L’affaire qui fait polémique dans l’actualité judiciaire est sans nul doute celle du Maire dus District de Bamako, Adama Sangaré. Après analyse des dossiers, nous avons compris que c’était une comédie jouée par de grands acteurs, qui sont Adama Sangaré lui-même, Moussa Mara, le ministre de la Justice, le Procureur Général, le Procureur de la République près le Tribunal de la Commune III.
L’acte théâtral débute par le maire Sangaré, qui, au nom des pouvoirs qui lui sont conférés, a cru bon d’attribuer des parcelles à des citoyens de Bamako, notamment en Commune IV, à Lafiabougou, Hamdallaye et Sébenicoro.
En avant-scène, le maire de cette commune, Moussa Mara, devenu depuis septembre dernier ministre de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville, a constitué Me Waly Mamady Diawara pour porter plainte contre Adama Sangaré devant le tribunal administratif, pour «dépassement, détournement ou excès de pouvoir». Cette juridiction annule les décisions querellées, c’est-à-dire les actes pris par le maire du District.
Alors la Scène I commence, avec comme acteur principal, le ministre de la Justice, Mohamed Ali Bathily. Ce Docteur en droit prend sa plus belle plume pour adresser une correspondance au Procureur Général, Daniel Téssougué, avec comme objet : «Ouverture d’une enquête pour faux et usage de faux contre Adama Sangaré, maire du District de Bamako, arrestation et saisine de la Chambre criminelle de la Cour Suprême pour désignation de juridiction».
Dans cette lette, le ministre détaille des faits et demande «l’arrestation effective de Mr Adama Sangaré pour les besoins de l’enquête». Son dernier mot dans la missive est clair: «J’attache une importance toute particulière à l’exécution diligente des présentes instructions, dont vous me rendez compte». (Voir ci-dessous cette correspondance en fac similé).
Le Procureur Téssougué répondra par une lettre laconique et nous envoie dans la scène II. Il explique à son supérieur hiérarchique «qu’il s’agit de procédures devant les juridictions administratives et qu’il n’y a, en l’état des choses, aucune poursuite possible» (voir aussi en fac similé cette lettre).
Fâché, le ministre Bathily ne le fait pourtant pas savoir au Procureur Général, qu’il considère toujours comme son étudiant, pour l’avoir eu comme élève à l’ENA et à l’Institut de formation judiciaire, et dont il suppose donc qu’il ne peut pas lui apprendre le droit. Aussi, saisit-il directement le Procureur de la République de la Commune III, Mohamed Sidda Diccko, communément appelé le Procureur anti-corruption, pour lui demander d’instruire la même affaire.
Ce dernier ne se hâte pas pour effectuer la besogne demandée, et se voit convoquer par le ministre, qui lui infligera des leçons de droit et de procédures (Dicko fut également son étudiant). Dans le bureau du ministre, il répondra qu’il ne supporte pas ces injonctions, surtout en présence du Secrétaire général du département, «qui est son jeune frère».
Très sensible, le ministre Bathily lui demandera de ne pas démissionner, avec toutes les amabilités possibles. Ce qu’il accepta dans un premier temps. Le lendemain, le Procureur Dicko est sur le théâtre, pour jouer la troisième scène. Il envoie au Garde des Sceaux une correspondance dans laquelle, celui-ci peut lire: «…Je vous informe que je ne suis plus en mesure d’exercer moralement et légalement les fonctions que vous m’avez confiées. Je vous prie de bien vouloir reconsidérer votre position prise hier soir en accédant favorablement à ma requête et ce dans l’intérêt de la justice ». (Voir ci-dessous le texte de cette lettre).
Entretemps, votre fidèle serviteur déniche l’information selon laquelle le Procureur anti-corruption a démissionné. Daniel Tessougué, le Procureur Général, chef hiérarchique du premier, nous appellera ensuite au téléphone, avec autorité, sinon d’un ton des plus menaçants, pour nous dire que Dicko n’avait pas démissionné et qu’il nous demandait de revenir sur l’information en publiant son démenti.
Ce que nous avons fait avec humilité et sans polémiquer, sachant bien que le temps nous donnerait raison. Eh bien! Ce temps n’était pas celui de Lamartine, et il est très vite arrivé, comme pour dire: « 22 Septembre, vous aviez raison. Le Procureur anti – corruption, Mohamed Sidda Dicko, a bel et bien démissionné, avec ampliation de sa lettre au Procureur Général, celui-là même qui vous avait apporté un démenti supposé cinglant».
Tous les documents pertinents dans cette affaire sont à notre disposition. Alors, Monsieur le Procureur Général Tessougué, vous êtes interpellé. Nous vous convoquons nous aussi à la barre. Le rideau est tombé. La pièce de théâtre a été fort désagréable et personne ne souhaite encore assister à un tel spectacle.
A suivre.
Chahana Takiou
Monsieur Mohamed Sidda DICKO Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de la Commune III du District de Bamako
A
Monsieur le Ministre de la justice, Garde Des Sceaux
REFERENCE : Nos différents échanges Verbaux
Monsieur le Ministre,
J’ai l’honneur de vous communiquer à toutes fins utiles, le rapport du chef de Brigade Economique et Financière de Bamako, relatif à l’affaire Adama SANGARE, ainsi que le compte rendu fait par le Commandant Adjoint, le Capitaine Samba YARO, Officier de Police Judiciaire, concernant l’intrusion du Colonel à la retraite Nianan DEMBELE, chargé de mission au Cabinet .
La lecture de ces deux documents, m’amène à faire les constats suivants
‑ Malgré les professions de foi, mainte fois affirmées et répétées, je suis au regret de constater que mes fonctions légales sont vidées de leur contenu. Une enquête ouverte par le Procureur de la République à la demande de Monsieur le Ministre de la Justice, est dirigée par le cabinet du Ministre et ce, en violation de toutes les dispositions légales. Le Procureur se trouve ainsi assisté (à son insu) par des personnes non habilitées légalement;
‑ L’affaire, objet du présent rapport, est traitée en fonction de paramètres extérieurs que l’enquête n’a pas établis ;
Je crois savoir que, dans l’exercice de sa fonction, le Magistrat, fusse t-il le Procureur, n’obéît qu’à la loi et à sa conscience. Cela est et reste toujours ma conviction. Je préfère perdre un poste que de perdre mon âme.
Au regard de ces constats, l’honneur et les principes m’obligent à en tirer les conséquences de droit.
C’est pourquoi, je vous informe que je ne suis plus en mesure d’exercer moralement et légalement les fonctions que vous m’avez confiées. Je vous prie de bien vouloir reconsidérer votre position prise hier soir en accédant favorablement à ma requête et ce dans l’intérêt de la justice.
En vous remerciant pour tout, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, I’assurance de ma très haute considération.
AMPLIATION
PG‑CAB …………… P/CR.
source : SOURCE: 22 Septembre