J’avais six ans et lui 15 ans. Il disait que j’étais sa femme, et j’y croyais. De nombreuses petites filles vivent des situations d’amour semblables, qui sont très souvent des plaisanteries, mais leur font du mal.
Je passais la quasi-totalité de mon temps à penser à mon « fiancé » au lieu de m’amuser comme les autres petites filles de mon âge. Pour la petite histoire, Absalam était le meilleur ami de mon frère ainé. La première fois que je l’ai rencontré, son grand sourire m’a fait perdre tous mes moyens. Moi, une petite si enquiquineuse et espiègle, je n’arrivais même plus à respirer ou à placer un mot ! Moi, très collée à mon frangin, Absalam a fini par m’adopter. Il disait que j’étais sa « femme » et me couvrait de petits cadeaux à chaque fois qu’il le pouvait.
Mon cœur d’enfant a commencé à m’intimer de tomber amoureuse de l’ami de mon frère. Désormais, je n’arrivais plus à le regarder dans les yeux. Au son de sa voix, j’étais prise de palpitations. Et à sa vue, j’avais comme des papillons dans le ventre. À la maison, comme dans le quartier, tout le monde m’appelait « Madame Absalam », ce qui me faisait à la fois honte et rêver. Qu’est-ce que je l’aimais mon Absalam !
Pour moi, Absalam était réellement mon fiancé, et je passais toutes mes journées à penser au jour de notre mariage. Je me faisais des scénarios dans la tête. Les après-midis, je faisais semblant d’aller rendre visite à ma tante qui était la voisine de mon « prince charmant », histoire de le voir.
Je ne saurais compter le nombre de fois où mon cœur à battu à la chamade pour mon Absalam !
Triste séparation
Jamais je n’oublierai le jour où j’ai dû aller dire au revoir à mon essentiel. Ma grand-mère, venue d’un autre pays, devait y retourner avec moi. Enfant, avais-je mon mot à dire ? Malgré les années et la distance, jamais je n’ai pu oublier Absalam. Je me souviens que je passais tout mon temps à parler de mon « fiancé » à ma sœur ainée. Pour ma sœur, mon amoureux ne pouvait être qu’un petit garçon de mon âge.
Deux années plus tard, nous voici, ma sœur et moi, en route pour nos vacances au Mali, dans mon Sikasso natal. J’étais la fille la plus heureuse du monde. Enfin, j’allais revoir mon amour, mon Absalam ! Comment était-il dorénavant ? M’aimait-il toujours ? Je me souviens encore de l’expression du visage de ma sœur lorsqu’elle a vu pour la première fois mon « fiancé » ! Elle était à la fois stupéfaite et choquée de constater qu’Absalam était l’ainé de son ainé à elle !
Malheureusement, quelques temps après notre arrivée, c’est avec un grand déchirement au cœur que j’ai appris le départ de mon amoureux pour une autre ville. Je n’ai plus jamais eu de nouvelles de lui. À l’époque, j’ai eu du mal à m’en remettre. Aujourd’hui, il m’arrive de repenser à lui, surtout lorsqu’on me demande de parler de mon premier amour.
Pour ou contre ?
D’autres petites filles ont vécu et continuent de vivre des situations pareilles. Des « Absalam » continuent de faire des victimes. Ils ne le font pas dans le but de faire mal, bien évidemment. Mais ils en font à certaines sans le savoir. Ces dernières, des mois ou des années plus tard, se sentent trahies lorsqu’elles se rendent comptent que ces histoires parlant de « ma femme » n’étaient que de l’amusement.
Christine. T, sage-femme de son état, raconte avoir vécu une situation similaire lorsqu’elle n’avait que 8 ans. « Nous habitions la même cour, il était beaucoup plus âgé que moi. Il disait que j’étais sa femme, et j’y croyais. Je l’aimais bien et lorsque je me trouvais face à lui, j’avais du mal à soutenir son regard. Souvent, je me cachais en le voyant. Bien des années plus tard, j’ai compris qu’il me taquinait juste. Aujourd’hui encore, il m’arrive de repenser à cette histoire et d’en rigoler », raconte Christine.
Si Christine en rit, ce n’est pas le cas de certaines. « J’ai eu ma première déception amoureuse à l’âge de 10 ans. J’étais amoureuse d’un tonton du quartier qui m’offrait des biscuits et jouets. Il disait que j’étais sa femme et je pensais que c’était la réalité. Quelques temps plus tard, le tonton en question s’est marié. Il continuait toujours ses taquineries, et longtemps j’ai vu en sa femme une rivale. Mais j’ai finalement compris que ce n’était que de l’amusement, et j’ai pris mes distances. », confie Bernadette Koumbéré, éducatrice.
Interrogés sur la question, des hommes affirment ne pas être conscients de l’ampleur que causent souvent leurs taquineries auprès de petites filles.
Moudile, maçon, raconte sa mésaventure avec la fille de l’une de ses connaissances. « Awa était une petite très renfermée. Pour l’amuser, je lui disais qu’elle serait ma deuxième femme. Elle courait se cacher à ma vue. Je mettais cela sur le compte de la honte. Cela a duré durant plusieurs années. Devenue adolescente, la petite Awa me rendait régulièrement visite, mais chose étonnante, elle boudait ma femme et la saluait à peine. C’est d’ailleurs cette dernière qui a attiré mon attention sur les sentiments de la petite à mon égard. Depuis, j’ai arrêté mes taquineries au risque de lui faire davantage de mal. », témoigne-t-il.
Balla, quant à lui, n’a jamais vécu ce genre de scènes, mais il déconseille tout de même ces plaisanteries : « Il faut y mettre fin ! Les petites filles sont très sensibles à ce genre de taquineries. Ces amusements sont innocents et sans arrière-pensées, mais cela peut avoir un impact négatif sur ces petites filles ».
De l’amusement aux attouchements
De tels témoignages, il y en a énormément dans notre société. Cependant, certains hommes ne font pas que « taquiner ». A l’âge de 5 ans, Alissa a été conduite aux urgences, suite à des attouchements. « De retour de ses vacances chez mon frère, quand on lui donnait son bain, ma fille faisait tout le temps la grimace lorsque l’éponge lui touchait le sexe. En regardant de plus près, j’ai constaté d’énormes bleus sur les lèvres de ses parties intimes. Croyant avoir affaire à un début de furoncle, je l’ai conduite à l’hôpital, et là on m’a informé que ma fille avait subi des abus sexuels ! Interrogée, la petite nous a appris que mon neveu, Paul, âgé de 20 ans, mettait son doigt dans son sexe. Pire, il frottait également son ‘’zizi’’ sur son sexe. Paul était le cousin préféré de ma fille, et il disait qu’elle était sa femme. Je n’ai pas porté plainte, mais je lui ai interdit l’accès à ma maison », explique Odette Diarra, ménagère.
Pour sa part, Sitan, elle, ne garde pas de bons souvenirs des taquineries d’un ami de son père et dénonce : « Un ami de papa aimait beaucoup me taquiner. Il disait que j’étais sa femme. Un jour, en l’absence de mes parents, il a envoyé en commission son employée de maison. N’étant que deux, il m’a obligé à caresser son sexe. Je n’en ai jamais parlé à mes parents, mais j’ai pris mes distances. Il continue encore de fréquenter la famille. Il pense surement que j’ai oublié cette histoire, alors que je m’en souviens comme si c’était hier ! Aujourd’hui, même étant adulte, je déteste ce monsieur. Il a peut-être abusé d’autres petites filles également ! Il faut vraiment faire attention aux taquineries de certains tontons ».
Jouer avec des enfants, ce n’est pas mal, mais dépasser ce type de limites, oui ! Évitons de faire de nos filles des adultes précoces ! Ne croyez-vous pas que tout ceci peut être nuisible à leur Innocence ? À leur esprit d’enfant ?
Source : Benbere