D’après plusieurs médias de Niamey, le Niger aurait libéré des prisonniers pour faciliter la libération des otages détenus dans le nord du Mali.
Quelles seront les conséquences sur les pays voisins du Mali de la libération de deux cents terroristes en échange de l’humanitaire franco-suisse Sophie Pétronin, de l’homme politique malien Soumaïla Cissé et des deux Italiens Pierluigi Maccalli et Nicola Chiacchio ? Une semaine après les faits, la question n’en finit pas d’agiter les esprits, alors même que la France se retrouve une nouvelle fois endeuillée par un attentat terroriste.
D’après plusieurs médias de Niamey, le Niger aurait libéré certains prisonniers pour faciliter la libération des otages détenus dans le nord du Mali par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), la principale alliance djihadiste au Sahel liée à Al-Qaida. Joint par Le Monde Afrique, le ministre nigérien de la justice Amadou Marou nie en bloc : « Le Niger n’a rien donné et aucun présumé terroriste n’a quitté les prisons nigériennes. »
Son pays, ajoute-t-il, aurait également évité ce genre de chantage en juin, lors de l’enlèvement dans le département de Torodi près de la frontière du Burkina Faso, de plusieurs membres de l’ONG APIS, un partenaire du Programme alimentaire mondial (PAM), par des hommes à moto. Les neuf humanitaires locaux avaient été libérés une semaine plus tard sans que l’on sache dans quelles conditions.
Interrogé le 12 octobre par France 24 sur l’échange qui s’est tenu au Mali, le président nigérien Mahamadou Issoufou a rappelé qu’il n’y avait jamais de « solution idéale » dans les affaires d’otages. « Ceux qui ont négocié cette libération ne peuvent qu’être félicités pour l’avoir obtenue », a-t-il estimé.
« Niamey encerclée par des groupes terroristes »
Une réaction qui est loin de faire l’unanimité au sein de l’opinion publique nigérienne. Dénonçant un « échange très déséquilibré », Moussa Tchangari, de l’ONG Alternative Espaces Citoyens (AEC), souligne que la position du gouvernement malien n’aurait sans doute pas été la même si les otages avaient été des soldats et non le chef de file de l’opposition et des Occidentaux.
Dans les rangs des forces de sécurité nigériennes, on craint également que ces libérations contribuent un peu plus à déstabiliser un pays secoué, en juin, par l’assassinat de six Français de l’organisation Acted, de leur guide et de leur chauffeur à 60 kilomètres de Niamey, dans le parc de Kouré. Un massacre revendiqué le 17 septembre par l’organisation Etat islamique. La réserve, qui abrite les dernières girafes sauvages de l’Afrique de l’Ouest, était réputée sûre. Elle a depuis été classée par les autorités françaises en zone rouge. Tout le Niger, à l’exception de la capitale, est désormais « formellement déconseillé ».
« Niamey est encerclée par des groupes armés terroristes. Et ces libérations au Mali, apparemment mal négociées au vu du nombre et de la dangerosité de certains présumés terroristes élargis, risquent de coûter cher à des pays comme le Niger », indique un officier de police qui a préféré garder l’anonymat.
« C’est une fâcheuse jurisprudence. Il faut s’attendre dans les prochains mois à des actions des groupes armés, et cela d’autant plus qu’ils sont revigorés par la libération de plusieurs d’entre eux et qu’ils ont de quoi se procurer du matériel de guerre avec l’argent qu’ils auraient perçu », renchérit pour sa part un haut gradé de l’armée nigérienne.
Une analyse qui éclaire le mal-être existant au sein des armées des pays du G5 Sahel qui se savent pertinemment « fragiles » face aux djihadistes, alors qu’elles sont chaque jour en première ligne et que les pays occidentaux aimeraient les voir prendre davantage de responsabilité dans la lutte antiterroriste.