L’attribution de la 3e licence de téléphonie mobile avait été décriée par le Vérificateur général dans son rapport 2012 et qui sera repris dans celui de 2013 dont le lancement est prévu dans quelques mois. En dépit des récriminations sur fond de corruption, Alpha Télécom a promis de lancer ses activités au Mali cette semaine au vu et au su des autorités.
De son nom commercial Alpha Télécom (Atel-SA) qui prendra encore le nom de Télécel-Mali, Planor-Afrique, l’attributaire de la 3e licence de téléphonie mobile dans notre pays, a par voie de presse informé l’opinion publique malienne et internationale de sa volonté de lancer ses activités à partir de cette semaine.
Une volonté certes louable, mais qui cache le contentieux qui entoure ce dossier brûlant. Sous la transition, en juin 2013, la 3e licence a été vendue à Planor-Afrique pour 55,1 milliards de F CFA dont il s’est acquitté de la totalité du montant au mois de novembre 2013.
Mais si pour le citoyen lambda le paiement du prix de la licence donne droit à la société Atel-SA de commencer ses opérations d’exploitation de licence de téléphonie mobile et d’internet au Mali, le contentieux reste entier au niveau de la justice malienne et du Tribunal international de commerce de Paris.
Beaucoup de zones d’ombre couvrent cette affaire dans laquelle Planor-Afrique d’Apollinaire Compaoré au départ membre du même groupement que Koïra Teknotelecom Ltd de notre compatriote Cessé Komé dans le cadre d’un partenariat technique avec Monaco-Télécom, a été tiré du lot pour se voir attribuer la licence dans des conditions douteuses.
Dans le cadre du groupement, les 55,1 milliards de F CFA ont été partagés entre Planor-Afrique qui avait 60 % et 40 % revenaient à Koïra Teknotelecom Ltd. Ce dernier a été curieusement écarté pour une prétendue “défaillance financière” au profit de son partenaire qu’il avait lui-même introduit au Mali.
D’abord c’est le Bureau du Vérificateur général, dans son rapport 2012, remis officiellement au président de la République Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) en décembre dernier, qui a levé le lièvre. Saisi par les associations de consommateurs de téléphonie, le Végal a procédé à une vérification de conformité portant attribution de la 3e licence.
Ses conclusions sont sans appel : sur toute la chaîne du processus d’attribution, il a été décelé de graves irrégularités et violations des textes en matière d’attribution de licence de téléphonie mobile au Mali en rapport avec les textes régionaux et sous-régionaux.
Violations
L’attribution de la 3e licence à Planor-Afrique a, selon le rapport du Végal, violé l’article 13 de l’Acte additionnel de la Cédéao n°AS/A/3/01/07 du 19 janvier et l’article 7 de l’Uémoa relatif à l’harmonisation des politiques de contrôle et de régularisation du secteur des télécommunications.
De même a été violée l’ordonnance n°2011-024/P-RM du 28 septembre 2011 portant régularisation du secteur des télécommunications en son article 11. Celui-ci stipule, “la procédure d’appel d’offres pour l’octroi de la licence est de droit pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau et la fourniture d’un service de téléphonie mobile ainsi que pour l’établissement d’un opérateur global de téléphonie”.
Le Végal a dénoncé, entre autres, la compromission des droits de l’Etat par le non-versement des cautions bancaires, la violation du code des marchés publics par le ministère des Postes et des Nouvelles technologies qui a attribué la 3e licence par entente directe à travers un organe non habilité pour le faire ; à savoir : la Commission technique d’attribution (CTA).
Il y a eu violation flagrante des principes fondamentaux des marchés publics notamment l’article 3.1 du décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et règlement des marchés publics et de délégation de service public.
Dans les principes édictés par le décret susmentionné, il est dit que “les procédures de passation des marchés publics et de délégation de services publics quel qu’en soit le montant, sont soumises, entre autres principes de l’égalité de traitement des candidats”.
Le rapport indique en outre que “le profit tel que défini dans les termes de référence était restrictif et susceptible de favoriser un des concurrents”. L’organe de contrôle qu’est le Végal a réitéré l’annulation de la 3e licence à cause de à la mafia qui a caractérisé son attribution.
En plus de tout le manque de transparence et la violation des textes qui ont caractérisé l’attribution de la 3e licence, le Végal a rejeté la responsabilité des irrégularités sur les autorités de la transition. L’institution d’Amadou Ousmane Touré n’a pas l’opportunité des poursuites judiciaires, il a laissé le privilège au procureur de la République près le Pôle économique de se saisir du dossier, de l’instruire et de qualifier les faits.
Le Tribunal international de commerce de Paris, la plus grande structure en matière de contentieux sur les affaires est saisi de la question par le pool d’avocats de Koïra Teknotelecom Ltd, qui était dans le même groupement que Planor-Afrique, mais qui a été floué par celui-ci. Un dossier qui est bien loin d’être clos. Allo !, restez à l’écoute.
Abdrahamane Dicko
Source: Les Echos