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Vulgarisation de la santé sexuelle et reproductive sur les sites des déplacés : Le poids des pesanteurs socioculturelles

La santé sexuelle et reproductive est devenue une préoccupation majeure dans la politique nationale sanitaire au Mali. Les services du planning familial sont disponibles pour toutes et tous (femmes, hommes, adolescents et jeunes, célibataires et mariées…). Cependant, l’accès à ces services pour les adolescentes et jeunes filles se heurte aux nombreuses difficultés d’ordre socioculturel dans la société malienne en général et en particulier sur les sites des déplacés internes à Bamako. A Faladiè, il y a 203 femmes et au centre Mabilé, 83 femmes.

 

 Depuis 2012, le Mali traverse une crise multidimensionnelle. L’une des conséquences est sans nul doute le besoin croissant des jeunes femmes des sites des déplacés internes à Bamako en matière de planification familiale. Des populations ont dû quitter leur terroir, et surtout des infrastructures de santé sexuelle et reproductive (SSR).

Il ressort d’une étude du Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa) que la crise malienne a un impact sur la santé, les droits sexuels et la procréation des adolescents. Elle a entrainé d’importantes violations des droits humains, notamment des droits des filles et femmes et une paralysie des institutions qui a mis à l’arrêt la mise en œuvre de plusieurs programmes dont certains portent sur la santé et droits sexuels des adolescentes et adolescents. Et cela, malgré que le Mali dispose d’un nombre significatif de programmes, plans et politiques avec l’accompagnement de la société civile et des partenaires techniques et financiers dans le cadre sur la santé des jeunes et des adolescents. Mais ils ne sont pas toujours adaptés à certaines catégories d’adolescentes, notamment celles en situation de vulnérabilité comme les femmes déplacées à cause de la crise sécuritaire. L’engagement du Mali se traduit depuis plusieurs décennies sur le plan législatif par la ratification de nombreuses conventions et chartes internationales relatives aux droits et à la santé de la procréation.

Au niveau national, le gouvernement a promulgué et adopté plusieurs lois ou textes pour assurer l’application des conventions internationales. Mais la législation malienne reste faiblement harmonisée avec les textes internationaux relatifs aux droits humains et les pesanteurs socioculturelles qui entravent l’accès des jeunes filles et femmes aux services de santé sexuelle et reproductive plus singulièrement la planification familiale pour les personnes déplacées internes.

Pour mieux comprendre la faible adhésion des femmes déplacées à la démarche des structures de santé pour la vulgarisation de la planification familiale, nous sommes allés à la rencontre de certaines femmes sur les sites de Faladiè Garbal et du centre Mabilé sous la conduite du coordinateur des sites des déplacés de Bamako, Tiémoko Traoré.

Si le gouvernement a pris des dispositions pour la prise en charge de la santé des personnes déplacées à travers l’inscription des ménages au régime d’assistance médicale, force est de constater qu’il n’existe pas un volet spécifique sur la santé sexuelle et de la reproduction. « Certes, il n’y a pas de politique particulière pour la planification familiale, mais lors de la campagne de la santé sexuelle et de la reproduction, les organisateurs ont pris en compte le cas des femmes déplacées. Ainsi, ils ont organisé des journées de sensibilisation par rapport à la planification familiale. Malgré cette inefficacité pour la PF, à notre niveau, nous avons compris la nécessité d’engager des animateurs pour sensibiliser les femmes », a-t-il expliqué.

L’interlocuteur du jour regrette la méfiance des femmes vis-à-vis de la planification familiale malgré les multiples efforts dans le cadre de la sensibilisation.  Il justifie cette méfiance par un certain nombre de facteurs. Il s’agit notamment des difficultés d’ordre socioculturelles et économiques. Selon lui, il est très difficile obtenir facilement l’adhésion de ces femmes à la planification familiale. Donc, la problématique du changement de comportement reste entière au niveau des sites des déplacés. « Imaginer des gens qui quittent la brousse pour venir directement Bamako ! Donc, il y a beaucoup de dimensions qui leur échappent, même la simple vaccination à plus forte raison la planification familiale. Lors des causeries avec les animateurs, certaines femmes indiquent clairement que la planification familiale est contraire aux recommandations de la religion.  Selon elles, la naissance est la volonté de Dieu. Donc, toute pratique qui entrave cette volonté n’est pas acceptable dans la religion musulmane. Nous faisons face à des obstacles socioculturels. Donc, il nous faut du temps pour les amener à un changement de comportement. Malgré cette situation, les résultats se font sentir sur le terrain. Il y a de plus en plus des jeunes filles qui se cachent pour demander les services de la planification familiale. Face à cette situation, nous avons trouvé une solution malgré la barrière du langage. Chaque mois, les Cscom viennent sur les sites et proposent des services. Il s’agit des consultations prénatales, des vaccinations et différentes méthodes de planification familiale », a-t-il laissé notifier.

A la suite du coordinateur, nous avons rencontré sur le site du centre Mabilé, une mère de famille de cinq (5) enfants qui confirme sans détour les propos du Coordinateur. Issare Dembélé vient du cercle de Koro, elle est pensionnaire du centre Mabilé depuis 4 ans à cause de la crise sécuritaire. « Quand j’étais à Koro, dans notre ville, je ne connaissais pas la planification familiale. C’est à Bamako qu’on m’en a parlé. Depuis ma première fois avec les agents de la santé, j’ai décidé sans informer mon mari d’adopter la méthode de la contraception. Ils viennent sur le site et mettent les produits à notre disposition. Mais il faut comprendre qu’il n’est pas facile de s’afficher à cause des pensées. Dans notre société, la planification familiale est très mal perçue ».

Abondant dans le même sens, Aminata Konta, déplacée venue de Bankass et mère d’un petit garçon, s’est confiée : « Quand j’étais à Bankass, je ne pratiquais pas le planning car l’accès à l’hôpital n’était pas facile, mais depuis que nous sommes venus, les agents viennent nous informer, nous sensibiliser et l’accès aux produits est devenu facile car on nous l’offre pour l’utiliser afin que la mortalité infantile et maternelle diminue en espaçant les naissances. Le plus important aujourd’hui, c’est d’amener les hommes à comprendre que les méthodes de la contraception ne sont pas contraires aux principes de la religion et cela dans le souci de réduire les obstacles socioculturels et les mauvaises perceptions de la société ».

Mme Yalcouye Awa Guindo, Présidente nationale de l’Association des sages-femmes du Mali a expliqué que la seule stratégie qui peut éviter à une femme de tomber en état de grossesse étant jeune, est la planification familiale. « Quand une femme donne naissance chaque année, cela n’est pas bon pour sa santé », dit-elle. Les multiples grossesses fatiguent l’utérus et jouent sur la santé des enfants. Selon elle, le seul moyen et la seule stratégie qui a montré son efficacité à diminuer la mortalité maternelle de 30%, est la planification familiale. « Quand il y a 100 décès maternels, les 30% peuvent être évités par la planification familiale en rendant surtout l’accès facile aux différents produits de contraception à la portée de la population surtout pour les femmes déplacées », a expliqué la présidente nationale de l’Association des sages-femmes du Mali.

Des progrès restent à réaliser en ce qui concerne l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive. Surtout suite à une période d’instabilité politique et du fait du manque de ressources financières et humaines.

Nouhoum DICKO

“Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains en partenariat avec FIT, WILDAF Mali et la Coalition des OSC pour la Planification Familiale “.

Source : L’Alerte

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