Un gilet pare-balles sur lui et une Kalachnikov à la main, le ministre de la Sécurité burkinabé, Simon Compaoré, est allé rendre visite à un député démissionnaire du parti de l’opposition. Dans une vidéo ubuesque, le ministre promet de les “protéger”. Pour certains internautes, ces images attesteraient d’une possible collusion entre les frondeurs et le parti au pouvoir.
Début octobre, 13 députés membre du principal parti d’opposition burkinabé, l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), ont annoncé leur retrait du groupe parlementaire du parti à l’Assemblée nationale. Tout en restant encartés à l’UPC, ils souhaitent créer leur propre groupe. Mais au sein du parti, cette fronde fait grincer des dents. Les militants de la base réclament depuis plusieurs semaines leur démission, quitte à se rendre chez eux pour les menacer.
Il n’en fallait pas plus pour que le ministre de la Sécurité Simon Compaoré décide de prendre les choses en main. Dans une vidéo publiée mardi 24 octobre sur Facebook, le ministre, vêtu d’un gilet pare-balles et tenant nonchalamment une Kalachnikov à bout de bras, apparaît au domicile de Ladji Coulibaly, l’un des députés frondeurs qui a vu des manifestants débarqués chez lui. “On va les chicoter”, promet le ministre.
Le député acquiesce et renchérit : “Ils disent que dans 72 heures ils (les militants opposés à sa démission) viendront brûler mon domicile”. “Vous me voyez là, est-ce que j’ai l’air de plaisanter ? On sera là, vous serez protégés”, tente de rassurer Simon Compaoré, ajoutant que même “Zéphirin (le président de l’UPC) sera convoqué […] parce qu’il ne peut pas dire qu’il n’est pas au courant”.
Qui est à l’origine de la fuite ?
Si les images ont fait rire beaucoup d’internautes, d’autres se sont demandés comment un telle vidéo pouvait se retrouver sur Facebook. Les premières occurences de cette vidéo ont été publiées par des internautes favorables à Zéphirin Diabre, l’actuel président de l’UPC. Ces derniers multiplient les messages dénonçant les “traitres” qui ont démissionné de leur groupe parlementaire.
En légende des vidéos, ils assurent que la scène remonte au 8 octobre dernier, aux environs de 23 heures. Ils présentent par ailleurs la vidéo en indiquant que “Simon Compaoré promet d’emprisonner ‘Zeph’ pour protéger les traitres”.
“On peut se poser des questions sur l’entourage du ministre”
Plusieurs utilisateurs du réseau social ont ensuite repris la vidéo, taxant Simon Compaoré de “plaisantin” ou “d’incompétent”. “Qui dans l’entourage du Ministre le trahit pour rendre publique une telle conversation qui, en temps normal, devrait être classée secret défense ?”, s’étonne l’un d’entre eux.
Notre Observateur Clément Bassolé, digital marketing manager pour une entreprise à Ougadougou, lui non plus ne cache pas son inquiétude :
Je pense que c’est grave pour le Burkina Faso. La polémique n’arrange pas du tout le président, surtout étant donné le climat social qui est très tendu. Comment cette vidéo s’est retrouvée sur la toile ? Qui a filmé ? Un proche de la famille ? Quelqu’un de la sécurité du ministre ? L’anonymat de la famille est violé par cette vidéo. Si c’est un proche du ministre, on peut se poser des questions quant à sa qualité et douter de la confidentialité des informations qui doivent circuler à ce niveau ! Par ailleurs, pendant qu’on perd des hommes chaque semaine au nord du pays et que les forces de défense et de sécurité se plaignent d’un manque de matériel adéquat pour lutter contre le terrorisme, notre ministre de la sécurité se comporte de la sorte.
La vidéo a été diffusée alors que le “forum national pour la sécurité du Burkina Faso” vient de s’ouvrir. Cet événement doit permettre de “proposer des solutions structurantes et efficaces pour lutter contre l’insécurité” dans le pays. Simon Compaoré doit participer à ce forum. Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, le minsitre n’a pas donné suite à nos sollicitations. Nous publierons sa réaction si celle-ci nous parvient.