C’est d’abord un courrier officiel qui a fuité le mardi 12 septembre. Adressé aux directions régionales des affaires culturelles, il avait pour objet “Instruction MEAE [ministère de l’Europe et des Affaires étrangères] sur coopération au Mali-Niger-Burkina Faso”. Le site L’Événement Niger publie un extrait du contenu : “Tous les projets de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception.”
Dégradations en cascade
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont tous les trois connu de récents coups d’État. Et les autorités de transition ont réclamé le départ des forces françaises, auparavant alliées à leurs forces armées dans la lutte contre l’insurrection djihadiste. Depuis, les relations diplomatiques avec l’ancienne puissance coloniale se sont “[dégradées] en cascade”, selon L’Événement Niger.
Après la suspension de l’aide publique au développement, de l’appui budgétaire, voici donc la coopération culturelle ciblée. “Cette décision implique aussi la suspension de la délivrance de visas à ces pays sahéliens”, ajoute le média, qui cite un autre passage de la directive : “La France ne délivre plus de visas pour les ressortissants de ces trois pays sans aucune exception, et ce jusqu’à nouvel ordre.”
“Les artistes du Niger, du Burkina et du Mali ‘boycottés’ en France ? Inacceptable”, titre le site ivoirien Koaci. Peu après avoir été révélée dans la presse, cette “décision incomprise dans les milieux artistiques français” a suscité l’indignation. Ce média cite le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, “qui a dénoncé un message au ton comminatoire”, ou Aurélie Filippetti, directrice des affaires culturelles de la Ville de Paris, qui a évoqué “une décision scandaleuse et aberrante”.
Alors que de nombreux acteurs culturels sont montés au créneau, le président Macron a réagi vendredi 15 septembre : “Lorsqu’on dit qu’il n’y aura pas de visa ou qu’on annule tous les événements qui seraient faits en France avec tous les artistes venant du Burkina Faso, du Mali ou du Niger, c’est faux, ça ne se passera pas… La vocation de la France, c’est d’accueillir les artistes, les intellectuels, et de pouvoir justement les faire rayonner en toute liberté”, cite Le Faso. Une marche arrière ?
Une affaire personnelle ?
Dans un éditorial intitulé “Échec militaire suivi de conflits diplomatiques”, Le Faso analyse ces passes d’armes entre Paris et les juntes au pouvoir au Sahel :
“Le président français semble en faire une affaire personnelle et a pris des décisions plus irrationnelles les unes que les autres.”
Plus largement, estime-t-il, chacune de ces parties a versé “dans le registre des relations sentimentales. Suspension des vols d’Air France d’un côté, annulations des autorisations d’Air France de l’autre. Arrêt de la coopération budgétaire et des visas et même des adoptions d’enfants par la France. Côté Burkina, une décision d’expulsion du chef de la coopération militaire pour activités subversives vient s’ajouter au tableau.”
Autant de décisions, qui à l’instar de la suspension de la coopération culturelle, brouillent le message auprès des populations, “qui pensent que la France ne soutient pas les peuples, mais ses hommes, ses amis qui, au pouvoir, travailleraient pour [elle].”