Dans un contexte où les facteurs endogènes et exogènes menacent l’approvisionnement du pays, le Gouvernement engage de vigoureuses mesures de mitigation pour rendre accessibles aux consommateurs les prix des denrées de grande consommation. Quels sont les boulets que traîne le pays ? Quelle est la situation des stocks disponibles auprès des principaux importateurs ? Quel est le plan de riposte des autorités de la Transition ? Le ministre de l’industrie et du Commerce, Mahmoud Ould MOHAMED, apporte des réponses.
C’est une promesse faite lors de sa conférence de presse du 10 septembre 2021 de rencontrer régulièrement la presse pour faire le point de l’état d’approvisionnement du pays en produits de première nécessité et présenter l’évolution des prix à la consommation. Promesse tenue puisque le ministre Ould MOHAMED était de nouveau face à la presse, ce vendredi 5 novembre, pour informer les populations et tordre le cou aux rumeurs qui sont charriées par des plateformes et les réseaux sociaux.
Les hypothèques sur l’approvisionnement
Nonobstant la mise en œuvre d’une agressive campagne de manipulation tendancieuse, souvent perverse ayant pour fonds de commerce le comportement du marché, les autorités ne peuvent faire l’insulte à l’intelligence des Maliens de nier l’existence de facteurs endogènes et exogènes qui menacent l’approvisionnement de notre pays.
Ainsi, au plan national, diagnostiquent les sources autorisées, la persistance des conflits communautaires en plusieurs endroits du centre et du nord du pays perturbe les circuits commerciaux intérieurs.
«Cette situation couplées à la baisse de la pluviométrie ou son arrêt précoce par endroit, laisse planer de fortes incertitudes dans l’atteinte des objectifs de la campagne agricole en cours en termes de disponibilité alimentaire ».
Les mêmes sources pointent du doigt le fait que les offres de céréales sur les marchés ruraux suivis par l’Observatoire du Marché Agricole (OMA) suffisent à peine à couvrir les demandes des collecteurs et des marchands en ce début de démarrage des récoles.
En ce qui est des facteurs exogènes, souligne-t-on, notre pays importe 70% de ses besoins alimentaires. Ce qui le rend vulnérable aux perturbations du marché international.
L’on explique que la reprise des activités économiques, après une année 2020 marquée par l’adoption par plusieurs pays de mesures de riposte visant à contenir la pandémie du COVID-19, se caractérise par une forte demande mondiale des produits de base créant une vive tension sur les prix mondiaux des matières premières.
La situation des stocks
Sur le plan des stocks disponibles auprès des principaux importateurs, le ministre de l’Industrie et du commerce ne s’inscrit ni dans le négationnisme ni dans le révisionnisme. Il présente le tableau suivant : 50 000 tonnes de riz ; 33 000 tonnes de sucre ; 6 000 tonnes de lait et 8 000 tonnes d’huile alimentaire ne couvrant respectivement que 17, 58, 60 et 20 jours de consommation nationale.
Il rappelle que nonobstant l’adoption par le Gouvernement de transition de mesures d’incitation fiscales au cordon douanier en réponse aux effets du COVID-19, les opérateurs économiques retenus n’arrivent pas à effectuer à souhait leurs transactions commerciales en raison de la rareté des conteneurs, du renchérissement des prix des denrées sur le marché international et des frais maritimes et logistiques.
Ceci expliquant cela, nous apprend-on, les importations effectuées durant les trois premiers trimestres de 2021 ne correspondent qu’à quatre, dix, sept et trois mois de consommation nationale respectivement de riz, de sucre, d’huile alimentaire et de lait.
Mais, il y a d’autres écueils à traverser.
La dictature des cours mondiaux
Notre pays étant importateur à 70% de ses besoins alimentaires, subit forcément la loi des cours mondiaux qui connaissent une vive tension. Ceci s’explique, selon le responsable départemental, par le fait que l’inadéquation entre la forte demande mondiale de base et l’offre mondiale qui stagne couplée au renchérissement du coût du fret maritime et de la logistique (indisponibilité des bateaux, raréfaction des conteneurs) engendre l’augmentation de leurs cours mondiaux.
Ainsi, dévoile-t-on, le cours du sucre s’établit à 502,2 dollars la tonne, en hausse de 12% par rapport au mois de juillet 2021. Celui de l’huile alimentaire est à 1 256 dollars la tonne soit une augmentation de 21% comparativement à son niveau de juillet 2021.
Le blé, le riz, tout comme l’huile alimentaire et le sucre connaissent des hausses de 33,13% et 4% par rapport à l’année passée culminant respectivement à 278,250 euros la tonne et 360 dollars la tonne.
Le Gouvernement qui n’est pas dans le déni, confesse que des tensions sont perceptibles sur les marchés couverts par les services techniques du ministère de l’Industrie et du commerce avec des prix des produits de première nécessité relevés, au cours de la semaine du 18 au 24 octobre, en hausse par rapport à l’année dernière, à l’exception du sorgho et du lait en poudre, dont les prix sont restés pratiquement stables.
Ces prix, rapporte-t-on, sont également en hausse par rapport au mois passé sauf ceux de l’aliment bétail et du lait en poudre qui sont pratiquement stables.
Mais, fait-on savoir, depuis la suspension des opérations d’abattage subventionnés, la viande avec os est cédée 2 800 et 3 000 FCFA/kg sur les marchés de Bamako et de Kati soit leur niveau d’avant subvention.
Un autre point lumineux au milieu de ce paysage sombre, les matériaux de construction connaissent une tendance générale à la baisse. Ainsi, le ciment qui était vendu à 120 000 FCFA durant le premier trimestre de 2021 est cédé aujourd’hui à 90 000 FCFA la tonne soit une baisse de 25%.
De même, les barres de fer à béton de 6, 10 et de 12 mm de diamètre qui étaient vendues à 750, 2 150, et 3 150 FCFA reviennent respectivement à 600, 1 850, 2 850 FCFA.
Des prouesses prodigieuses
Comme on peut le constater aisément, cette situation qui affecte tous les pays du monde, qu’ils soient développés ou en développement, globalement, n’est guère reluisante.
Pour autant, notre pays réussit la prouesse de ne pas être le dernier de la classe en matière de prix ; bien au contraire. En effet, expose une source autorisée, nonobstant l’enclavement du Mali et son contexte sociopolitique difficile, la plupart des produits de première nécessité coûtent moins cher comparativement à certains pays de la sous-région souvent largement avantagés par la nature. L’on en veut pour preuve : le sucre qui coûte 500 FCFA/Kg chez nous est vendu à 700, voire 800 FCFA dans des pays où transitent nos importations (y compris de sucre).
Selon la même source, il en est de même pour le riz brisure, l’huile alimentaire, le carburant, les matériaux de construction, la pomme de terre, les céréales sèches, etc.
Cette prouesse exceptionnelle n’est pas le fruit du hasard comme on peut le subodorer. Elle s’explique, fait-on savoir, par les efforts financiers considérables de l’Etat malien en termes d’abandon des droits et taxes au cordon douanier. Ce qui n’est pas souvent sans provoquer les grincements des dents de nos partenaires techniques et financiers qui y voit un paradoxe pour un pays qui a plutôt besoin de ressources financières. Qu’à cela ne tienne, c’est un choix assumé des autorités de la Transition.
Le soutien au pouvoir d’achat
Dans la même lancée et pour amortir les tensions des cours mondiaux qui ont un impact direct et retentissant sur un pays en grande partie tributaire des importations comme le nôtre, les autorités de la Transition poursuivent la mise en œuvre des mesures d’atténuation et de soutien au pouvoir d’achat des populations.
Parmi ces mesures, cite-t-on, au plan commercial : la détermination du prix plafond du sucre dans le cadre du programme de jumelage ; la fixation des prix indicatifs plafonds du riz non parfumé et de l’huile alimentaire en exécution du programme de réduction de la base taxable de 50% au cordon douanier ; l’application des prix consensuels du pain, de la farine boulangère et du ciment à travers la signature de protocoles d’accord ; l’homologation du prix des hydrocarbures par un mécanisme de prise en charge du différentiel de coût de revient du gaz butane et de modulation du taux de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP) et de la valeur en douane des hydrocarbures ; la négociation des marges des grossistes ; la surveillance du marché pour faire respecter les prix convenus.
Quant aux mesures sociales, détaille-t-on, elles portent sur : la distribution de vivres et d’aliments bétails ; le transfert monétaire ; le financement des travaux à haute intensité de main d’œuvre ; le financement des activités génératrices de revenus ; l’augmentation des salaires ; les reformes des pensions de retraite.
Pour ce qui est du cas spécifique de la filière farine/pain qui a connu des perturbations suite à la déclaration unilatérale d’un syndicat de se libérer de ses engagements du Protocole d’accord du 30 mars 2021 fixant le prix consensuel du pain à 250 FCFA pour le pain de 300g et 125 FCFA pour celui de 150 FCFA, tout était rentré dans l’ordre a assuré le ministre Ould MOHAMED. Le dossier étant doublement géré par la prise de mesures de représailles pour maintenir l’ordre commercial et faire respecter les prix consensuels fixés et la mise en place d’un Cadre de concertation auprès du Département de l’Industrie.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : Info-Matin