Les mauvaises habitudes ont décidément la vie dure. Sinon comment croire qu’en ces moments d’épreuves terribles que notre pays traverse depuis janvier 2012, cette tragédie sans nom imposée au peuple malien, conséquences d’une gestion catastrophique à tous égards de la démocratie chèrement acquise où la gabegie le disputait au copinage et à la corruption, comment croire qu’au moment où nos soldats nos enfants, les soldats français nos enfants, les soldats tchadiens nos enfants et les soldats africains risquent et perdent leurs vies chaque jour au Nord du Mali, ici à Bamako les mêmes acteurs – des politiciens avides et apatrides, des pseudo opérateurs économiques rapaces de la pire espèce, apatrides, analphabètes et cyniques pour qui le Mali compte peu et l’Etat encore moins sinon qu’à servir de vache laitière – reprennent tranquillement leurs petites affaires, plutôt leurs grosses magouilles sur le dos du peuple malien ?
En effet, un ancien Ministre de ATT recasé à la tête d’un important organe de régulation, et resté très discret depuis le 22 mars 2012, car assis entre deux chaises, a décidé de venir en aide aux forces armées du Mali en puisant dans une cagnotte commune aux opérateurs du secteur. Cette aide serait composée de 200 véhicules pickups Toyota.
Seulement voilà, ce cadeau risque de s’avérer empoisonné pour plusieurs raisons :
– raisons techniques et militaires : Les véhicules proposés sont des pickups 4 cylindres diesel, simple cabine. Ceci est une aberration certaine car pour qui connait le théâtre des opérations, il est de notoriété publique que les terroristes et narcotrafiquants utilisent des pickups BJ 6 cylindres à essence, plus rapides et plus performantes. En cas de poursuites les nôtre seront largués à tous les coups, en cas de manœuvre ils seront vite encerclés. La mobilité qui est le facteur déterminant dans ce genre d’espace sera forcément du côté de nos ennemis.
– raisons financières et économiques : La facture présentée est d’environ 6.250.000.000 f soit 23.500.000 f par véhicule hors taxe donc 31.250.000 f toutes taxes comprises simple cabine.
Or à Bamako, les prix concessionnaires sont les suivants : Toyota pickup simple cabine 4 cylindres diesel : hors taxes 17.496.610 f toutes taxes (TTC) : 20.646.000 f soit pour 200 véhicules hors taxes 3.499.322.000 f et toute taxes (TTC) 4.129.200.000 f soit une différence de 2.120.800.000 f (6.250.000.000 f – 4.129.200.000 f).
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la différence de 2.120.800.000 f a sûrement une raison et une destination que nos limiers de l’autorité de régulation des marchés publics, ou du contrôle général d’Etat ou encore du vérificateur général sauront nous en sommes sûrs élucider !
Etant entendu que les prix que nous indiquons sont des prix unitaires, une commande de 200 véhicules suppose un rabais consistant sur le prix !
– raisons commerciales, ethniques et morales : Chacun à Bamako a en mémoire la rocambolesque affaire des véhicules de l’Assemblée Nationale du Mali avec ses multiples rebondissements juridico-financiers, elle tira son origine du fait que le marché avait été passé avec un commerçant de la place qui n’était pas concessionnaire ayant pignon sur rue, avec garage et service après vente et tout le reste.
En 2013, ce nouveau marché de pickup de plusieurs milliards vient d’être passé par entente directe, sans appel d’offre, ni même consultation restreinte, à un particulier, non concessionnaire connu plutôt dans le domaine céréalier, avec l’aval de la direction des marchés publics à des prix largement surfaits sous le fallacieux prétexte du conflit du Nord donc de l’urgence.
Ceci n’est pas une surprise pour qui connait un peu le microcosme politico affairiste bamakois, car l’initiateur du marché quand il exerçait au gouvernement détenait le portefeuille de tutelle de ces céréaliers avec les scandaleuses exonérations financières et sans fin qui ont marqué son magistère ! Cela crée des liens et des liens durables et profitables. Il n’y a point de hasard, le prix de cette fidélité c’est 2.120.800.000 f au détriment de l’Etat malien.
Les concessionnaires automobile sont connus à Bamako, ils représentent à peu près toutes les marques en circulation au Mali, ils emploient des centaines de personnes dans des structures construites et installées à prix d’or répondant à des normes techniques et commerciales requises. Leurs prix sont connus et vérifiables, ils paient leurs impôts. Alors pourquoi les ignorer lors de marchés aussi importants et sensibles au profit de particuliers sans structure ? La seule réponse qui nous vient à l’esprit tient en trois mots : magouille, corruption, pot de vin !
Ce gouvernement de transition se doit d’être l’élément précurseur du grand élan de redressement national qui devra remettre l’Etat du Mali debout, il ne saurait cautionner ces pratiques anciennes malsaines qui ont fini de discréditer l’Etat et la pratique politique au Mali.
Tous et chacun doivent y veiller et dénoncer ces fossoyeurs de notre économie, de notre démocratie, de notre pays tout court !
DUGUFANA