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Affaire Diaba Sora: un avocat et un procureur qui se clashent sur les réseaux sociaux

À force de ne pas voir le prétoire leurs suffire, à force d’alpaguer les internautes pour les écrouer pour les uns et en donner des leçons pour les autres, les voilà qui mettent mal, et le secret de l’instruction judiciaire qui leurs est cher, se donnent en spectacle inutile pour leur rang et font exactement ce qu’ils reprochent aux justiciables.
Le Procureur de la République près le Tribunal de la Commune IV, Idrissa Toure répond sèchement à Maître Alassane Diop tous dans un langage qui n’incite pas à croire que notre justice est le bon rempart contre toutes les injustices.

Me Alassane Diop dénonce et accuse
«LETTRE OUVERTE AU SAM ET SYLIMA ;
A l’association des Procureurs et Poursuivants du Mali ;
Aux Magistrats.
Chers Magistrats ;
Je me vois aujourd’hui dans l’obligation de m’adresser à vous par voie épistolaire et de façon publique, parce que j’ai vu circuler par voie de presse des actes du parquet, relativement à un phénomène nouveau qui se passe en Commune IV.
La justice est le dernier rempart dans la République et c’est bien vous, les magistrats stellaires qui l’incarnez et l’exercez dans notre pays. Vous avez ce DROIT TERRIBLE de VIE et de MORT sur vos concitoyens. A ce titre, et la loi et la procédure et le principe font obligation au juge de ne pas commettre d’erreurs grossières de justice. L’erreur dite de ‘’plume’’ est admise, elle doit et peut-être rectifiée sans difficulté pour la simple raison qu’elle n’est précisément pas une erreur de jugement. Mais, justice en ton nom, je vais commettre une injustice, il faut que des avocats se lèvent pour alerter, aviser et arrêter.
Des poursuites tous azimuts sont engagées par Monsieur le Procureur de la République de la Commune IV contre certaines personnes notamment une célébrité qui, à mon sens, ne relève pas de sa compétence juridictionnelle et qui aurait fait l’objet d’une mesure de placement sous mandat de dépôt sur la base d’une incrimination de la Loi N°2019-056 du 05 décembre 2019 portant répression de la cybercriminalité en République du Mali.
J’ai des doutes profonds et des inquiétudes sur le silence de tous.
Pour moi, le Procureur se trompe dans la conduite de la procédure. J’aurais souhaité que ce fut moi qui me trompasse lourdement sur ce sujet. Le droit est moins une question d’interprétation qu’une question d’évidence et aussi le bon sens. Je ne voudrais pas aussi faire de ce petit billet un débat entre juristes, je veux que les justiciables comprennent le sens parce que c’est pour eux finalement que je prends la parole.
La Commune IV n’est pas territorialement compétente pour engager des poursuites contre une personne domiciliée en Commune V
Il faut distinguer la notion du champ d’application d’une loi relatif à la matière qu’elle est censée régir à la compétence territoriale du magistrat poursuivant.
Dans le cadre de la loi N°2019-056 du 05 décembre 2019 portant répression de la cybercriminalité l’article 2 précise la matière à savoir l’infraction commise au moyen des technologies NTIC et via le cyberespace (qui n’est même pas défini par la loi et qui pourrait être défini comme le monde de l’Internet, le village planétaire), en tout ou partie sur le territoire Malien, ou dont les effets se produisent sur le territoire du Mali. Par conséquent, il s’agit, ici, de la compétence de la justice du Mali par rapport à d’autres justices du monde, le cyberspace ne connaissant pas de frontière.
Prenons un exemple concret, une personne depuis l’Australie, publie des photos attentatoires à la vie privée d’une autre personne via une vidéo circulant sur les réseaux sociaux du Mali. Le procureur du lieu du domicile de la victime ou celui du lieu où l’auteur de la vidéo de passage au Mali est arrêté, peut se saisir de l’affaire.
Il faut ce lien de rattachement pour établir la compétence territoriale du magistrat poursuivant.
Les règles de la compétence territoriale sont des règles de droit commun définies par le Code de Procédure Pénale. Les juridictions agissent à bon droit dans leur ressort territorial habituel, la Commune 4 à la Commune 4 et la Commune 8 à la Commune 8. Au Mali, la compétence territoriale se décline comme suit :
– Si la personne interpellée habite dans le ressort du Tribunal concerné,
– Si les faits se sont passés dans le ressort dudit Tribunal ;
– Si l’auteur des faits est interpellé dans le ressort du Tribunal concerné.
Le dossier de la célébrité qui fait le buzz aujourd’hui, d’après ce qu’on en dit ne remplit pas ces conditionnalités. Elle aurait été interpellée nuitamment par les agents de la police du 5ème arrondissement, aux environs de son domicile au Golf en Commune V sur présentation d’une convocation du Procureur de la Commune IV, dirent-ils.
Or, ce commissariat de par sa compétence territoriale n’intervient directement et à titre principal que dans certains quartiers de la Commune IV. Elle n’intervient même pas dans l’ACI 2000, située à 15 mètres du Commissariat, ou dans le quartier de Djicoroni. Cela fait un peu désordre.
En plus, la vidéo dont il serait question daterait de 2 ans au moins. Beaucoup de témoignages ont été faits dans ce sens, de telle sorte que l’élément matériel de l’infraction se serait produit bien avant l’entrée en vigueur de la loi qui est datée du 05 décembre 2019 ,soit moins de deux ans. Donc en aucun cas, cette loi ne saurait s’appliquer au cas d’espèce en raison de deux principes directeurs du procès pénal :
– Le principe de la non rétroactivité de la loi.
– Et le principe de la non application de la loi pénale plus dure à un fait antérieur. C’est le contraire qui est admissible, la loi pénale plus douce rétroagit. Or, dans le cas d’espèce (en matière d’injures), la nouvelle loi spéciale sur la cybercriminalité est d’une sévérité extrême par rapport à ce qui était prévu par le Code Pénal du Mali.
Ensuite, l’élément matériel de l’infraction d’injure ou de menace nécessite que l’injure, ou la menace soit faite envers une PERSONNE DENOMMEE laquelle doit nécessairement et obligatoirement se plaindre devant une autorité. Cela a manqué dans ce dossier. L’opportunité de poursuite du Procureur doit être examinée ici à l’aune du texte et de la lettre de la loi notamment les dispositions de l’article 20 qui dispose que «Quiconque profère une menace par le biais d’un système d’information, de commettre une infraction pénale, envers une personne est puni de la réclusion de cinq (5) à dix (10) ans et d’une amende de 1.000.000 à 10.000.000 de francs CFA. » et de l’article 21 qui précise que : « Quiconque profère une injure par le biais d’un système d’information envers une personne est puni d’un emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans et d’une amende de 1.000.000 à 10.000.000 de francs CFA ou de l’une de ces deux peines. »
C’est pas pour rien que la loi vise la personne victime de l’infraction, c’est non seulement au regard du caractère personnel de l’infraction mais aussi au regard de la détermination de la compétence territoriale de la juridiction compétente conformément à la saisine du plaignant. Dans le cas évoqué, aucun plaignant, aucune preuve matérielle constituée, le Procureur poursuivant a oui dire , il a poursuivi et il a écroué . Pourquoi diantre n’a-t-il pas par délicatesse dénoncé les faits à son homologue de la Commune V ?
Pourquoi n’a-t- il pas privilégier la sensibilisation et l’avertissement en laissant la pauvre mère vivant avec une petite fille rentrer tranquillement chez elle ? Je m’interroge.
Il fait un peu désordre pour l’appareil judiciaire et pour les citoyens que le Procureur d’une juridiction qui ne connaît pas, au sens juridique du terme, ni le plaignant , ni le prévenu et ni les faits infractionnels, soit celui qui déclenche une telle procédure pour injure. Cela contribue au discrédit de l’appareil judiciaire et prouverait aux yeux du monde qu’il y a deux sortes de procureurs , ceux qui connaissent la loi et l’appliquent et ceux qui la méconnaissent et donc coupable de déni de justice.
Et enfin, s’agissant de l’administration de la preuve électronique les dispositions de l’article 73 de la loi s’appliquent aussi aux éléments vidéos et audio en ce qu’elle n’est « …recevable que sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. » . De la lecture de cet article traitant de la charge de la preuve, il est aisé de déduire que le Procureur qui reçoit la plainte de la victime doit être regardant sur tous ces aspects, notamment recourir à des experts, avant d’orienter la procédure. Dès lors que faut-il penser de l’auto-saisine du Procureur de ce point de vue ?
En France, c’est une juridiction spécialisée, outillée pour traquer et rassembler les preuves qui a été mise en place pour faire face à cette nouveauté.
Chers magistrats,
J’en appelle à votre sens élevé de l’écoute et d’esprit critique. Nous savons tous que ce texte très draconien avait été accueilli par la communauté des juristes comme un texte salvateur jusqu’à ce qu’on se rende compte de sa rigidité extrême. Il est intervenu dans un contexte de fragilité sociale extrême pour faire face aux dérives et nos populations majoritairement illettrées n’ont pas été préparées à entrer dans l’univers du cybercespace. C’était le laisser aller et la loi de 2019 est venue instaurer plutôt la terreur. Je l’avais signalé sur ma page facebook dès le lendemain de sa promulgation. Sans définir le contenu de l’injure, de l’insulte et de la menace, la nouvelle loi punit sévèrement par des sanctions allant de 6 mois à 10 ans d’emprisonnement. Vous vous rendez compte, 10 années d’une vie pour une injure, une notion totalement subjective qui est indifféremment reçue par la victime selon son humeur du moment. Et en plus de la peine de prison, le législateur a également fixé des amendes allant de 1 000 000 F CFA à 10 000 000 F CFA sans préjudice des dommages- intérêts que la partie civile pourrait être amenée à solliciter.
Si cette loi n’est pas manipulée avec discernement, nous reverrons, j’en suis sûr, des ‘’procureurs pistoleros’’ prompts à tirer sur tout ce qui bouge selon leurs bon vouloir. Il est vrai aussi que la faute est moins de la loi impersonnelle que la compétence et le discernement des poursuivants.
Vous me rétorquerez que la loi est dure mais c’est loi, bien sûr que oui ! Mais ce n’est pas la loi qui nous a fait, c’est bien le contraire, il faut l’appliquer avec mesure pour qu’on n’ait jamais à raconter en souriant l’histoire du Sultan de Salmandragore qui exécuta l’ensemble de ses magistrats pour avoir appliqué à la LETTRE ses propres lois promulguées dans son royaume. Il dira au moment d’appliquer sa sentence : « Je vous ai recommandé d’appliquer la loi, mais il vous revenait de l’appliquer en toute responsabilité » . C’est toute la problématique de la responsabilité du juge dans la cité.
En commune IV, les demandes de Liberté Provisoires ne sont pas traitées avec la célérité qui sied en la matière peu importe le motif de l’incarcération. Un mois de délai minimum sépare la présentation de la demande et sa mise au rôle par le parquet. C’est une violation manifeste des droits de La Défense car la loi dispose expressément que la demande de liberté provisoire peut être présentée à toute étape de la procédure, peu importe qu’elle prospère ou pas.
J’ai peur de cette justice qui se déploie sous nos yeux dans une indifférence totale.
ETRE VICTIME d’une ERREUR judiciaire est la plus grande tragédie qui puisse arriver à un honnête citoyen, il n’en sortira point indemne.
Me VERGES disait lors du procès en révision d’Omar HADAD condamné à tort pour assassinat ce qui suit: « La machine judiciaire broie, lamine, détruit sans qu’il y ait la moindre erreur à reprocher à l’un quelconque de ses servants. Tout a été normal. Tout s’est passé régulièrement. Pas de faute. Pas de coupable».
Faisons attention, ce n’est pas cela la justice.
Une victime croupit en prison à Bolé, bien que placé sous mandat de dépôt, elle aurait passé plusieurs jours au Commissariat de Police du 5ème arrondissement en toute illégalité , elle s’appelle Diaba SORA.
D’autres suivront.

 

Source: info-matin

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