La nuit fut courte et agitée, au campement du square Jules-Ferry, près de la place de la République (11e), à Paris. Les 79 jeunes migrants venus d’Afrique de l’Ouest – Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Bénin – étaient prévenus de leur évacuation, tôt le matin du mardi 4 août. Les agents des préfectures de police de Paris et d’Ile-de-France sont venus les réveiller vers 7 heures et les ont priés de faire leur paquetage avant de monter dans un car. Une vingtaine d’entre eux, notamment sept jeunes femmes, ont été conduits dans différents hôtels de la région parisienne, et 49 au gymnase Japy, tout proche, où les attendaient des lits de camp.
A 15 heures, la température sous la verrière du gymnase est déjà très élevée, avant même la canicule annoncée les jours suivant : « J’ai l’œil rivé sur la météo, j’ai prévu des frigos, de l’eau fraîche, des fruits et des brumisateurs, rassure Kamel Dif, responsable du pôle Urgences de l’association Alteralia, mandatée par l’Etat pour encadrer ces jeunes. Nous sommes là pour les aider, les nourrir, leur fournir ce dont ils ont besoin; des tickets de métro, des jetons pour la laverie d’en face, mais aussi des médicaments… Le pire, c’est le désœuvrement : puisque nous sommes dans une salle de sports, demain arrivent les ballons de basket. » La venue d’une équipe médicale et des tests Covid sont programmés.
« On est en sécurité, ici, mais on ne sait pas trop ce qu’on va devenir », explique l’un des hébergés, d’origine malienne qui, comme ses compagnons d’infortune, veut garder l’anonymat. « Tout ce qu’on souhaite c’est aller à l’école, apprendre à lire, à écrire et s’installer ici, en France, résume son voisin ivoirien. Ce n’est pas Paris qui nous intéresse, nous sommes prêts à aller partout en France, même à être séparés après avoir galéré ensemble. » Un jeune Guinéen suit déjà, grâce à l’association Droit à l’école, des cours de français et de mathématiques et a repéré une formation en CAP de technicien de maintenance d’équipement industriel, dans un lycée d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) qu’il aimerait rejoindre dès la rentrée.
« Les rendre visibles »
« Il était temps que l’évacuation ait lieu car voilà cinq semaines que nous, associations, portons à bout de bras ce campement qui aura cependant permis de les rendre visibles et faire entendre leur voix, explique Corinne Torre, chef de mission à Médecins sans frontières. Mais la situation commençait à se dégrader : des prédateurs tournaient autour du camp, des SDF se montraient agressifs », témoigne Mme Torre.
Le Monde