Dans l’après-midi du vendredi 10 mai 2013, une folle rumeur, qui avait très rapidement envahi la ville et occupé les réseaux de téléphonie mobile, faisait état du suicide du maire du District de Bamako, Adama Sangaré, incarcéré depuis le jeudi 9 mai, à la prison de Koulikoro. Une rumeur qui, par la suite, allait s’avérer fausse et s’éteindre comme un feu de paille. Le lendemain, plusieurs membres de la direction du parti se sont succédés auprès de l’édile dans la cité du Méguétan, pour lui apporter soutien et réconfort. Cela au moment où ses avocats attendent impatiemment la suite réservée par le juge à la demande de mise en liberté provisoire déposée dès les premières heures de son incarcération. En tout cas, 25 millions F CFA auraient déjà été collectés par ses proches. Pour servir éventuellement de caution.
Depuis l’incarcération du maire du District de Bamako dans la cité du Méguétan, le ballet des grosses cylindrées se poursuit jour comme nuit sur cette route dégradée Bamako-Koulikoro. En effet, pour les autorités locales, administratives comme judiciaires, c’est une véritable corvée que de garder un si haut cadre du District, un baron de la République qui n’hésite pas à donner l’accolade, aussitôt sorti des locaux de la Brigade d’investigation judiciaire (BIJ), au président de la République par intérim sur le tarmac de l’aéroport. Une image diffusée à la télé et qui n’est toujours pas effacée de la mémoire des Maliens. Comme quoi, on aura tout vu dans ce pays …Malgré cette rare et controversée faveur présidentielle, Adama Sangaré est retourné en prison.
Ce qui suppose que l’affaire ou bien les affaires sont assez sérieuses pour justifier que le tout puissant maire du District soit jeté en prison comme un malfrat. Au moment même où des rumeurs faisaient état d’un éventuel suicide du prisonnier, une décision de cession de terrain signée des mains du maire incarcéré et dans laquelle figuraient, entre autres, des noms de magistrats et d’un procureur, circulait, lui-aussi, sous le manteau à Bamako. A quelle fin ? Est-ce à dire que des personnalités haut placées ont elles aussi bénéficié des largesses de celui qui se bat aujourd’hui entre les quatre murs de la prison de Koulikoro ?
En tout cas, même des têtes couronnées risquent de tomber si, le maire se voit dans l’obligation de tout divulguer. Sur cette décision, il nous a été donné de voir les noms de plusieurs personnalités qui ont eu des parcelles à Missabougou sur le site contesté – soit en leur propre nom soit au nom de leur progéniture. En effet, sur cette liste de gens qui sont censés avoir bénéficié de parcelles, il n’est pas rare de rencontrer des noms de personnes qui sont encore…sur les bancs de l’école.
La spéculation foncière, sur des terres appartenant à l’Etat ou sur des parcelles des particuliers, est devenue le sport favori des élus communaux aveuglés par l’appât du gain facile. Parfois des hommes en robe, noire ou rouge, sont servis dans le but qu’ils soient cléments au cas où l’indélicat maire se retrouverait devant dame justice. Maintenant qu’Adama Sangaré est dans les mailles de cette justice, ceux auxquels il a rendu d’éminents services dans le domaine foncier, vont-ils maintenant voler à son secours ? ainsi que ses amis politiques? Dans la mesure où il est supposé être l’un des plus gros bailleurs de fonds de la ruche et candidat potentiel de ce parti lors des futures législatives en commune III du District de Bamako. Il est, certes, membre de la direction de l’ADEMA mais certains cadres et militants de ce parti le considèrent comme un renégat, car très proche du candidat à la prochaine élection présidentielle et adversaire déclaré de Modibo Sidibé. Ceux-ci se réjouissent, naturellement, de ses déboires actuels qui l’éloignent du champ politique.
Va-t-il bénéficier de la liberté provisoire ?
La visite que les membres de son parti lui ont rendue le week-end dernier n’avait, certainement, pas d’autre but que de soutenir un camarade dans l’épreuve. Même si Adama Sangaré a bénéficié, selon des sources non confirmées, d’un climatiseur pour rafraîchir sa cellule, un long séjour dans une prison ne peut que réveiller certaines vieilles maladies auparavant endormies. Ce qui peut être son cas ; lui qui a aussi d’autres, sources d’inquiétude que sa situation actuelle : la mairie centrale est sans électricité depuis des mois pour cause de non paiement des factures d’EDM. Une situation qui oblige, le plus souvent, le maire à venir seulement la nuit pour travailler à la lumière fournie grâce à un groupe électrogène. A cause de cette coupure, le personnel de la mairie est, en quelque sorte, en chômage technique, chacun vaquant à ses propres occupations. Au même moment des centaines de millions F CFA dorment dans des comptes bancaires de certains élus, fruit de la vente illicite des terres. Il s’agit maintenant de savoir si Adama Sangaré sortira ce lundi de la prison ou si son séjour sera prolongé. En tout cas, selon des sources proches du dossier, les avocats de l’intéressé auraient, dès son inculpation, déposé une demande de mise en liberté provisoire qui doit, en principe, avoir un écho favorable aujourd’hui ou demain. Hier encore, des informations faisaient état de la collecte, auprès de ses proches, de quelque 25 millions F CFA afin qu’il puisse bénéficier de la liberté provisoire. Pour servir certainement de caution. En tout cas, c’est au seul juge d’apprécier cette demande de mise en liberté provisoire. En attendant, les pressions pleuvent sur les frêles épaules des juges dans ce Mali dit démocratique, miné par le népotisme et la corruption. Où la séparation des pouvoirs est un leurre.
Mamadou FOFANA