Dans le cadre du déménagement du G5 sahel dans la capitale malienne, le quotidien d’informations générales, d’enquêtes et d’analyse a effectué un entretien hier avec un caporal-chef de l’Armée de Terre à la retraite, Zouka Maïga, dans le but de recueillir ses impressions sur la question. Lisez l’interview !
Le pays : qui est Zouka Maiga ?
Zouka Maïga : je suis Monsieur Zouka Maïga, caporal-chef de l’armée de Terre à la retraite. Je suis incorporé dans l’armée le 18 Décembre 1974 lors du premier évènement Mali-Burkina Faso. Présentement, je suis à la retraite chez moi à Yirimadio.
Nous avons appris que le G5 sahel qui siégeait encore à Sévaré déménage à Bamako, que pensez-vous de ce déménagement ?
Effectivement, je l’ai appris tout comme vous. Ce qui m’a beaucoup surpris, c’est que ce fut en l’absence du président de la République. Le G5 Sahel, d’abord c’est quoi ? C’est une création qu’on a voulue depuis au moment d’Amadou Toumani Touré. Les gens n’ont pas voulu, parce que l’opportunité n’était pas au rendez-vous. Un jour, quand Amadou Toumani Touré, le président à l’époque, a été interviewé par Alain Foka, le journaliste français, à la télévision, celui-ci parlait du G5 Sahel, il l’a crié, il l’a décrié, il a demandé vraiment à ces pays de constituer le G5 Sahel comme étant la seule solution au problème du Sahel. Aujourd’hui, la France en veut à ATT parce qu’elle veut deux choses : une Base à Sevaré et une Base à Tessalit. Mais ATT lui avait suggéré d’aller demander aux Maliens puisque le Mali ne lui appartient pas. C’était un peu avant le déclenchement de la rébellion vers Gao.
Donc c’est ce G5 qui s’est constitué n’importe comment pour aller se retrouver à Sevaré, et aujourd’hui qui vient se retrouver à Bamako parce qu’il a subi une simple attaque. Une attaque d’ailleurs que je peux dire, organisée. Le G5 doit être plus bien organisé, parce que ce n’est même pas un G5 Sahel. Il faut voir même un G6, parce que M’Barkhane fait partie, et c’est M’Barkhane qui pilote le G5. Le G5 est l’Armée de Terre de M’Barkhane, je vous le dis parce que j’ai suivi et j’étais sur le terrain. Là où il n’y a pas une Armée africaine, l’Armée française ne peut pas opérer parce qu’ils sont en l’air, c’est pourquoi quand ils viennent vous dire : « L’air, c’est pour nous, et la terre c’est pour nous… » Nous-mêmes, Africains, c’est nous qui sommes en train de nous tuer pour la France par la complicité de nos dirigeants. Sinon, si les gens comprenaient ce que je veux aujourd’hui ; si l’Armée Tchadienne rentre au Tchad, le Togo rentre, la Côte d’Ivoire, vous allez voir que la France ne passera pas la nuit au Mali, je le confirme. Deux jours, ils vont abandonner ici, parce qu’ils ne peuvent pas faire une guerre au Mali, ils ne peuvent pas faire une guerre en Afrique. Même le fait de dire qu’ils ont amené, l’EUTEM, mais non, qu’on se respecte.
Je connais le Mali de Nioro du Sahel en passant par Gogui jusqu’à l’Abézanga. J’ai servi à Tessalit, jusqu’Anderboukane. Est-ce qu’un élément de l’EUTEM peut m’apprendre ce que je dois faire sur mon terrain ? Ce n’est pas vrai ! Si on amène un bataillon français sur le territoire malien, qu’on me donne une compagnie et je vais les attraper. Je vous dis que les jeunes bambaras avec lesquels j’étais en 1991, ils connaissent le terrain souvent mieux que les nordistes, parce que ce sont eux les chauffeurs, les officiers. Donc on a parcouru tout le territoire malien. On sait là où on peut nous attaquer, on sait là où on ne peut pas nous attaquer. Mais quelqu’un qui doit être sur le terrain à Tessalit, on le forme à Koulikoro, mais qu’est-ce que cela signifie ?
L’Occident n’enverrait jamais des officiers importants capables de faire une guerre en Afrique. Ce sont les derniers de nos promotions qu’on envoie. Vous prenez à chaque formation à l’extérieur, que ça soit en Russie, en France, en Allemagne, vous venez trouver que le major est malien ou sénégalais, et c’est ton dernier qui vient t’encadrer ici. Le G5, je l’ai vu échouer depuis sa création, parce que je vous dis que nous, l’Armée malienne, sommes formés, c’est l’Armée la plus disciplinée de la sous-région parce qu’on était sur le terrain avec certains éléments, on les ait vus. Certains s’ils ne gagnent pas leurs primes de bière, ils se révoltent. On a fait le Rwanda, la Centrafrique, j’étais en RCA, au Liberia.
Avec tout cela, tu n’entendras pas qu’il y a eu un cas d’indiscipline dans l’Armée malienne. Et c’est nous qui sommes chaque fois sollicités sur le terrain et nous partons, parce que ce sont nos frères, c’est ce qu’on a à l’esprit, et nous partons pour que la paix revienne chez eux. Donc nous mangeons avec ces gens-là dans le même plat. C’est ce qui ne plaisait pas d’ailleurs à la France, même en Centrafrique, ça s’est passé parce qu’on nous a demandé d’abandonner les jeunes Centrafricains, mais nous avons refusé parce que ce sont nos frères, nous mangeons ensemble. Tu ne peux pas vouloir réconcilier un peuple, pendant qu’étant un de leurs frères tu les renvois en refusant de manger en leur compagnie. C’est ce qui est le conflit entre l’Armée française et l’Armée malienne depuis le temps, jusqu’à nos jours.
De quoi devons-nous nous attendre maintenant face à ce déménagement du G5 Sahel ?
Face à ce déménagement, je crois qu’il y a de bons hôtels à Bamako. Il faut venir bien manger et dormir, écouter la musique, danser. Il y a de belles femmes, sinon je ne vois pas un rendement. Je pensais un jour que le G5 allait pousser vers Gao. Mais il ne peut pas partir, parce que Gao est déjà occupé par la Minusma et une partie de M’Barkhane. Le G5 est venu à Bamako, je ne sais pas pour quel rendement. Ce n’est pas militaire quand même et je suis prêt à affronter n’importe quel officier du G5 sahel pour me dire les raisons qui l’amène ici si ce n’est pour s’amuser. Il n’y a pas quelqu’un qui est venu ici au Mali pour nous aider parmi ces troupes. Et ce que je vais vous dire en plus, tout ce qu’ils sont en train de faire, ils n’ont pas dit la vérité. Ces gens sont venus pour diviser le Mali, c’est pour la partition du Mali. Un Pierre Bouyouya qui a du feu dans son pays, vient se cacher ici à côté des belles femmes, on le voit. Quand il parle, j’ai honte pour lui, car lorsque mon pays se trouve dans le feu, dans le sang, je dois trouver une issue favorable. Donc la seule solution aujourd’hui, ce n’est pas le G5, ce n’est pas le G6 comme je l’appelle parce qu’il y a déjà M’Barkhane, c’est la France, c’est avec les Maliens.
Cette solution, c’est laquelle ?
C’est là où vous nous voyez aujourd’hui, nous sommes aujourd’hui sous Jiriba koro. Ici, nous procédons à la conscientisation des citoyens, la formation psychologique. Moi, mon président de la République c’est le Mali ; mon Assemblée nationale, c’est le Mali, toutes mes institutions, c’est le Mali. Je m’en fous du reste, je ne reconnais personne. Tant qu’ils n’ont pas enlevé ce Mali-là de ce trou, je ne reconnaitrai personne parmi ces gens. Je ne reconnais personne, surtout des gens qui ont pillé, cassé. Jiriba Koro, nous sommes 50, un jour on devient 100 le lendemain, 200, 300, et ce sont des gens qu’on va psychologiquement former. On va les former comme de vrais patriotes. Ces gens que vous voyez, quand ils vont sortir, c’est comme si vous aviez une Armée devant. On n’a pas besoin de prendre des armes pour reconstituer son pays. Mais on demande à ces gens-là qu’il est temps qu’ils contrôlent leur agissement envers les Maliens parce que le Malien n’est pas agressif, il n’est pas barbare, mais le jour où le Malien va se lever, il va libérer ce pays.
Le problème du Mali se trouve entre deux personnes, IBK et Yves Ledrian. Le Mali se trouve entre les mains d’Yves Ledrian, c’est ce qui a fait qu’il a été reconnu ministre des Affaires étrangères. Et son président n’a pas pu avoir un second mandat. C’est signifiant, mais qu’Yves Ledrian mette dans sa tête que celui dont le père a libéré la France, existe encore.
Je suis militaire, je suis là. Le jour où on va se lever, Yves Ledrian va laisser le Mali. Il va le laisser de gré ou de force. Il ne faut pas qu’il croit qu’il n’y a pas de force. Tout ce que vous ne voyez pas, si vous avez vu les élections, je peux vous dire que les cinq millions n’ont pas voté. Qui connait l’intention de ces cinq millions ? On n’a pas besoin de crier, mais on se connait entre nous. On dit « Un Peuple-Un But-Une Foi », je vous demande de ne jamais vous désespérer. Le jour où on va se lever, on va libérer le Mali, même s’il y a mille armées sur cette terre. C’est héréditaire, et je leur lance un défi pour qu’ils fassent attention. On a l’habitude de nous dire qu’on sait quand est-ce que ça commence, mais qu’on ne sait pas quand est-ce que ça va finir. Que la France se soucie des Français qui se trouvent au Mali. Qu’elle sache qu’on est jusqu’à présent dans notre « Diatiguiya », mais quand ces Français nous déclare la guerre, ils vont nous voir.
Fousseni TOGOLA
Bakary Fomba, stagiaire
Source: Le Pays