A l’issue de la présidentielle du dimanche 11 avril au Bénin, le ticket Talon-Talata a été déclaré, sans surprise, vainqueur dès le premier tour de cette élection sans enjeu. Sur les 20 candidatures déposées pour la présidentielle, la Commission électorale nationale autonome (Cena) n’a validé que trois proches du pouvoir. Scénario inédit au Bénin car face au président sortant, il n’y avait aucun candidat de taille de l’opposition. Tous les poids lourds ont été écartés afin que Talon rempile. Les Béninois assistent plus que jamais au rétrécissement de leur espace démocratique.
Dans son rapport de 2020, ‘’Economist Intelligence Unit’’ qualifie désormais ce pays de démocratie hybride. «C’est-à-dire que les principes de la démocratie sont toujours là mais que leur application dans la réalité est problématique», explique Expédit Ologou, président du Civic Academy for Africa’s Future (CiAAF), un centre de recherche sur la gouvernance. «Par exemple, le principe de séparation des pouvoirs demeure, on a bien l’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle, le pouvoir judiciaire et de l’autre côté le pouvoir exécutif. Mais, dans la réalité, on a une seule personne qui décide de tout. L’exécutif a deux partis politiques qui siègent à l’Assemblée nationale de façon totalitaire, tous les sièges du Parlement appartenant aux deux partis fondés sous les auspices du Chef de l’État. La Cour constitutionnelle a été désignée par une majorité liée au Parlement qui était favorable au Chef de l’État et par le Chef de l’État. Quant au pouvoir judiciaire (la Cour constitutionnelle fait partie du pouvoir judiciaire), il a encore été un peu plus limité dans ses capacités d’agir, le Conseil supérieur de la magistrature ayant été renforcé avec un nombre encore plus important de membres du gouvernement.» Pour l’analyste politique, le pays est en voie de «dédémocratisation».
Pourtant, le Bénin depuis les années 90 était constamment cité comme un exemple de démocratie en Afrique de l’Ouest. Mais l’homme d’affaire Patrice Talon, candidat indépendant, arrivé au faîte de l’État en 2016 grâce à l’appui des grands partis politiques, a tout de suite pris goût au pouvoir autoritaire. Afin de devenir le maître absolu du Benin, lors de son premier mandat, il a procédé à des amendements de la Loi Fondamentale ainsi que de la Loi électorale. Les média d’Etat lui sont inféodés et ceux privés sont diabolisés et harcelés.
Talon a donc tout mis en œuvre pour museler l’opposition démocratique (qu’il a jetée dans la rue pour s’exprimer) et les médias privés. Pas d’opposition politique ni de liberté d’expression ! Il n’y a quasiment plus de droit de grève !
Cette «dérive autoritaire » du pouvoir Talon, telle une monarchie républicaine, est dénoncée par les acteurs et les analystes politiques béninois. Les ONG de sauvegarde des Droits de l’Homme ne cessent d’alerter sur la situation. Mais Talon, désormais confronté à des manifestations insurrectionnelles continue de faire la sourde oreille.
Pourra-t-il longtemps encore maintenir le Bénin sous son talon?
Gaoussou Madani Traoré
Source : Le Challenger