Amadou Maïga est le président du Réseau d’action sur les armes légères en Afrique de l’Ouest (Rasalao/Wansa) et en même temps président de la section du Mali de cette organisation. Dans l’interview ci-dessous, il donne son point de vue sur la situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel et propose des pistes de solutions pour la lutte contre la prolifération des armes légères.
ujourd’hui-Mali : Quelle analyse faites-vous de la situation sécuritaire du Mali et dans la région du Sahel ?
Amadou Maïga : Je constate une défaillance totale des commissions nationales de lutte contre la prolifération des armes légères. Il faut rappeler que ces commissions ont été bien réfléchies, muries par les chefs d’Etat de la Cédéao et implantées dans les 15 pays de l’espace sous-régional. Défaillance en ce sens qu’aujourd’hui face à la détérioration de la situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel, on ne sent pas ces commissions nationales alors que ces structures sont chargées de lutter contre la prolifération illicite des armes légères ; à savoir : les armes avec lesquelles les groupes armés enlèvent, tuent, terrorisent. A cet effet qu’est-ce que les commissions doivent faire, qu’est-ce que les commissions peuvent faire ? En réponse, je peux dire que pour le cas du Mali cette commission n’existe pas pour ne pas dire qu’elle n’est pas visible sur le terrain.
Pouvez-vous être plus explicite ?
Je suis membre de cette commission, je sais de quoi je parle, je veux dire qu’il y a un grand recul de cet organe au Mali. Nous étions considérés comme des champions dans le domaine de la lutte contre la prolifération des armes légères, le Mali servait de miroir, d’abreuvoir aux autres pays qui venaient s’inspirer de l’exemple malien ; mais aujourd’hui le Mali est à la traine.
Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Les commissions nationales des autres pays sont logées à la présidence de la République, ce n’est pas une structure militaire mais politique avec en même temps des organisations de la société civile, des militaires pour ne citer que ceux-ci qui évoluent dans le domaine. Mais où est la commission nationale du Mali aujourd’hui ? Elle est logée au ministère de la Sécurité, ce qui n’est pas normal. Conformément au texte, c’est un recul.
Tous ceux qui sont venus s’inspirer de l’exemple malien ont de nos jours soit leur commission à la présidence soit à la Primature. Normalement les commissions ne doivent être logées qu’à la présidence de la République. Toute chose qui leur offre l’occasion de faire la situation de la circulation illicite des armes légères au président de la République. Mais aujourd’hui personne ne sait pourquoi la commission du Mali a quitté la présidence de la République, y compris les acteurs de la société civile. Aujourd’hui, c’est un secrétariat qui a été créé pour lutter contre les armes légères illicites. Ce secrétariat devait avoir aussi toutes les prérogatives et les moyens, car c’est un organe qui exécute toutes les tâches de la commission nationale et ne devait rendre compte qu’au président de la République, mais au lieu de tout cela, le Secrétariat permanent du Mali dépend du secrétaire général du ministère de la Sécurité. Je persiste et signe : cela est un recul. Et ce secrétariat n’a pas aussi les moyens, d’où la défaillance.
Un autre constat en ce moment, la commission nationale devait être à la pointe sur la récupération des armes légères qui ne doivent pas circuler comme on le voit. Paradoxalement, on parle de lutte contre le terrorisme et de lutte contre la prolifération des armes légères on ne voit pas la structure dédiée pour cela. Pour la petite histoire, je suis membre de cette commission mais jusqu’à présent je n’ai pas pris part à une réunion avec mon président.
Et la défaillance des autres pays, c’est à quel niveau ?
Dans les autres pays, la défaillance se situe surtout au niveau de la mobilisation des ressources financières, donc c’est un manque de moyen. Là aussi, il faut faire la part des choses car certains pays mettent des moyens, d’autres pays non. Je profite de cette occasion pour vous rappeler que c’est grâce à nous Rasalao que l’Afrique est en tête dans la ratification du Traité sur le commerce des armes (TCA) et nous avons fait le tour des 15 pays sur financement de la Grande-Bretagne.
- le président les problèmes étant connus, quelles sont les solutions ?
La première des solutions, c’est d’abord de rattacher la commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères à la présidence de la République comme cela a été dit comme c’était le cas. Car c’est aujourd’hui que nous avons le plus besoin de la commission, on doit lui donner beaucoup plus de moyens pour savoir comment les armes circulent.
En tout cas, nous organisations de la société civile allons nous battre pour le retour de la commission à la présidence ou qu’on lui donne les moyens de sa politique car elle doit être à la pointe non seulement avec les autorités mais les partenaires comme la Minusma…
Propos recueillis par
Kassoum Théra
Source: Aujourd’hui-Mali