De toutes les tempêtes diplomatiques déclenchées par Donald Trump, celle du 8 mai 2018 occupe une place à part. Ce jour-là, le président américain lit scrupuleusement son allocution, sans improvisation. Il annonce le retrait des Etats-Unis du plan d’action global commun (en anglais Joint Comprehensive Plan of Action, JCPoA), l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015. Trump voue cet héritage de Barack Obama aux gémonies. Accusant l’Iran d’être le « principal Etat sponsor du terrorisme », il dénonce un texte « désastreux », « horrible », « à sens unique ». Des sanctions massives sont réimposées contre le régime de Téhéran. Le président prétend que son administration travaillera, avec ses alliés, à une solution « véritable et durable » à la question du nucléaire iranien.

Les alliés en question sont effarés. Washington vient de porter un coup terrible à l’un des rares succès récents du multilatéralisme. Il n’y a pas de plan B, juste le gouffre sous leurs pieds, et un fil incertain : la préservation de l’accord. Le JCPoA n’est certes pas un compromis idéal – y en a-t-il un ? – et ne couvre que la question nucléaire, pas les activités déstabilisatrices de l’Iran au Moyen-Orient. Mais il repoussait à un an le délai nécessaire pour accumuler assez de matière fissile en vue d’équiper une tête de missile, imposant des restrictions sévères et contrôlables sur le programme iranien. En somme, il gelait pour dix ans la marche vers la bombe du régime qui a toujours prétendu, sans convaincre personne, qu’il se limitait à des activités civiles. En manquant à sa parole, l’Amérique brise la confiance sur laquelle avait été bâtie cette longue négociation. Ainsi commence un feuilleton complexe, erratique, dramatique, étalé sur plusieurs années.

Dans un premier temps, l’Iran demeure un bon élève. Le JCPoA avait fixé des paramètres précis pour les activités nucléaires autorisées – quantité d’uranium enrichi, taux d’enrichissement, etc. Les services de renseignement américains, puis l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), en mars 2019, estiment que Téhéran continue de respecter ses engagements. Mais l’été approche, et le ciel se noircit. Washington franchit un nouveau pas dans sa politique de « pression maximale » et de sanctions contre l’Iran. Dans le viseur : les exportations de pétrole, source de revenus essentielle pour le régime. Les conséquences régionales sont immédiates. Le 13 juin, deux pétroliers sont attaqués dans le golfe d’Oman. Les Etats-Unis accusent Téhéran. Une semaine plus tard, l’Iran abat un drone de surveillance américain. Sur le nucléaire, il change alors de stratégie et décide de se lancer dans un dérapage contrôlé, pour se soustraire progressivement à ses engagements. Début juillet, la limite de 300 kg d’uranium faiblement enrichi (à 3,67 %) est officiellement franchie.

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Source: Le Monde