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Zone des «trois frontières» : Les raisons de la terreur imposée aux populations par des présumés terroristes

Zone de développement au centre d’un gigantesque projet entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, le Liptako-Gourma est devenu aujourd’hui l’épicentre de la violence terroriste imposée aux populations de toute la bande sahélo-saharienne. Une terreur qui cache mal des enjeux géopolitiques et géostratégiques voire une convoitise de ses ressources par la France.

 

«J’affirme et je réaffirme que je serai dans mon tombeau, mais le Liptako-Gourma fera parler de lui. Il en sera ainsi dans un futur plus ou moins éloigné» ! Telle est la prophétie faite par Léopold Kaziendé (un intellectuel du Niger) dans un livre publié à la veille des indépendances et intitulé «Souvenirs d’un enfant de la colonisation».  Une prophétie rappelée par Dr Mohamed Teissa Farma Maïga (conseiller des Affaires étrangères  et expert Sécurité régionale en service au Commissariat à la réforme du secteur de la sécurité/CRSS-PRIMATURE) dans «Défis  sécuritaires et enjeux géopolitiques et géostratégiques au Mali et au sahel». C’était le thème d’une conférence qu’il a animée cette année à l’Ecole nationale de police (cycle de conférences sur  les  défis  et  enjeux  sécuritaires   dans la bande sahelo-saharienne).

«Qui, au Mali, au Burkina Faso et au Niger s’en est soucié ? Quelle autorité a daigné parcourir les pages prophétiques ? Un coup d’œil, une lecture même en diagonale dans un cabinet, un bureau ou un salon de Bamako, de Ouagadougou ou de Niamey auraient peut-être suffi à le conjurer», s’est interrogé le conférencier. La crainte de l’ancien ministre du régime de Hamani Diori était que le Liptako-Gourma ne devienne le «Katanga» pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Une crainte devenue aujourd’hui une triste réalité parce que les populations de la région sont aujourd’hui les otages de ce «conflit de grande amplitude» qui endeuille fréquemment le Liptako-Gourma.

Profitant du chaos créé par la rébellion de janvier et le coup d’Etat de mars 2012, des fondamentalistes religieux et narco-terroristes ont fait leur émergence sur la scène malienne, sous «le prétexte d’instaurer la loi islamique sur l’ensemble du territoire national», a rappelé Dr Mohamed Teissa Farma Maïga dans sa présentation. Faisant de la bande sahélo-saharienne leur sanctuaire, ils y ont intensifié les activités terroristes. Une intensification accentuée par l’apparition de nouveaux groupes dans le Delta central et surtout dans la région du Liptako-Gourma, aujourd’hui appelée zone des «Trois frontières».

Une région qui est aujourd’hui au cœur de toutes les convoitises géostratégiques, notamment de la France qui y avait concentré ces deux dernières années l’essentiel de sa «stratégie» de lutte contre le terrorisme au Sahel. Et même avec le retrait de Barkhane et Takuba du Mali, il est clair que la France n’est pas prête à renoncer à cette zone. C’est pourquoi, les forces mises à la porte par le Mali vont juste franchir la frontière pour s’installer chez Mohamed Bazoum du Niger.

Semer la terreur pour chasser les populations

Aujourd’hui l’insécurité fait rage dans ladite zone parce que, a rappelé le spécialiste de la sécurité régionale, il s’agit d’un «combat de positionnement stratégique pour mieux s’assurer le contrôle des ressources dont regorge cette zone».  Et de poursuivre, «la réponse concrète se trouve dans la guerre contre le terrorisme. Elle est dans l’occupation par des armées étrangères. Elle est dans le meurtre, dans l’assassinat. Elle est dans le déplacement des populations civiles. Elle est dans la mort de plusieurs centaines de soldats». Autrement, la stratégie consiste à faire régner la terreur pour contraindre les populations à migrer sous d’autres cieux plus protecteurs. Ce qui va rendre plus aisé l’exploitation des immenses richesses.

Pour Dr Mohamed T. F. Maïga, Léopold Kaziendé savait que «les richesses minières de la région sont immenses et diversifiées. Il savait que les convoitises extérieures et les complicités intérieures transformeraient la région en brasier, qu’elles en feraient un charnier». Et de souligner, «la France sait, peut-être mieux que nous, ce que contient le Liptako-Gourma». Ancienne puissance coloniale, elle l’a sans doute sondée, prospectée pendant que la région était dans son empire colonial. «Elle y a creusé des trous, des puits et des sillons afin de connaître ses entrailles», a indiqué le conférencier.

Sans compter qu’aujourd’hui, a-t-il souligné, «les nouvelles technologies ont permis de découvrir des minerais insoupçonnés. Mais la France n’est pas seule à savoir. Des puissances étrangères grandes, petites et moyennes savent et veulent leur part de butin. Que l’exploitation des richesses serait aisée si on faisait du Liptako-Gourma une tabula rasa», a-t-il écrit. L’enjeu de cette chasse à l’homme que subissent les habitants, c’est la création d’une zone minière entièrement dévouée à la cession des richesses. C’est pourquoi des mercenaires sont recrutés pour terroriser les populations du Liptako-Gourma, pour les déraciner, les pousser à l’exode, les tuer. «Tout cela concourt au dépeuplement», a déploré Dr Mohamed Teissa Farma Maïga.

L’espoir déçu du G5 Sahel condamné à être une coquille vide

«Au Mali, au Niger et au Burkina Faso, elles vivent quotidiennement le martyr sous les yeux de gouvernements incapables, sous l’œil clos de la communauté internationale», a déploré le conseiller des Affaires étrangères  et expert de Sécurité régionale.

Face à la recrudescence de ces multiples défis, les Chefs d’Etat du G5 Sahel G5 Sahel, réunis le 6 février 2017 à Bamako, ont donné «toute sa dimension à l’appropriation régionale de la lutte contre les menaces sécuritaires persistantes, en terme d’actions, grâce à leur résolution et leur ferme détermination à mutualiser leurs capacités d’anticipation et d’évaluation des défis dans la région, où les risques et vulnérabilités qui affectent notre espace impactent directement la paix et la sécurité internationales», a rappelé l’expert.

Ils ont ainsi convenu, d’une part, de la mise en place dans l’immédiat et l’opérationnalisation rapide de la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), et d’autre part, «la mobilisation des ressources nécessaires pour assurer un développement à long terme de l’espace Sahélien». Autrement, il s’agissait «d’assurer l’accompagnement des opérations militaires et sécuritaires par des actions économiques, culturelles, d’éducation et de dé-radicalisation pour éliminer les causes profondes de l’insécurité».

Mais, ce n’est qu’un secret de polichinelle que le G5 Sahel a du plomb dans l’aile pour mener à bien ses initiatives. Et cela parce que c’est une organisation qui n’a pas les moyens de sa vision. Comme d’ailleurs toutes les autres organisations sous-régionales ou continentales. Malheureusement pour les pays membres, les Etats-Unis bloquent aussi la mobilisation des fonds des Nations unies pour l’appuyer.

Malgré que le G5 Sahel, à travers sa force conjointe, puisse constituer «un rempart face aux risques d’expansion du terrorisme, de la radicalisation et de la criminalité transnationale organisée, vers le reste du monde, particulièrement l’Europe», la communauté internationale tarde toujours à lui apporter tout l’appui financier et logistique requis. Et le soutien affiché par la France n’est que pire hypocrisie parce qu’elle a tout intérêt à ce que cette force ne soit jamais opérationnelle pour contrarier ses desseins au Sahel. D’ailleurs, il était improbable qu’une initiative sécuritaire puisse atteindre sa cible dans la bande sahélo-saharienne en mettant l’Algérie sur la touche. Et aujourd’hui, le Niger pousse son soutien à la politique française dans le Sahel à vouloir dépouiller le G5 Sahel du peu qui lui restait de vitalité.

Pour l’expert, il serait de nos jours, nécessaire d’adopter «une approche intégrée permettant d’intervenir mieux et davantage au Sahel», à court et à long termes. Et, selon lui, cette approche doit être notamment axée sur la mise en place d’un mécanisme de financement prévisible et durable pour la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S) ; et l’accélération de la mise en œuvre des stratégies nationales, régionales et internationales de développement intégré en vue de produire des changements rapides, visibles et mesurables au niveau local.

Mais, il est clair que rien de tout cela ne sera possible tant qu’on ne réussi pas à soustraire cette zone des griffes de la France et ses alliés. Ce qui n’est pas évident avec  la posture affichée par le Niger de Léopold Kaziendé (Niger) dans le Sahel.

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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