Le président de la république, Ibrahim Boubacar Keita, Grand maître des Ordres nationaux, a rendu hommage, hier mercredi, à Bakari Kamian, sur le terrain de football de Korofina, en CI du district de Bamako. À la fin d’une cérémonie d’hommages pleine de symboles et d’émotions, ce véritable homme de culture et de science a été accompagné à sa dernière demeure au cimetière de Sotuba.
Décédé, à l’âge de 88 ans, ce dimanche 11 décembre 2016, en terre africaine de Tunisie, la nation malienne a rendu, hier, un dernier hommage au Pr Bakari Kamian, qui fut ensuite accompagné à sa dernière demeure par une foule immense.
La cérémonie était présidée par le chef de l’État, Ibrahim Boubacar KEITA, président de la République, Grand Maître des Ordres nationaux.
La cérémonie d’obsèques organisée ce mercredi 14 décembre 2016 à 16 heures, sur le terrain de football de Korofina en Commune I du district de Bamako, a également enregistré en plus du président IBK, la présence, de l’ancien président de la Transition de 2012, Dioncounda Traoré ; du Premier ministre, Modibo Keita ; des Présidents des Institutions de la République, du Chef de file de l’opposition, des membres du gouvernement, les fils du défunt, le représentant de la famille du défunt, le Médiateur de la République, les anciens Premiers ministres, les Cadres du cabinet présidentiel, des Ambassadeurs en poste à Bamako, les Chefs religieux et coutumiers, ses compagnons écrivains, ses compagnons historiens et universitaires du Mali et de l’Afrique, les familles fondatrices de Bamako, les témoins, de nombreuses grandes personnalités, parents, amis, connaissances du défunt entre autres.
Honneurs funèbres
Dans sa présentation des honneurs funèbre, le Grand maître des ordres nationaux, IBK, a qualifié l’après-midi de ce mercredi de ‘’douloureux’’ parce qu’il était question d’accompagner ‘’vers le monde de la Vérité, l’une des personnalités les plus emblématiques de l’Éducation et de la Culture maliennes’’.
« Oui, il nous a quitté l’érudit de San, le féru d’histoire et de géographie, qui à travers l’Afrique et le monde a dépoussiéré l’histoire, rendant aux tirailleurs leur fierté oubliée dans les tranchées de Verdun… Le Professeur Bakary Kamian n’est plus », a déploré le président de la république !
Selon le Grand maître des ordres nationaux, le nom de cet éminent historien restera à jamais lié au mot Mali : « votre réputation défie les frontières ; elle appartient au monde, parce qu’elle a pour socle la culture… la Culture est universelle ».
« Ce flambeau qui longtemps a guidé nos pas, galvanisé notre énergie, cette boussole que vous fûtes pour tous les hommes de culture, que dis-je pour tous les Maliens, puisse le Tout Puissant permettre à vos enfants, à vos jeunes disciples d’essayer de l’être, afin que prospèrent dans notre cher pays les idéaux de paix, de fraternité et de partage que vous défendiez si chèrement », a souhaité le président de la république.
Qui était le Pr Kamian ?
Né à San en 1928, feu Bakary Kamian fit des études à l’École Primaire Supérieure Terrasson de Fougères de Bamako de 1943 à 1946. Il les poursuivit de 1946 à 1949 à la fameuse École Normale de Katibougou où il obtint le diplôme d’Instituteur –adjoint, ce qui lui permit d’enseigner à l’école primaire de Nyamina de 1951 à 1952.
Attiré par les études, l’élève Kamian ne s’arrêta pas en si bon chemin. C’est ainsi que de 1949 à 1951, il est reçu à son baccalauréat (1re et 2e partie). S’ouvrit alors à lui le chemin de la Métropole où la Sorbonne l’accueillit à Paris de 1952 à 1959 pour :
– un Certificat d’Études supérieures d’Histoire contemporaine et de Géographie régionale en 1954 ;
– un Certificat d’Études Supérieures d’Histoire du Moyen-âge en 1955 ;
– un Certificat d’Études supérieures de Géographie générale en 1956 (mention ‘’Bien’’) et une licence d’enseignement de Géographie la même année.
Brillant étudiant, tout entier tourné vers les études et la recherche, Monsieur Kamian, obtint son agrégation de Géographie en 1964 à la Sorbonne.
Cet immense savoir, feu Bakari Kamian le mettra au service de l’école et des apprenants de tous bords. D’abord en France, où il enseigna dans différents lycées parisiens (Lycée Louis le Grand, lycée Montaigne, lycée Marie Curie entre autres), ensuite au Mali où il cumula les fonctions de professeur et d’administrateur scolaire plusieurs années durant :
-Professeur, Censeur, Proviseur du Lycée Askia Mohamed (Ex Terrasson de fougères) de 1961 à 1963 ;
-Professeur et Directeur général de l’École Normale Supérieure du Mali de 1964 à 1967 ;
-Professeur à l’EMIA et à l’École d’État-major de Koulikoro de 2003 à 2007.
Ce don de partage, cette faculté à transmettre le savoir lui valurent la reconnaissance de l’UNESCO, qui l’utilisa au siège à Paris de 1968 à 1971 ; avant d’en faire un fonctionnaire itinérant pour la formation des administrateurs et des planificateurs de l’Éducation au Bureau régional de Dakar de 1970 à 1971, puis dans les universités de plusieurs autres pays africains et du Moyen Orient : Maroc, Tunisie, Liban, Syrie, Rwanda, Congo Brazza, entre autres. Il eut enfin le privilège de représenter le Directeur général de l’UNESCO auprès de certains gouvernements africains (Guinée Conakry, Sénégal, Gambie, etc.) et d’être le Coordinateur des projets communs de coopération de l’UNESCO avec diverses organisations internationales en Afrique (PNUD, UNICEF, BAD, etc.).
Ce véritable homme de culture, aurait failli à son devoir, s’il n’avait fait sien cet adage qui veut que ‘’ deux choses s’accroissent lorsqu’on les partage, l’amour et le savoir’’… Son savoir, le Professeur l’a partagé dans de nombreuses publications qui ont contribué à faire connaître le Mali profond et l’histoire de milliers de combattants maliens qui se sont sacrifiés sur des théâtres d’opérations à l’Étranger : Géomorphologie de la vallée du Baní dans la Région de San (1957) ; Connaissance de la République du Mali (1962) ; Djenné et Tombouctou (2000) ; Des tranchées de Verdun à l’Église Saint Bernard, 80 000 combattants maliens au secours de la France (2001).
Travailleur infatigable, enseignant et chercheur émérite, rassembleur reconnu et respecté, le professeur Kamian a mené une vie associative très riche. C’est ainsi qu’il fut entre autres : Membre fondateur de la Fondation Léopold Sédar Senghor ; membre de la Société de linguistique de Paris ; membre de l’Association des Historiens africains ; membre de l’Association des Géographes français.
Feu Kamian a su mettre sa grande capacité de travail et son sens élevé de la responsabilité et du devoir bien accompli. C’est ainsi qui fut l’un des rapporteurs des assises sur la Réforme de l’Éducation en 1962 ; Secrétaire général de la Conférence des ministres africains de l’Éducation à Lagos en 1976 ; président du Comité du Centenaire du Palais de Koulouba (2005-2006).
Récompense du mérite
Ce travail colossal, ce don de soi, cette soif inextinguible d’apprendre, de savoir et de partager furent reconnus par son Pays et la Communauté internationale qui lui décernèrent plusieurs distinctions honorifiques : Commandeur de l’Ordre national de la République de Guinée en 1979 ; Commandeur de l’Ordre national du lion du Sénégal en 1979 ; Commandeur de l’Ordre national du Mérite de la République française et Officier des Palmes académiques, de France en 2003 ; Chevalier de l’Ordre national du Mali en 1999 ; Commandeur de l’Ordre national du Mali en 2008 ; Grand Officier de l’Ordre national du Mali en 2016.
C’est ce brillant intellectuel, ‘’ce puits de connaissances et de sagesse, que le Mali éploré a accompagné hier sa dernière demeure, au cimetière de Sotuba.
En ces instants solennels où nous tous, ensemble, rendons un dernier hommage à ce géant à terre, remémorons-nous cette pensée bien africaine :’’la mort engloutit l’homme, elle n’engloutit ni son nom ni sa réputation’’.
Dors en Paix, cher Professeur proche des gens ordinaires !
PAR SIDI DAO
Source: info-matin.