Hier, le Palais de la Culture Amadou Hampaté Bah, a servi de cadre aux activités de la 23ème session de l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID), en présence d’autorités, des membres du jury d’honneur, d’organisations de la société civile, de droits de l’Homme, de diplomates, de citoyens, notamment les interpellateurs. Pour cette 23ème édition selon les services du Médiateur de la République, Baba Akhib Haidara, 454 interpellations ont été faites dont la majorité concerne encore les litiges fonciers.
L’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH), à travers M. Brahima Konaté, a entretenu l’assistance lors de cette tribune d’expression démocratique entre citoyens et décideurs nationaux, de leurs inquiétudes et réflexions sur des problématiques liées entre autres à : la justice et à l’impunité ; l’insécurité galopante, atteintes aux libertés d’expression et de manifestation, enfin à l’inégalité d’accès aux médias d’État…En somme, faire partager leurs préoccupations avec les autorités et leurs préconisations en faveur de la promotion et la protection des droits humains au Mali.
S’agissant de la lutte contre l’impunité, si l’AMDH s’était réjouie à cette même tribune en décembre 2017 des avancées enregistrées, regrette M. Brahima Konaté, nous sommes au regret de constater que l’année 2018 a été marquée par peu ou pas de progrès notables en matière de la lutte contre l’impunité. «Nous constatons avec consternation des initiatives allant dans le sens de la promotion de l’impunité au Mali. Je voudrais en l’occurrence citer l’initiative de la loi dite d’entente nationale qui risquerait d’anéantir tous les efforts consentis par l’État lui même, ses partenaires et la société civile en matière de justice, de paix et de réconciliation nationale. Si elle venait à être votée par les députés le 13 décembre 2018, elle renforcera davantage la mésentente en République du Mali», a déploré l’avocat.
Cette loi d’entente nationale, explique succinctement le porte parole de l’AmDH, prévoit l’exonération des poursuites pénales contre les personnes ayant commis des crimes et délits punis par le code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Mali. D’où notre crainte qu’en l’absence d’enquêtes fiables et impartiales abouties au Mali, qu’une loi d’entente nationale prévoyant des amnisties ne conduise à exonérer les principaux responsables à répondre de leurs actes devant les cours, les tribunaux et la Nation. «Nous, organisations de défense de droits humains, tenons à préciser que nous ne nous opposons pas à une loi d’entente nationale ; mais nous nous opposons à ce projet de loi en l’état élaboré sans consultation d’aucune des victimes et les organisations de défense de droits humains. Nous estimons également qu’une loi d’entente n’est pas opportune en l’état actuel de la situation du Mali puisque la crise est encore en cours et que la commission vérité justice et réconciliation (CVJR) et la Commission d’enquête internationale sont encore en train de travailler pour établir la vérité sur les événements passés », a souligné M. Brahima Konaté. Par conséquent, poursuit l’orateur, il est impératif que ce texte ne soit pas adopté, parce qu’il représente une grave menace à l’Etat de droit et aux droits des victimes, et risque de mettre à mal les efforts déployés par le Gouvernement, la société civile et les partenaires afin d’atteindre une véritable réconciliation au Mali.
En ce qui concerne l’insécurité au Mali, dit M. Brahima Konaté, la situation du centre est particulièrement préoccupante, comme signifié à l’occasion de la publication de notre rapport «Centre-Mali les populations prises au piège du terrorisme et du Contre terrorisme» le 20 novembre dernier. Le Centre, a rappelé M. Brahima Konaté, est en proie à des violences d’une extrême gravité qui auraient fait, selon les chiffres disponibles, environ 500 victimes civiles entre janvier et août 2018. Si nous avons appris avec beaucoup de bonheur l’élimination de Amadou Kouffa par les FAMA et Barkane, ajoute M. Konaté, nous estimons cependant qu’il faille adapter le Plan de sécurisation des régions du centre du Mali en y intégrant notamment les dispositions suivantes: Garantir la sécurité́ des biens et des personnes notamment par le déploiement de forces de défense et de sécurité́ pleinement respectueuses des droits des personnes ; promouvoir la consultation des communautés locales aux politiques de sécurité́ dans leurs zones ; restaurer et renforcer la confiance entre les populations locales et l’Etat à travers des actions de sensibilisation et de renforcement de la sécurité́ des personnes et de leurs biens.
S’agissant des libertés d’expression et de manifestation consacrées à l’article 5 de la constitution du Mali, rappelle M. Brahima Konaté aux autorités, l’AMDH attire votre attention sur des atteintes régulières à ces libertés sous couvert de l’État d’urgence appliqué parfois de façon discriminatoire et sélective. « Les tendances actuelles des pouvoirs à porter atteinte aux droits constitutionnels garantis sont de nature à mettre en péril notre démocratie chèrement acquise. En témoigne, le récent arrêté du Gouverneur qui foule au Pieds la constitution et les traités internationaux sous la fallacieux prétexte de l’état d’urgence », indique Brahima Konaté. Par rapport au droit à l’information et à l’égal accès aux médias d’État, appuie Brahima Konaté, l’AMDH voudrait également alerter les plus hautes autorités sur des restrictions flagrantes à ces droits fondamentaux. « L’AMDH voudrait particulièrement interpeller les autorités sur le traitement sélectif et discriminatoire et des censures répétées et injustifiées de l’Office de Radiodiffusion Télévision du Mali (ORTM), notre fierté d’antan », a-t-il déclaré. «Nous encourageons la Haute autorité pour la communication (HAC) et le Comité d’égal accès aux médias à jouer pleinement leur rôle sans discrimination et dans le strict respect des textes qui régissent le domaine ». Pour terminer, l’AMDH s’est interrogé où en est on avec le projet de texte visant à dépénaliser le délit de presse annoncé depuis quelques années. A quand la réalisation de cette promesse du Gouvernement faite il y a plus d’un an, je cite : «Aucun journaliste ne doit se retrouver en prison à cause de son opinion, par conséquent, aucun journaliste ne sera poursuivi pour délit de presse en république du Mali», a conclu Brahima Konaté
Hadama B. Fofana
Source: Le Républicain