’a pas besoin d’une nouvelle crise politique. « Si nous brûlons le peu qui nous reste de notre pays (le nord et le centre sont déjà en feu), nous n’aurons même plus de lieu de refuge puisqu’à cause du coronavirus, toutes les frontières sont fermées », a prévenu Me Konaré. Selon lui, il urge de modifier les lois de manière à réduire les pouvoirs de la Cour constitutionnelle et à rendre plus transparents les débats au sein de cette juridiction.

Pas d’erreur matérielle

Selon le Pr Brehima Fomba, constitutionnaliste respecté, il n’existe aucune erreur matérielle dans la décision judiciaire. Pourtant connu pour ses sorties fracassantes contre le régime, le professeur de droit public, dans son appréciation de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, surprend plus d’un. « Ce dossier est clos l’arrêt est déjà publié au journal officiel (JO). Je vais même te préciser qu’au regard de l’arrêt tel que publié au Journal officiel, il n’existe aucune erreur matérielle y compris de calcul de résultats.

Le document auquel les gens se réfèrent n’est qu’un document interne à la Cour sans valeur juridique qui paraît, du reste, avoir fait l’objet de « fuite » et n’a absolument rien d’authentique au point d’engager la responsabilité de la Cour Constitutionnelle », a déclaré Pr Bréhima Fomba.

Fin de la polémique ? Pas sûr. Les politiques sont pas du genre à lâcher prise aussi vite. Au beau milieu de ce feuilleton électoral, un événement de haute portée survint. Le président de la République vient de sonner la fin de la récréation. Le débat n’a que trop duré. En effet, par le décret n-2020-0420/P-RM du 05 mai 2020, le président Keita a convoqué l’Assemblée nationale en session extraordinaire le lundi 11 mai prochain. Il s’agit de la session inaugurale de la 6è législature.

C’est en courant que les députés élus ont convergé vers L’hémicycle pour se faire enregistrer. Cet enregistrement, convient-il de souligner, se fait à cinq étapes. À son arrivée, le nouvel élu se procure une fiche à remplir auprès de l’équipe de permanence dans la salle Mamadou Konaté. Ensuite, il fait le dépôt de son dossier administratif. La troisième étape de l’enregistrement est le retrait du kit du député. Il s’agit d’un sac contenant le macaron, l’écharpe, le pin’s, un guide du député, une copie de la Constitution et du règlement intérieur de l’institution.

Suite à cela, le nouvel élu est reçu par un huissier qui lui montre comment bien porter l’écharpe et le pin’s. Après ce ‘’périple’’ les nouveaux élus sont reçus par d’autres membres de la permanence qui leur expliquent où porter chacun des équipements mis à leur disposition, ainsi que les privilèges du macaron. La dernière étape de l’exercice est la photo officielle du député.

Le baptême de feu

Le mandat des députés de la 5è législature est arrivé à terme le 02 mai dernier. La séance inaugurale de la 6è législature aura dans son ordre du jour l’élection du président de l’Assemblée nationale, l’examen du règlement intérieur, l’élection des membres du bureau de l’institution, constitution des groupes et des commissions parlementaires, ainsi que l’examen des deux projets de loi.

Le démarrage du travail parlementaire aura fini d’achever de clore le débat sur la possibilité de changement dans l’arrêt de la « haute » Cour. Dans la foulée, dans un communiqué datant du 04 mai, le secrétaire général de l’Assemblée a invité les députés membres du bureau, présidents de groupes parlementaires et de commissions de la 5è législature, détenteurs de véhicules de fonction de bien vouloir déposer auprès de la direction des services administratifs et financiers lesdits véhicules, ainsi que les clés de leurs bureaux contre décharge au plus tard ce vendredi 08 mai à 12 h.

Aboubacar TRAORÉ

Source: Journal L’Essor-Mali

 

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