Disparu des radars depuis son départ de l’Algérie pour une certaine rencontre du monde islamique en Arabie, l’imam Mahmoud Dicko a donné signe de vie, vendredi dernier. Pas par lui-même, mais par ses nombreux adeptes qui ont pris d’assaut la Grande Mosquée de Bamako pour scander son nom de nombreuses minutes durant.
L’épisode pourrait marque un double retour du leader religieux sur la scène publique : d’abord en tant qu’alternative à l’inaction criante de la faîtière des organisations islamiques, ensuite comme parrain d’une éventuelle gronde populaire. Le président d’honneur de la CMAS, qui avait longtemps annoncé son retour au bercail sans jamais l’oser, semble trouver finalement une rampe de relance dans le grand service que lui a involontairement rendu le mouvement Kémite et les défis impunément lancés à la religion dominante sur ses platebandes jadis infranchissables. C’est pour tirer au clair cette épreuve inédite que les organisations religieuses ont choisi la grande prière du vendredi comme tribune de réplique aux assauts anti-islamiques qui frisent la démystification pour les gardiens du temple musulman au Mali. Comme on devait s’y attendre, les diatribes ont fusé de toutes parts contre les adeptes maliens du culte pharaonique, qui avait récemment présenté l’islam comme une imposture. Mais les défenseurs de la religion majoritaire au Mali ne se sont pas contentés de battre en brèche leurs arguments anti-coraniques, ils en veulent autant aux hautes autorités de cautionner les anathèmes impunément véhiculés contre le monde musulman. En attestent les huées et conspuassions qui ont accueilli le nom du président de la Transition, Assimi Goita, qu’un certain porte-voix du Haut Conseil Islamique du Mali a tenté de présenter comme un allié de la cause de l’Islam face à ses contempteurs et pourfendeurs. Pas question d’élever le chef de l’Etat à ce rang, ont laissé entendre les fidèles fortement mobilisés pour la défense de leur culte, en menaçant de vider les lieux si le nom d’Assimi Goïta était insidieusement associé à leur combat. Et comme pour faire rendre gorge aux autorités de la dissolution de la CMAS et de leur hostilité à son président d’honneur, ils ont choisi d’exprimer leur colère en martelant haut et fort le nom de l’ancien président du HCIM en opposition à celui du chef de l’Etat. La dichotomie Assimi Goïta – Mahmoud – Dicko est ainsi lancé et pourrait du coup replacer le célèbre imam dans une nouvelle position d’autorité morale d’une éventuelle fronde populaire en gestation, si le contexte actuel ne l’a déjà pas engendrée. En tout cas, avec la conjugaison de tant de malaises, l’environnement socio-politique n’a jamais été aussi propice à une jonction des motifs de frustrations de divers ordres et qui n’ont besoin probablement que de leader emblématique pour un déchaînement. Crise énergétique, dialogue national sur fond de divisions et d’exclusion d’acteurs, fronde religieuse, cherté de la vie et crise trésorière, etc., tous les ingrédients semblent réunis, en effet, pour que Mahmoud Dicko reprennent du service sur l’arène politique, au même moment où ses coreligionnaires semblent nostalgiques de son leadership au Haut Conseil Islamique ainsi que de son engagement pour la cause islamique qu’il estime mal assurée par leurs dirigeants actuels. Et pour cause : avant les défis et agressions kemites, il y eut des arrestations inédites de grandes figures de la Oumah qui n’auraient peut-être pas prospéré avec Dicko à la tête du Haut Conseil. Son éventuel retour sur l’arène politique sera-t-il doublé d’un nouveau plébiscite à la tête du HCIM ?
A KEÏTA