Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye DIOP, intervenant au panel du Forum international de Dakar dont les travaux ont pris fin ce mardi 25 octobre 2022, a répliqué aux propos de la Secrétaire d’État de la France auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Chrysoula ZACHAROPOULOU, qui a déclaré : « des autorités maliennes qui ont décidé de privilégier leur propre survie politique, au détriment de la lutte contre le terrorisme ».
« C’était du politiquement correct à entendre, mais c’est très loin de la réalité », a répondu M. DIOP, tout en rappelant que son pays lutte contre les conséquences du chaos créé en Libye par la France.
Plus de 30 pays ont pris part à la 8e édition du forum international de Dakar sur le thème « L’Afrique face aux chocs extérieurs : défis pour la sécurité et la stabilité ». Outre cette thématique, des panels ont été animés par des sommités, des dirigeants et responsables des structures publiques et privées.
Ce mardi, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye DIOP, intervenant lors du panel sur les crises globales et souverainetés en Afrique, a réagi au discours du Secrétaire d’État français tenu lors de l’ouverture des travaux alors que les relations entre les deux États se détériorent davantage.
En effet, dans son discours à la plénière du lundi 24, Chrysoula ZACHAROPOULOU a accusé la transition malienne de reléguer en second plan la lutte contre l’insécurité et a affirmé que « des autorités maliennes ont décidé de privilégier leur propre survie politique au détriment de la lutte contre le terrorisme ». Ainsi, les conditions politiques n’étant plus réunies, selon elle, la France a décidé de se retirer du Mali.
Sans surprise, le chef de la diplomatie malienne a décidé de mettre les pendules à l’heure en répondant à la Secrétaire d’État française en qualifiant le discours de cette dernière de « grande opération de relation publique, mais qui manque de sincérité ».
« C’était du politiquement correct à entendre, mais c’est très loin de la réalité. Elle a indiqué que le régime à Bamako se bat pour sa survie. Je crois qu’un régime qui a une telle assise populaire n’a pas à s’inquiéter pour sa survie », a répliqué le ministre DIOP, ajoutant « Le Mali se bat pour sa survie en tant qu’État ».
Pour lui, le tumulte de l’insécurité contre lequel le Mali et bien d’autres pays en Afrique est la conséquence de l’intervention de la France en Libye malgré la désapprobation des États africains. En plus de l’insécurité, les Libyens tentent de gérer des effets de cette opération en vain, car la population de ce pays continue de se battre. Cette défaillance géostratégique, à l’origine de l’insécurité en Afrique, s’étonne-t-il, n’est assumée par aucun responsable.
« Qu’est-ce qui a été fait pour gérer le service après-vente et éviter qu’une opération étrangère ne finisse par une déstabilisation de l’ensemble de la région », s’est-il interrogé, avant de préciser que « la survie dont on parle, c’est la survie de nos États».
Et la France, a-t-il enfoncé, joue au Mali au pompier pyromane après avoir allumé le feu.
En déclarant que la France et l’Union européenne ne viennent pas en substitution de l’action des pays africains, le chef de la diplomatie malienne rétorque à Chrysoula ZACHAROPOULOU en rappelant que lors des opérations de récupérations des zones sous occupation terroristes, l’armée malienne avait été bloquée aux portes de Kidal par les soldats français.
« Elle se substitue aux armées africaines parce que quand la France est venue pour nous aider à libérer notre territoire en 2013, nous avons libéré ensemble Gao et Tombouctou. Mais à 50 km de Kidal, l’armée française a stoppé nette l’armée malienne en disant qu’elle ne pouvait pas y entrer. Aujourd’hui 10 ans après, l’armée malienne et l’État malien ne sont pas présents à Kidal. Depuis 10 ans elle (la France) travaille au nord du Mali avec des groupes rebelles. Elle a choisi ses amis dans le pays. Ce n’est pas normal. On doit considérer que le peuple malien est notre ami », a-t-il craché.
Malgré ces vives tensions, le ministre Abdoulaye DIOP a estimé que les relations dégradées entre notre pays et la France pourraient se rétablir à condition que l’ancienne puissance coloniale respecte la «souveraineté» du Mali et ses «choix stratégiques».
« Le Mali a souhaité que notre souveraineté soit respectée, que nos choix stratégiques et nos choix de partenaires soient respectés, et que les intérêts vitaux des Maliens soient pris en compte », a insisté M. DIOP.
« Si ces éléments sont observés, le Mali n’a pas de problème à traiter avec aucun partenaire, y compris la France », a-t-il assuré auc micros des journalistes après son intervention publique au Forum.
Interrogé sur les accusations du Mali contre la France dans une lettre adressée en août au Conseil de sécurité de l’ONU, dénonçant notamment des «violations répétitives et fréquentes» de l’espace aérien du pays par les forces françaises et le ‘’soutien de la France aux terroristes’’, le ministre Abdoulaye DIOP a affirmé que son pays attendait une session spéciale pour en produire les preuves.
« Le Mali n’est pas un enfant, nous sommes membres des Nations unies, nous connaissons les règles. Nous avons demandé une session spéciale pour pouvoir discuter de cette question », a-t-il déclaré, en lançant à nouveau le défi à la France de convoquer ladite session spéciale.
« Ceux qui sont en face, de quoi ils ont peur ? Si on n’a pas de preuves, qu’on convoque la session », a-t-il déclaré.
PAR SIKOU BAH
Source : Info-Matin