Dans ce billet, le blogueur Sagaïdou Bilal interpelle le gouvernement au sujet de la mise en œuvre, dans des conditions difficiles, du système Licence-Master-Doctorat dans les universités publiques du Mali, déjà engluées dans l’entonnoir de nombreux problèmes.
Le système LMD (Licence-Master-Doctorat) donne la possibilité aux étudiants de pouvoir faire des études universitaires jusqu’au cycle doctoral sur place, sans être obligés de partir à l’extérieur. Mais il semble ne pas être bien appliqué dans nos universités pour des raisons diverses liées également aux problèmes que notre enseignement supérieur connait depuis des années.
«Malgré l’entrée dans le LMD, les problèmes de l’enseignement supérieur demeurent, car l’État n’a pas mis les moyens financiers devant couvrir les dépenses liées aux séminaires de relecture de programme, au paiement des heures supplémentaires, à l’achat de la documentation, explique Bréma Ely Dicko, chef du département socio-anthropologie de la Faculté des Sciences Humaines et des Sciences de l’Éducation (FSHSE). L’absence de bibliothèque universitaire, de centres de ressources, le déficit en personnel enseignant, la violence de l’AEEM demeurent un goulot d’étranglement.»
Un pied dans le LMD et un autre dans l’ancien système
Pourtant, pour de nombreux acteurs de l’enseignement supérieur au Mali, cette réforme permettant d’adapter l’offre de formation est irréversible. Si dans l’ancien système, les programmes sont exécutés sur une année académique pour chaque niveau d’études, et sanctionnés par des examens de fin d’année, souvent organisés de façon normale ou arrangée, ce n’est pas le cas pour le LMD. Pour la simple raison qu’il n’y a pas de possibilité d’organiser des examens sans avoir épuisé le semestre. Mais, comme toutes les conditions ne sont pas réunies pour permettre sa bonne exécution, nous avons tendance à avoir encore un pied dans l’ancien et l’autre dans le nouveau.
Tout se passe comme si c’est le LMD qui doit s’adapter à l’enseignement supérieur public malien et non celui-ci au LMD. Cette impression amène à se demander souvent si le passage du système classique au système LMD est réussi. Outre les impressions recueillies de part et d’autre, la tendance reste la même, dans un petit sondage réalisé à partir de mon compte Facebook durant 72 heures. A la question : « Le passage du système classique au système LMD dans les universités publiques maliennes est-il réussi ? », 31% ont répondu « oui » contre 69% sur un total de 160 votants. Toutes choses qui donnent à comprendre que les conditions d’application du système laissent à désirer. Il nous faut un LMD aux standards internationaux et non un LMD à la malienne.
Les étudiants en mode victime
Ce système met l’étudiant au centre de la formation et sa présence dans la classe est obligatoire, ainsi que celle du professeur dont le rôle se résume à celui de soutien pour l’étudiant dans ses recherches. «C’est un système un peu fatigant pour les étudiants, mais ça les pousse à travailler, à faire des recherches. Il permet à l’étudiant de passer de la théorie à la pratique», témoigne Kadiatou Sow, titulaire d’une licence à la faculté d’histoire et de géographie.
Pire, on nous dit que ce système est venu pour réduire les taux d’échec des étudiants. Or, voilà comment cela se passe dans certains cas : on peut passer d’une classe à une autre avec des unités d’enseignement non validées, mais le diplôme ne peut être obtenu tant qu’elles ne sont pas «remboursées». Ce faisant, on peut passer plusieurs années à la fac et sur la licence seulement et partir un jour sans obtenir le diplôme, je ne trouve pas cela intéressant.
L’État défaillant
Un autre cas : c’est qu’à partir de la licence, l’État ne prend plus les études en charge et ne donne même pas de subventions aux facultés pour les cycles suivants. Ce qui fait que beaucoup n’ayant pas les moyens de poursuivre leurs études, se voient dans l’obligation de partir chercher de l’argent en espérant l’obtenir pour reprendre un jour.
Une situation déplorable décriée par plus d’un étudiant. «Ce que je ne comprends pas, on dit LMD et on nous oblige à payer pour pouvoir continuer en Master. Or l’État doit le prendre en charge», se désole Fatoumata Synio Traoré, étudiante en licence 3 en droit privé à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako.
Le plus grave, c’est que les titulaires d’un diplôme de licence en LMD ne peuvent prendre part à un concours des collectivités, ni de la fonction publique. En guise d’exemple, lors du récent concours d’entrée à la collectivité territoriale, option enseignement secondaire général et normal, ce sont les titulaires d’une maîtrise ou master de l’École normale supérieure ou tout autre master qui étaient habilités à concourir pour devenir enseignants dans des domaines telles que la philosophie, l’histoire et la géographie.
Pour ma part, je ne trouve pas que le LMD en tant que tel soit mauvais. Mais, quand les conditions pour sa bonne application font défaut, il y a lieu de le remettre en question. Donc j’encourage et interpelle le gouvernement à œuvrer davantage pour permettre aux uns et aux autres d’avoir un LMD digne de ce nom dans nos universités et grandes écoles publiques, comme c’est le cas dans les universités privées.
Benbere
L’Express de Bamako