Depuis le coup d’Etat du 18 août 2020 au Mali , les partis politiques sont décriés , vilipendés et voués aux gémonies par une violente campagne orchestrée par les partisans du pouvoir militaire , cette campagne a touché et engendré les ressentiments d’une grande partie de la population contre les hommes politiques et a ainsi forgé une opinion publique largement défavorable .
Après les partis politiques et la classe politique , c’est la démocratie elle-même en tant que système qui est attaquée , décriée , et accusée comme non adaptée à nos réalités sans pour autant lui opposer un meilleur système de gouvernance !
Ce qu’il faut savoir c’est que la Démocratie ne vaut que par l’usage que les hommes en font !
La Démocratie est loin d’être une tare en soi, mais partout dans le monde, elle a été dévoyée et pervertie par des pratiques très loin de l’éthique, de l’intégrité, de l’exemplarité et des autres valeurs qui lui sont vitales. Elle a ainsi été très souvent sous tous les cieux la principale victime des ambitions, de la vanité et de la cupidité des hommes politiques censés l’incarner et la faire vivre , ces hommes politiques qui ont entretenu l’illusion que la Démocratie ne se limite qu’à l’organisation des élections !
C’est pourquoi aujourd’hui dans le monde, les ” démocraties imparfaites ” sont beaucoup plus nombreuses que les ” démocraties à part entière ” même dans les pays dits les plus avancés!
Ces remises en cause de la politique, de la Démocratie et des partis politiques font naturellement en ce moment en Afrique l’affaire des régimes militaires de transition qui trouvent ainsi une justification et une légitimation de leur violente rupture de l’ordre constitutionnel par les armes et la pérennisation de leurs régimes de fait .
Le régime militaire de fait du Mali, ses thuriféraires les nostalgiques de la dictature s’évertuent depuis quatre ans à alimenter une campagne grotesque et mensongère selon laquelle ce sont la Démocratie, les démocrates et les partis politiques qui ont ” détruit ” le Pays pendant trente ans car rien n’a été accompli de positif dans le sens de son développement pendant cette période.
Alors, qu’il est au contraire indéniable que le Mali qui était dans un état de sous-développement catastrophique pendant la dictature militaire des années 1970 / 1980 a accompli un bond qualitatif extraordinaire dans plusieurs domaines depuis une trentaine d’années à partir de l’avènement de la Démocratie et la fin de la dictature en 1991, que ce soit dans les domaines des infrastructures, des équipements , de la santé , de l’éducation , de l’information , des arts et de la culture , des libertés collectives et individuelles , ou de l’investissement privé.
Les nombreux lycées , CESCOM , routes , boulevards , avenues , hôpitaux , échangeurs , monuments , stades , ponts , zones industrielles, commerces de toutes sortes , aménagements hydroagricoles , journaux et radios etc… en témoigneront pour l’éternité. Non ! Il est faux et archifaux de dire que le Mali à reculé pendant les 30 dernières années car ce formidable bond en avant est vérifiable et palpable par tout un chacun dans sa vie de tous les jours, même par les propagandistes du régime de transition. Ces réalisations, ces acquis sont l’œuvre de la politique, des partis politiques et des démocrates qui ont assumé le pouvoir depuis 30 ans !
Malgré tout, pour autant, la classe politique et les partis politiques sont-ils exempts de tout reproche et peuvent-ils faire mieux ?
Quelque chose a-t-il manqué ? Incontestablement comme toute œuvre humaine, tout n’a pas été et n’est pas parfait. Depuis l’avènement de la Démocratie en 1991 au Mali, paradoxalement la nouvelle classe politique s’est reposée sur ses lauriers et a fait du surplace dans sa propre évolution interne : une fois la Démocratie posée, les partis politiques, toujours plus nombreux ont été créés sur le même modèle avec des statuts et règlements intérieurs standards sans aucune imagination.
Conçus pour être les réceptacles des aspirations politiques, économiques et sociales des citoyens ainsi que les moteurs de la formation et de l’information en vue de la construction citoyenne d’un monde meilleur, les partis politiques sont devenus peu à peu essentiellement pour la plupart des instruments de conquête du pouvoir par des élections où sont mis en œuvre tous les moyens, surtout la fraude, la corruption et l’achat des consciences . Ils sont devenus des biens patrimoniaux transmissibles, des fonds de commerce et d’influence, des ascenseurs socio-économiques qui se sont petit à petit éloigné des réalités des populations au nom desquelles ils prétendent se battre !
Figés dans leurs carcans préhistoriques, ces partis ont vite été dépassés par le fulgurant développement de la communication et de la société qui ont fini par leur échapper !
Les pseudos influenceurs, les bonimenteurs et autres menteurs professionnels grassement rémunérés prétendus chroniqueurs, saltimbanques et troubadours de la politique, à travers les réseaux sociaux, prennent de plus en plus la place des partis politiques dans la formation de la conscience politique et de l’opinion publique !
Les téléphones portables ont de plus en plus remplacé les livres et les journaux, les fora sur internet et les groupes WhatsApp ont remplacé les réunions et autres séminaires politiques.
Face à ces défis réels et immenses, la classe politique doit elle et peut-elle rester sur la défensive et s’arc-bouter sur ses fondamentaux historiques aujourd’hui dépassées ou doit-elle réagir, se remettre en cause et s’adapter pour sauver la démocratie et l’Etat de droit ?
Elle doit assurément réagir et vite , d’abord en se remettant en cause par une introspection lucide et objective qui permettra de mettre à nu ses faiblesses et ses retards , ses incohérences et ses échecs , sa pratique de la Démocratie , Bref elle doit BALAYER DEVANT SA PORTE !
A commencer par l’état des lieux:
Au lendemain de la révolution démocratique de mars 1991, les différentes associations du mouvement démocratique deviennent tous des partis politiques et à la faveur du multipartisme intégral institué par la nouvelle Constitution, on comptera plus de 300 partis politiques car aucun critère sélectif n’en restreint tant soit peu la création, l’obtention du récépissé est assez aisé. La loi sur le financement des partis politiques viendra aiguiser par la suite beaucoup d’appétit !
Alors les partis politiques ont fleuri : une multitude de micro partis côtoient des partis de plus grande envergure issus des différentes associations du mouvement démocratique qui vont eux même éclater et se démultiplier, sans compter les partis qui n’ont d’existence que le récépissé. L’inflation de partis politiques est devenue incontrôlable.
Alors qu’en réalité moins de 50 partis concourent régulièrement aux joutes électorales et moins de 50 partis sont éligibles au financement public dont les conditions sont assez contraignantes. Les élections sont devenues des gigantesques foires de la fraude et de la corruption à ciel ouvert et c’est à qui paye le plus que vont les suffrages.
Il est même de notoriété publique que les jours de scrutin la foire du “marché des votes ” n’est ouverte que dans l’après-midi entre 16 heures et 18 h.
Outre leurs textes désuets et stéréotypés l’évolution des partis politiques a fait apparaître au fur et à mesure plusieurs dérives qui ont été autant de répulsifs : La toute puissance tutélaire irrévocable du Père fondateur Président à vie, la gestion patrimoniale, l’opacité financière, le règne de l’argent roi, le déficit criard de sensibilisation et de formation de militants, le transport et la rétribution des populations non militantes pour remplir les salles de manifestation. Ces mêmes populations transportées et rétribuées pour voter pour tel ou tel candidat. L’inamovibilité des cadres dirigeants, La cooptation au détriment du mérite et de la compétence, l’hypertrophie injustifiée et paralysante des organes exécutifs. La primauté des ambitions individuelles au détriment de l’ambition collective, l’affairisme des élus surtout municipaux, la prédation foncière, l’impunité, bref l’incurie.
Ainsi le rôle et le devoir des partis politiques ont été si dévoyés au cours de ces dernières décennies qu’il n’est point surprenant qu’ils aient perdu au fil des ans en crédibilité, en aura, en attractivité et en respect auprès des citoyens témoins et souvent victimes de ces dérives.
Pas étonnant non plus que le taux de participation aux élections dégringole d’année en année pour atteindre péniblement le taux de presque 35% en 2018 et 2020 !
Comme on peut le voir l’état des lieux n’est pas reluisant mais doit-on pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Assurément non !
Il y va de l’avenir de la Démocratie et de l’Etat de droit, de l’avenir du Mali et des générations à venir que des hommes politiques courageux acceptent de relever le défi historique de la réhabilitation de la politique et de la classe politique en réfléchissant lucidement à l’avenir de la Démocratie et des partis politiques , en s’imposant , en imposant dans le jeu politique , dans la conduite de leurs partis et de l’Etat des règles claires , strictes et respectées d’éthique, d’exemplarité , de redevabilité , de transparence et d’intégrité !
Il faut en effet beaucoup de courage, d’engagement et d’abnégation pour lancer cette révolution au sein même de la démocratie et de la politique.
Cette révolution doit commencer par :
1/l’introduction du respect de l’éthique, de l’intégrité et des valeurs dans les textes fondamentaux des partis :
La tâche primordiale et la plus importante sera de redéfinir les textes fondamentaux des partis politiques :
En effet après le chapitre des “statuts ” qui est une obligation légale administrative, le second chapitre doit être une charte de l’éthique, de l’intégrité et des valeurs dans laquelle seront inscrits d’abord et surtout les principes majeurs qui seront l’ADN du parti, des principes de probité, de loyauté, d’intégrité, de moralité, d’humilité, de vérité, d’exemplarité, de redevabilité, de limitation des mandats, de transparence, de solidarité, d’incompatibilités
La charte sera complétée par une liste des sanctions prévues en cas de violation d’une des règles dûment constatée et documentée.
Un comité de l’éthique présent à tous les niveaux du parti de la section au Bureau national , sera chargé de veiller au respect de la CHARTE dans les textes et dans les actes des responsables politiques à tous les niveaux et prononcer des sanctions en cas d’infraction .
Cette charte de l’éthique, de l’intégrité et des valeurs doit être validée par le congrès.
Après l’adoption de la charte et du comité de l’éthique et des valeurs , les partis doivent prioritairement se donner les moyens de mettre en place un système de sensibilisation et de vulgarisation des principes contenus dans ces textes à l’intention surtout des responsables du parti à tous les niveaux et des militants en créant des espaces de formation du parti et en utilisant ces mêmes moyens modernes de communication actuels dont l’internet qui ont servi à les décrédibiliser et les dévaloriser.
Les partis politiques à travers les comités de l’éthique doivent ainsi rester vigilants et sans état d’âme vis à vis de leurs propres responsables dont le comportement peut donner du grain à moudre à leurs détracteurs.
Il est par exemple inadmissible, indécent et inexplicable de voir souvent des responsables choisis par le parti pour occuper des fonctions au plan national ou local , traduits en justice pour des crimes ou délits et condamnés , qui viennent ensuite retrouver leurs places au sein des instances du parti sans aucune sanction ni même demande d’explications du parti comme si de rien n’était!
En conclusion, il est très difficile d’exiger une gouvernance vertueuse au niveau de l’Etat, si les partis politiques qui désignent les gouvernants n’appliquent pas à eux-mêmes des règles d’intégrité !
Les partis politiques doivent créer l’homme politique malien nouveau, intègre, exemplaire, engagé, humble et résilient.
Le Mali Koura sera l’œuvre du “Mali Nyémogo Koura ” ou ne sera pas !
2/ Revaloriser la place des femmes et des jeunes au sein des instances
Les ” mouvements affiliés au Parti : mouvement des femmes et mouvement des jeunes, sont des survivances d’un passé révolu qui consacrait une réelle discrimination au sein des partis politiques où les femmes et les jeunes étaient relégués aux tâches ingrates festives ou protocolaires essentiellement.
Ces mouvements doivent disparaître pour s’intégrer dans les organes exécutifs du parti selon une parité de 35% pour les femmes et les hommes et 30% pour les jeunes.
Cette même parité devra strictement être appliquée pour l’établissement des listes de candidatures aux différentes élections.
3 / S’UNIR :
L’expérience a suffisamment démontré que l’application à la lettre du multipartisme intégral conduit inévitablement à l’embouteillage et à la pléthore de partis politiques.
Cette pléthore nuit fortement à la cohésion et à la lisibilité de l’action politique. Il est évident que l’existence de plus de 300 partis politiques qui est une source de dispersion et de confusion a plus nuit à la Démocratie qu’elle n’ a servi à son ancrage et son essor .
Il est urgent pour les partis politiques de laisser de côté les petites vanités, les ambitions et égos personnels des dirigeants pour chercher à s’unir entre partis partageant les mêmes valeurs, au sein de grands regroupements présents sur tout le territoire national faisant ainsi de l’implantation nationale un des critères de délivrance du récépissé.
Car reconnaissons-le et disons-le tout net, un parti politique qui n’est pas présent sur tout le territoire national ou sur au moins ses 3/4 ne peut prétendre influer sur le débat national !
Cette UNION est vitale et urgente pour la survie de la politique car un Pays comme le Mali n’a nul besoin de centaines de partis politiques dont la plupart ne sont que des récépissés ou de simples faire valoir utilisés pour des buts inavoués. Les partis politiques , la politique et la Démocratie sont à la croisée des chemins , la volonté que l’on peut afficher aujourd’hui pendant cette deuxième phase de la transition est de balayer la classe politique actuelle , de réduire les partis politiques à leur plus simple expression en procédant à la dissolution méthodique de leurs dernières sphères de pouvoir que sont les conseils municipaux, pour faire la place à des avatars créés et caporalisés par les tenants du pouvoir et qui n’exerceront en réalité aucun rôle de sentinelle ou de contrepouvoir, donc n’auront aucune influence sur la gouvernance du Pays.
Le but ultime est d’installer à nouveau , un pouvoir militaire déguisé en “Démocratie imparfaite “parée de tous les atours de la vraie Démocratie comme le Mali en a déjà connu pendant les années de plomb et comme il en existe encore beaucoup dans le monde , comme en Russie , en Corée du nord , en Erythrée , etc…
Cette remise en question vitale et salvatrice par la classe politique de sa nature et son propre fonctionnement est aujourd’hui la seule alternative qui s’offre à elle sinon je vois venir très bientôt le début d’un long crépuscule pour la Démocratie, la politique la vraie et les partis politiques au Mali !
Malick Touré
Administrateur Civil.