Le samedi 15 août 2015, après avoir occupé les localités de Tanbakort et de Ménaka, le GATIA, bras armé de la Plateforme (coalition de mouvements d’autodéfense), tente de prendre Anéfis. Cette ville, située à une centaine de kilomètres de Kidal, est un carrefour stratégique pour le contrôle des routes de trafics (tabac, drogue, armes, otages, etc.). Les rebelles touaregs et arabes de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) s’y opposent. De violents combats éclatent entre les deux groupes armés. Ils tournent en la faveur du GATIA et de ses alliés qui, le lundi 17 août 2015, s’emparent d’Anéfis. La CMA perd dans les affrontements 12 combattants; 2 de ses chefs sont capturés et 4 de ses véhicules confisqués par l’ennemi pro-Mali.

Selon le Secrétaire Général du GATIA, Fahad Ag Almahmoud, c’est la CMA qui avait déclenché les hostilités en attaquant, la première, des positions avancées du GATIA. Cette attaque, aux dires du Secrétaire Général du GATIA, s’expliquait par le fait que la CMA avait promis à la MINUSMA et à la force française Barkhane de « faire la peau » au GATIA et à ses alliés. Les allégations de Fahad sont contredites par des sources proches de la MINUSMA selon lesquelles « au cours des jours précédents, les hommes du GATIA se sont positionnés dans la ville d’Amassine, à 90 km de Kidal, puis ont foncé en direction d’Anéfis. Pour nous, aucun doute, c’est le GATIA qui a attaqué le premier! ».

Rencontres et pacte d’Anéfis

Quelques mois après ces combats, plus exactement le 4 octobre 2015, le GATIA, la Plateforme et la CMA organisent une série de rencontres à Anéfis.Sont associés à ces rencontres de paix la société civile, les notables et les associations de jeunes du nord. A Anéfis sont, bien sûr, présents les chefs militaires et politiques des différents groupes armés.
Le 14 octobre 2015, à l’issue des rencontres, les groupes armés signent un « pacte d’honneur » de cessez-le-feu et de paix. « Nous avons organisé des négociations directes entre nous. Tout le monde a fait la paix », annonce Ahmoudène Ag Iknass, député de Kidal et partisan de la Plateforme. « On a abouti vraiment au règlement de tous les problèmes qui existent entre nous. (Nous avons convenu) la libre circulation des personnes et des biens, avec tous les arrangements sécuritaires nécessaires pour qu’ensemble, on se côtoie dans notre grand Nord-Mali », se félicite Azaz Ag Louda, élu de la région de Gao et membre de la Plateforme. Fahad Ag Almahmoud, Secrétaire Général du GATIA, le bras armé de la Plateforme, résume: « Tous les dossiers ont été discutés dans leur ensemble. Et il y a eu une entente entre tous les fils du nord, voire tous les fils du Mali, pour qu’on s’attaque aux vrais défis que sont l’éducation, le développement et le bien-être du peuple malien en général… ».
Ces sentiments de satisfaction sont partagés par les rebelles de la CMA. »La guerre est derrière nous. La Plateforme et la CMA ont fait la paix; les autres tribus ou groupes qui avaient des problèmes entre eux ont aussi fait la paix », affirme Boubacar Ould Hamadi, désigné par la CMA désigné pour parler à la presse après les rencontres d’Anéfis. Boucar ajoute qu’après avoir fait la paix, les différents groupes armés ont procédé à un échange de prisonniers. « Nous avons décidé de mettre en place des caravanes de sensibilisation pour expliquer aux populations le processus de paix que nous avons initié ici », précise-t-il. Quant à Mohamed Djéry Maïga, vice-président du MNLA et haut responsable de la CMA, il fait un résumé global du « pacte d’honneur » d’Anéfis: « Après trois semaines d’échanges, le résultat a été positif. La CMA et la Plateforme ont harmonisé leurs positions. Ils ont aussi accepté de faire des missions conjointes de sensibilisation sur le terrain. Ils ont accepté que la libre circulation des biens et des personnes soit une réalité. Ils ont accepté que désormais, une seule voix pourra représenter les deux mouvements. Tout cela, c’est pour montrer à l’opinion nationale et internationale qu’aujourd’hui, la hache de guerre est enterrée entre la Plateforme et la CMA… Et nous voudrions que les dividendes de la paix puissent atteindre les populations partout où elles sont ».
Le « pacte d’honneur », est salué par la MINUSMA à travers un communiqué diffusé le 15 octobre 2015. La mission onusienne salue « la série de rencontres tenues à Anéfis, du 4 au 14 octobre 2015, dans le cadre d’un dialogue direct et constructif  » entre la CMA et la Plateforme. Selon elle, il s’agit là d’un « développement qui constitue une étape qualitative dans le processus de paix inter-malien ». La MINUSMA ajoute: « Cette avancée s’ajoute aux progrès enregistrés depuis le parachèvement de la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale au Mali, réaffirmant ainsi la marche résolue vers une paix durable et inclusive ».

LES GRANDS PRINCIPES CONVENUS A ANEFIS

Il n’y a pas, à proprement parler, un pacte écrit et détaillé signé à Anéfis. Le « pacte d’honneur » conclu constitue plutôt un ensemble de principes acceptés par les groupes armés et qu’ils s’engagent à respecter, sous le contrôle « d’honneur » des notabilités et de la population civile locales. Les propos tenus par les parties à l’issue des rencontres et l’interview (ci-contre) de Fahad Almahmoud permettent de dégager les 6 principes convenus:
1- La libre circulation des personnes et des biens dans les zones contrôlées par les différents groupes armés;
2- Le cessez-le-feu entre les parties;
3- Des « arrangements sécuritaires » (mais les détails en restent secrets) et des missions conjointes de sensibilisation sur le terrain;
4- Oeuvrer « ensemble » au développement et bien-être des populations du nord;
5- Oeuvrer à l’application des accords d’Alger et régler à part les points non prévus dans ces accords d’Alger;
6- Le partage des responsabilités (politico-militaires) en attendant l’effectivité des accords d’Alger

Par MLSIDIBE

Source : La Rédaction