Véritable chasse à l’homme depuis le 1er décembre, des méthodes d’expulsion expéditives qui ont fini par prendre des proportions inquiétantes, l’Algérie, qui se trouve depuis quelques jours sur la sellette pour avoir agi sans discernement et avec des méthodes punitives et violentes lors du rapatriement des Africains, notamment des Maliens et des Nigériens, vers leur pays d’origine, s’est murée dans un silence coupable.
Va-t-elle réagir aux graves accusations dont elle fait l’objet de part et d’autre ?
L’affaire a en fait commencé à prendre de l’ampleur au lendemain des violences qui ont éclaté, il y a près de deux semaines, dans un quartier de Dely-Brahim où la population, dit-on, s’est soulevée contre des réfugiés établis dans un domicile à Bouchbek.
L’événement en lui-même, selon ces sources dignes de foi, avait choqué de par la violence dont ont fait preuve les citoyens de cette localité à l’encontre des Subsahariens qu’ils accusaient de mœurs contraires aux traditions algériennes. Avec hargne et ressentiment, des jeunes ont encerclé de nuit la demeure des mis en cause (les migrants africains) ne leur laissant ainsi aucune issue au moment où ils ont entamé une opération de lapidation en règle, projetant des coups de pierre qui auraient pu faire plus d’une victime si les éléments de la gendarmerie n’étaient pas intervenus à temps.
Selon les témoignages recueillis auprès des riverains, par nos confrères du « Soir d’Algérie », l’alerte avait été donnée par des citoyens sidérés par ces scènes d’une rare violence. Le tintamarre provoqué par cette furie des citadins locaux avait d’ailleurs attiré l’attention de la brigade de gendarmerie établie non loin de là.
Face à la détermination de ces jeunes en colère à en découdre définitivement avec leurs victimes, les forces de l’ordre, d’après le récit rapporté par le journal algérien, ont été contraintes de dresser un dispositif spécial jusqu’au transfert des réfugiés africains dans une autre localité.
Visiblement embarrassées par l’éclatement d’émeutes au sein même de la capitale, en ces moments fragiles que traverse le pays, les autorités auraient pris alors la décision de rapatrier les immigrés africains.
Pour nos confrères du « Soir d’Algérie », cette décision semble aussi répondre à un souci pressé de mettre fin à une situation qui risque de faire boule de neige, à travers plusieurs villes de l’Algérie où se concentrent les Africains et éviter ainsi que les tristes spectacles observés il y a quelques mois à Tamanrasset, Ouargla, Béchar, où des morts ont même été enregistrés lors d’attaques surréalistes contre ces réfugiés.
Officiellement, l’opération de rapatriement devait se limiter aux personnes en situation irrégulière. Mais très vite, elle a pris une allure de chasse à l’homme en s’étendant à tous les immigrés avec des conséquences dramatiques dénoncées de par le continent à travers des défenseurs des droits de l’homme.
De la description faite par les victimes aussi bien que par les défenseurs des droits de l’homme, les scènes d’arrestation se sont multipliées à travers la capitale.
Des chiffres publiés par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) indiquent que près de « 1 400 migrants ont été arrêtés au cours de la seule journée du 1er décembre ». La même source indique que des « femmes enceintes, des bébés, des enfants et des malades se trouvaient parmi eux » et qu’ils ont été conduits vers un centre d’été à Zeralda.
Certains, poursuit un communiqué de la Laddh, « sont en situation irrégulière, d’autres sont demandeurs d’asile ». L’organisme de défense des droits de l’Homme dénonce « les conditions désastreuses et indignes, la rétention arbitraire et violente de ces personnes » et accuse les autorités algériennes de « bafouer les normes internationales relatives aux droits des réfugiés demandeurs d’asile et de migrants ».
En tout état cause, ils sont plus de 260 Maliens qui ont été expulsés d’Algérie dans la nuit de dimanche à lundi, lesquels ont regagné depuis le bercail. Parmi eux, un grand nombre accusent les services de sécurité de violence, tandis que d’autres se sont plaints des conditions atroces (comme la privation d’eau et de nourriture) ayant précédé leur transfert vers Bamako via le Niger.
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement algérien entreprend ce genre de bannissements musclés. Pendant les fêtes de l’année 2014, c’est dans la ville d’Oran que les forces de police avaient ciblé les Nigériens en situation irrégulière, arrêtant indistinctement des milliers d’hommes noirs. Au mois d’août dernier, ce sont plus de 400 migrants maliens qui avaient été rapatriés de Tamanrasset à Bamako.
Voilà pourquoi des associations maliennes pour la défense des droits de l’Homme ont exigé du gouvernement l’ouverture immédiate d’une enquête pour vérifier les témoignages des victimes. Amnesty International en a fait de même.
Pour l’heure, Alger, qui semble passer maître dans la traque des subsahariens, s’est refusé tout commentaire sur cette affaire qui indigne la conscience collective. Pour combien temps encore ?
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce silence coupable des autorités algériennes, y compris celui du Croissant-Rouge algérien qui a supervisé l’opération depuis son déclenchement, ne fera qu’accentuer le doute sur les graves accusations qui risquent de clouer, une fois de plus, l’Algérie au pilori en matière de droits de l’Homme.
Par Mohamed D. DIAWARA
Source: info-matin