Tout d’abord, le Comité de suivi, pour l’ensemble de l’accord (CSA):
Ce Comité devra « assurer le suivi, le contrôle, la supervision et la coordination de l’application effective par les parties de toutes les dispositions de l’Accord ». Il comprend : le gouvernement du Mali et les groupes signataires, la Cedeao, l’OCI, l’UA, l’Algérie, le Burkina, la Mauritanie, le Niger ainsi que le Tchad. Les Nations Unies et l’Union Européenne sont membres du Comité, et les membres permanents du Conseil de Sécurité sont « invités à participer » à ses travaux. Comme ce sont les grandes puissances qui disposent des principaux leviers que sont la force armée et les moyens financiers, elles seront à même de peser sur la mise en place de l’accord, et sur le choix des priorités. À la fois membre de l’UE et du Conseil de Sécurité de l’ONU, on peut compter que la France saura tenir sa place dans le CSA.
Secundo, la Commission technique de sécurité, pour le volet militaire (CTS)
La France y siège officiellement puisque cette commission inclut « les forces internationales en présence »(donc aussi Barkhane), à côté des représentants de la Minusma (les casques bleus) … dont le chef d’état-major est un officier français, le général Thiébault. Et c’est sous l’égide de cette CTS que sera institué un MOC (Mécanisme opérationnel de coordination) qui travaillera en coordination avec les « forces internationales en présence ». Il est chargé de planifier et de conduire les patrouilles mixtes, ainsi que de « planifier et coordonner » toutes les actions et mouvements des combattants. Bref, sous l’uniforme français ou sous le casque bleu, les officiers français pourront garder la haute main sur les opérations militaires dans le pays. Faut-il rappeler que l’armée malienne qui cherche à relever la tête dispose d’armements et de moyens techniques très réduits ? Sans doute, les États-Unis vont jouer leur partition, mais la France dispose d’une diversité de tenues de combat. Elle peut participer au Comité aussi bien en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité qu’au titre de l’UE et en son nom propre, avec le dispositif Barkhane.
Tertio, la Mission d’évaluation conjointe au Nord du Mali (Miec)
Ceci concerne le volet économique. Sa fonction : « procéder à l’identification des besoins en matière de relèvement rapide, de réduction de la pauvreté et de développement dans la Zone. » Autrement dit, cette mission va superviser tout le programme de développement de la région. Or l’Accord précise bien que ce sont la Banque Mondiale, la Banque Africaine de développement (BAD) et la Banque islamique de développement qui pilotent la mission d’évaluation. Autrement dit, les affaires économiques du Mali et de son Nord ne regardent qu’accessoirement les autorités maliennes, ce sont les banques internationales qui mènent le jeu. Si l’usage veut que la Banque Mondiale soit présidée par un américain, la France parvient à y placer ses hommes. @3 C’est un français, Bertrand Badré, qui occupe le poste de directeur général finances. Quant à la BAD, 40% des pouvoirs de vote sont détenus par des pays extérieurs à l’Afrique. Et les pouvoirs de vote de la France représentent presque 10 fois plus que ceux du Mali, ceux des USA plus de 15 fois.
Comme si tout cela n’était pas suffisant, le texte insiste sur le poids des « PTF », partenaires techniques et financiers : « Une revue périodique des programmes de développement sera réalisée par les partenaires techniques et financiers, sous l’égide du Comité de suivi… ». Le FMI, dirigé par Christine Lagarde, ne manquera pas de dire son mot à cette occasion.
Comité de Suivi, Commission de Sécurité, Mission d’Evaluation, une panoplie d’outils de contrôle sur le Mali impressionnante, mais il ne faut pas oublier que tout cet attirail vient s’ajouter aux outils existants. Par exemple, le Franc CFA qui permet à la France de contrôler la monnaie, l’Accord de Défense qui donne le champ libre à l’armée française sur le territoire malien. Sans oublier que ce sont des sociétés françaises qui tiennent le fichier électoral du Mali (Morpho, filiale de Safran) ou la fabrication des passeports (Oberthur Technologie).
Quelle souveraineté, quel espace politique va-t-il rester aux citoyens maliens ?
Il semble donc que la forte décentralisation prévue par le texte se fera, dans l’état actuel des rapports de forces, au profit des grandes puissances. Et la France, bien placée dans les organismes de transition saura défendre ses prérogatives. Les autorités françaises affirment haut et fort que la France a besoin de l’Afrique pour rester une grande puissance. Sa politique malienne en atteste. Outre ses intérêts stratégiques dans la zone, faut dire que les promesses du sous-sol malien attirent les convoitises et que des centaines de permis d’exploration ont été délivrés. Un accord de « paix et de réconciliation » signé le 15 mai 2015 ? Hélas, c’est plutôt un texte qui risque de laisser les plaies ouvertes. Car il ne définit pas de perspective politique pour le retour à la paix et consolide la situation de mise sous tutelle du Mali.
Sambou Sissoko
Source: Le Démocrate- Mali