La 3e journée du procès dans l’affaire opposant le Figaro-Mali au président de l’Assemblée nationale, avec en toile de fond, une histoire d’adultère, s’est déroulée hier mercredi au tribunal de la commune I de Bamako. Si les débats de fond ont pu se tenir, sans le grand déballage attendu, le verdict a été remis au 5 avril prochain par le président de la cour après avoir écouté les différentes parties, à travers leurs conseils. Pour ce qui concerne le cas spécifique de flagrant délit d’adultère du président de l’Assemblée nationale, le prévenu et ses avocats n’ont pu apporter la preuve matérielle de cette accusation. Aussi, l’ex-chef de Cabinet, Tako NIAMBELE, citée par la défense comme témoin n’a pas pu comparaître parce qu’elle était jusqu’à ce jour introuvable.
Le film de l’audience !
C’est à 9 h 2, dans une salle pleine à craquer, que le président du tribunal de la
commune I, Emmanuel DAKOUO, fait son entrée dans la salle d’audience. Aussitôt, ouvre-t-il les travaux de l’audience par rappeler l’affaire avant d’appeler le prévenu, notre confrère, Ammy Baba CISSE (ABC), à la barre. Pis, il va être rejoindre par l’un de ses avocats, Me DIOP. Ce dernier va ensuite remettre les pièces justificatives des preuves qu’ils ont apportées au tribunal conformément au verdict de l’audience du 15 mars dernier. Si le parquet affirme avoir reçu les pièces au délai indiqué par le président du tribunal, par contre les avocats des plaignants déclarent les avoir reçus tardivement. Selon les précisions de Me Djibrilla MAIGA, l’un des avocats des plaignants, c’est le 28 mars à 12 h 44 min qu’ils ont reçu les pièces des preuves de la part de la défense. Or, selon la décision du tribunal, toutes les parties devaient avoir ces documents au plus tard le 27 mars à 17 h. Par conséquent, sollicite Me MAIGA, le président du tribunal a déclaré non valable ces preuves du prévenu puisqu’elles sont forcloses.
9 h 10 : c’est la réplique de la défense, à travers Me DIOP qui va expliquer que ce problème est survenu à la dernière. Parce que l’huissier qu’ils ont commis pour faire ce travail a refusé de le faire. Selon les explications de Me DIOP, l’huissier, semble-t-il, avait reçu d’autres instructions.
« J’étais en déplacement et c’est là-bas que j’ai été informé de cette situation. Aussitôt, j’ai demandé à mon client de se déplacer lui-même pour aller remettre les pièces au parquet en main propre. C’est à mon retour que j’ai commis le service d’un autre huissier pour finaliser la procédure. C’est ce qui explique le fait que les avocats des plaignants ont reçu les pièces un peu en retard », s’est justifié Me DIOP.
Pour les avocats des plaignants, par contre, la défense est en train de mystifier cette affaire et de fabriquer des choses qui sont très loin de la réalité. Pour cela, ils sollicitent le juge à considérer cette violation de la procédure de la part de la défense tout en lui demandant de tirer les conséquences qu’il faut.
Les débats sur les preuves
À 9 h 20, le président du tribunal décide de trancher après avoir écouté les arguments des différentes parties en donnant la possibilité à la défense d’apporter les preuves des accusations de son client. Les preuves, dont il est question, doivent être en rapport avec les accusations de l’article de presse paru dans le journal Figaro-Mali, a précisé le président DAKOUO.
Il s’agissait donc pour la défense d’apporter les preuves des accusations suivantes : l’adultère du président de l’Assemblée nationale, le traitement de 4 dents du président de l’Assemblée nationale à 40 millions de FCFA et les preuves d’un député de l’Assemblée nationale pris en ébat sexuel dans son véhicule dans un quartier de la commune I.
Face à cette demande précise, Me DIOP fait amende honorable en avouant au président du tribunal que son client n’a pas la preuve matérielle de l’adultère du président de l’Assemblée nationale. Par contre, il comptait sur la comparution de l’ex-Chef de cabinet du président de l’Assemblée nationale, Tako NIAMBELE, devant le tribunal pour faire éclater la vérité.
« Nous avons fait notre part de mission qui est de communiquer le nom du témoin au parquet. Il appartient donc à ce dernier de faire venir le témoin à la barre de gré ou de force. En tant qu’avocat, nous n’avons pas ce pouvoir. Il était de la responsabilité du parquet de faire en sorte que tous les témoins cités soient présents à l’audience », impute-t-il la faute au parquet.
À 9 h 26, Me Harouna KEITA, l’un des avocats des plaignants, a demandé une motion. Ainsi, sur autorisation du président du tribunal va demander au prévenu, il insiste auprès du prévenu des preuves réelles de flagrant délit d’adultère du président de l’Assemblée nationale, comme indiqué dans son article.
ABC, le prévenu, a répondu par ‘’oui’’ et en même temps ‘’non’’ avant de dire qu’il assume ‘’les termes de son article’’.
Pour notre confrère, Tako NIAMBELE seule détient la vérité des faits de l’adultère du président de l’Assemblée nationale. Aussi, contrairement à beaucoup d’autres informations, selon le prévenu, il a mené des enquêtes et même essayé de rencontrer le président de l’Assemblée nationale en vain pour vérification. Malgré tout, il ne lâche pas qu’il a toutes les précisions de cette affaire.
Ainsi, le président du tribunal l’interrompt, en lui disant que le tribunal a été justement saisi afin qu’il (prévenu) apporte des preuves.
« Nous sommes là pour ça. C’est pourquoi on vous a donné du temps afin que vous nous apportiez vos preuves. La preuve de ce que vous dites », a rappelé à l’ordre le président du tribunal.
S’agissant du cas d’un député de l’Assemblée nationale pris en ébat sexuel dans son véhicule dans un quartier de la commue I, M. Ammy Baba CISSE soutient qu’il a appris cette information dans le journal « le Canard déchainé ». Donc, la preuve de cette accusation est le journal du « Canard déchainé ». À cet effet, il remettra une copie de ce journal au président du tribunal en guise de preuve après avoir lu le contenu dudit article pour l’ensemble de l’auditoire.
Quant au traitement de 4 dents du président de l’Assemblée nationale à coût de 40 millions de FCFA, le prévenu, notre confrère affirme que cette affirmation était une révélation de l’honorable Oumar MARIKO, tenue le 18 janvier 2017. Pour ce cas également, il va remettre l’élément sonore du député MARIKO, au tribunal.
Le témoin du prévenu en fuite
10 h 6 : Après ces débats sur les éléments de preuve, le président du tribunal a ordonné directement les plaidoiries des avocats des parties au procès.
10 h 8 : Prenant la parole, Me Djibrilla MAIGA a indiqué que le prévenu a eu tout le temps pour apporter la preuve de l’adultère du président de l’Assemblée nationale. Au lieu de cela, se désole-t-il, le prévenu et sa défense présentent une autre situation : Tako NIAMBELE n’est pas là, elle est ici, elle est là-bas…
« À part le prévenu lui-même, il n’y a eu aucune autre personne qui est venue à la barre pour témoigner ou affirmer les propos relatés dans le journal. Aussi, le journaliste n’apporte pas la preuve sauf qu’en disant qu’il a cherché à joindre le président de l’Assemblée nationale. C’est la moindre des choses », a-t-il déploré. Pour autant, souligne-t-il, tous les éléments de délit de presse de diffamation sont présents dans l’article de presse de M. CISSE en ce qu’il touche l’intimité du président de l’Assemblée nationale. Donc, à défaut d’apporter la preuve matérielle des accusations, Me Djibrilla MAIGA plaide pour la condamnation de notre confrère à payer le franc symbolique avant de demander au président du tribunal d’ordonner la publication de l’article de rectification dans les journaux comme « Figaro Mali », « Info-Matin », « L’indépendant », « Le républicain », « L’Essor », « Le Procès-verbal » pendant une année sur les frais du prévenu. Il devrait en être de même dans 4 radios privées et de sites d’information comme bamada.net, maliweb, etc.
Me TRAORE, l’un des avocats des plaignants, a indiqué M. CISSE a raté l’occasion de rentrer dans l’histoire, une occasion gratuite à lui offerte par ce procès. Il allait rejoindre la liste des grands de la plume de notre pays s’il était arrivé à produire les preuves de ses affirmations à la barre, a-t-il soutenu. Au-delà de tout cela, c’est que M. CISSE, selon Me TRAORE, semble mesurer le drame qu’il a causé. Parce qu’il ne cesse d’affirmer qu’il assume son acte. Dans ce cas, il devrait prouver le délit d’adultère, mais au lieu de cela, la défense ne cesse de tourner en rond autour de la vérité.
Plaidoyer pour une peine maximale
Aussi, en regardant de près l’article de presse, ajoute l’avocat, M. CISSE a manqué de courage et d’audace pour n’avoir pas mis le nom du député qui faisait l’acte sexuel avec une jeune fille. Au lieu de l’information, estime-t-il, M. CISSE fait du sensationnel. En effet, poursuit-il, depuis le début, le journal est dans l’invocation, dans l’incantation, et après on dit que c’est un journal sérieux.
« M. le président, au regard de la loi, à la lumière des faits M. Ammy Baba CISSE a montré sa carence à prouver ce qu’il a gaillardement écrit dans son journal », a noté l’avocat des plaignants avant de solliciter le président du tribunal à retenir M. CISSE dans les liens de l’accusation.
Il faut, pense Me TRAORE, une décision de justice pour condamner ce genre de comportement parce qu’avant tout une décision de justice a une valeur pédagogique.
Aussi, a-t-il invité le président du tribunal à confronter le regard de Mme KONATE et du président de l’Assemblée nationale victime d’un mensonge grossier.
Ces propos vont être également soutenus par Me Harouna KEITA, aussi conseil des plaignants qui a ajouté que le délit de flagrant d’adultère ne peut pas se prouver par tous les moyens. Il faut, selon lui des actes concrets, comme une vidéo ou avoir des témoins de la scène par exemple, à travers la clameur publique.
10 h 50 : Après les avocats des plaignants, le parquet a aussi fait son réquisitoire au cours duquel il a noté que M. CISSE a pu apporter la preuve à deux griefs d’accusation, en occurrence sur le traitement des dents du président de l’Assemblée nationale et l’ébat sexuel d’un député à l’Assemblée nationale. Pour ce qui est de l’adultère du président de l’Assemblée nationale, il reste à établir cette preuve. Donc, à défaut de cette preuve, suggère-t-il au président du tribunal de condamner le prévenu à une peine maximale.
À défaut de preuve matérielle, la confrontation peut-elle établir la vérité ?
11 h 10 : Me Diop a pour sa part alerté le président du tribunal dans cette affaire qui est celle de la liberté de la presse, de la démocratie, et du respect du droit, etc.
Vers une plainte contre Moussa TIMBINE ?
S’agissant de l’affaire de traitement, Me DIOP s’étonne de voir qu’au lieu d’entamer une action en justice contre Oumar MARIKO, il s’en prend à son client. Selon Me DIOP, cette situation n’est pas une affaire banale pour un pays pauvre contre le nôtre. Sur cette affaire, il n’y a pas de diffamation, mais il y a un crime, a-t-il signalé.
« À ce sujet, j’interpelle le parquet à ouvrir une enquête judiciaire sur cette affaire au moins de savoir comment l’argent public est utilisé à l’Assemblée nationale », demande-t-il.
Sur un tout autre registre, l’avocat a solennellement informé le tribunal qu’une plainte sera introduite contre l’honorable Moussa TIMBINE pour forfaiture pour avoir agi au mépris des dispositifs de l’Assemblée nationale.
« Pour qu’une plainte soit prise par l’Assemblée nationale, il faut une résolution. Je crois savoir que Moussa TOIMBINE n’est pas à l’Assemblée nationale. Donc, il n’a aucun mandat à faire une plainte au nom de l’Assemblée nationale », a-t-il expliqué.
12 h 30 : C’est sur ces notes que le président du tribunal a renvoyé le procès le 5 avril, date à laquelle, il rendra sa décision dans cette affaire.
Par Sikou BAH
Source: info-matin