À en croire Duduzane Zuma, Teodorin Obiang ou Julienne Sassou-Nguesso, être fils ou fille de président pourrait bien être la meilleure façon de s’enrichir sur le continent africain. Mais justice et opinion veillent.
Depuis bientôt un an, Duduzane Zuma, fils du président sud-africain Jacob Zuma, se défend d’accusations de corruption et collusion avec la famille Gupta, riches et controversés entrepreneurs. Interrogé fin août par la BBC, il assurait ne pas être corrompu : “Je ne pense pas qu’ils voulaient quoi que ce soit de moi. Je pense qu’ils m’apprécient, tout comme je les apprécie aussi. Je pense être un gars sympathique”.
Il rejoint la cohorte des fils et filles de dirigeants africains, souvent promis à de hautes responsabilités et rattrapés par le scandale et la justice. Petit rappel.
• Afrique du Sud : Duduzane Zuma, au cœur du scandale
Après Jacob Zuma, qui a échappé en août à une nouvelle motion de défiance du Parlement – la neuvième –, c’est au tour de son fils de 35 ans, Duduzane Zuma, d’être accusé de corruption par l’opposition et une partie de la société civile. L’ONG sud-africaine de lutte contre la corruption Outa a déposé plainte contre lui en août 2017 pour racket, extorsion et fraude sur la base de ses liens avec la famille Gupta. À 26 ans, Duduzane Zuma intègre le conseil d’administration d’une entreprise du groupe Gupta avant de gravir rapidement les échelons jusqu’à détenir de nombreuses parts de l’empire. Cette ascension professionnelle fulgurante coïncide avec l’élection de son père à la tête du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), et quelques mois plus tard à la tête de l’État. Un rapport explosif de la médiatrice de la République chargée du bon usage des deniers publics, décrivait en octobre 2016 la collusion présumée entre le président Zuma et les Gupta en citant de nombreux exemples où la famille indienne aurait obtenu des contrats publics via le fils, Duduzane. Celui-ci vit aujourd’hui à Dubaï, où il mène grand train. Dans l’entretien accordé à la BCC, il déclare avoir l’esprit tranquille et ne pas penser que cela pourrait lui valoir la prison.
• Guinée équatoriale : Teodorin Obiang, le flambeur
Teodorin Obiang a été au cœur d’un des procès les plus retentissants et les plus attendus de l’été, celui des “biens mal acquis”, à Paris. Le fils aîné du président de Guinée équatoriale Teodoro Obiang, qui ne s’est pas présenté au tribunal correctionnel, est poursuivi pour blanchiment d’abus de biens sociaux, détournement de fonds publics, abus de confiance et corruption. Play-boy flambeur, Teodorin Obiang, né en 1969, s’était constitué en France un impressionnant patrimoine composé de collections d’objets d’art, de voitures de luxe et de sports et d’un immeuble avenue Foch, dans l’un des quartiers les plus huppés de la capitale parisienne, qui est évalué à lui seul à 107 millions d’euros. Tout l’enjeu de son procès était de déterminer si la constitution de ce patrimoine avait été réalisée de manière légale ou frauduleuse. À l’issue de plusieurs jours d’audience, le parquet a requis trois ans de prison, 30 millions d’euros d’amende et la confiscation des biens saisis à l’ancien ministre de l’Agriculture et des Forêts, promu vice-président par son père. Le verdict est attendu le 27 octobre.
• Congo-Brazzaville : Julienne Sassou-Nguesso, la fille mise en examen
Julienne Sassou-Nguesso, la fille de l’actuel dirigeant congolais Denis Sassou-Nguesso, et son mari ont été mis en examen fin juin 2017 dans l’un des volets de l’enquête sur l’origine du patrimoine de familles de dirigeants africains en France, l’enquête dite des “biens mal acquis”, qui a débouché sur le procès du fils Obiang cet été (lire plus haut). La justice s’interroge notamment sur l’origine des fonds qui ont permis au couple d’acheter en 2006, via une société civile immobilière (SCI), un hôtel particulier de la banlieue huppée de Paris, à Neuilly-sur-Seine, avec sept pièces et piscine intérieure. À cet investissement d’un peu plus de 3 millions, s’est ajoutée une facture de 5,34 millions d’euros pour d’importants travaux réalisés entre 2007 et 2011. La justice a déjà saisi plusieurs propriétés du clan des Sassou-Nguesso, ainsi qu’une dizaine de voitures de luxe.
• Sénégal : Karim Wade, le dauphin gracié
En mars 2015, le fils de l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, Karim Wade, a été condamné à six ans d’emprisonnement et 210 millions d’euros d’amende par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), une juridiction spéciale. Il était accusé d’avoir illégalement acquis un patrimoine valorisé à 178 millions d’euros lorsqu’il était conseiller, puis ministre, de son père. Il a obtenu en juin 2016 une grâce présidentielle de la part de l’actuel président Macky Sall après trois années de détention à Dakar. Libéré, il a aussitôt rejoint le Qatar où il vit toujours.
Son père, âgé de 91 ans, dont 12 au pouvoir entre 2000 et 2012, a échoué en juillet dernier à faire son grand retour en politique lors des élections législatives. Selon des observateurs, ce retour visait surtout, en cas de victoire, à obtenir une amnistie pour son fils, dont il a toujours souhaité faire son dauphin.
• Centrafrique : Jean-Francis Bozizé, de retour au pays
Le fils de l’ancien président centrafricain François Bozizé, chassé du pouvoir par un coup d’État de la rébellion Séléka en 2013, a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international délivré par la justice centrafricaine pour “torture, détournement de deniers publics, complicité d’assassinat et association de malfaiteurs”. Jean-Francis Bozizé était réfugié en France jusqu’à son retour surprise sur le territoire centrafricain en août 2017, où il a rapidement été interpellé par la Minusca, la force onusienne dans le pays, puis libéré et placé sous contrôle judiciaire. Il se trouve actuellement toujours en Centrafrique. En exil, son père fait aussi l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la cour d’appel de Bangui en juillet 2013.
• Égypte : Gamal et Alaa Moubarak, les fils prodigues libres
Fils de l’ancien raïs égyptien Hosni Moubarak, Gamal et Alaa Moubarak ont été accusés avec leur père d’avoir détourné 10 millions d’euros d’argent public alloués à l’entretien des palais présidentiels. La cour d’appel avait confirmé, en janvier 2016, une peine de trois ans de prison. Outre la peine d’emprisonnement, tous trois ont été condamnés ensemble à payer une amende de 125 millions de livres égyptiennes (environ 15 millions d’euros) et à rembourser à l’État 21 millions de livres (2,5 millions d’euros). Les deux fils ont été remis en liberté, la justice arguant que le temps qu’ils avaient passé derrière les barreaux en détention provisoire depuis la révolte de 2011 couvrait leur peine. Leur père a de son côté été définitivement acquitté, en mars, dans un autre procès, celui de la mort de manifestants durant la révolte qui a provoqué sa chute en 2011. L’ancien président égyptien a quitté le 24 mars l’hôpital militaire du Caire dans lequel il a passé l’essentiel de ses six années de détention.