La nouvelle d’essais vaccinaux appelés en termes scientifiques “injections de produits méconnus à des innocents maliens” suscite beaucoup d’interrogations et de craintes au Mali. Depuis la réception en grande pompe des 40.000 doses d’un supposé vaccin par la ministre de la Santé et du Développement social, Diéminatou Sangaré, l’opinion nationale se demande ce qui se passe désormais au Mali où des vaccins expérimentaux destinés à un centre privé (Centre de développement des vaccins de Samba Sow) sont réceptionnés par les autorités publiques ? Qui paye pour ces essais vaccinaux et pour le compte de qui ?
En parlant d’essais vaccinaux, les autorités contribuent à semer le doute dans la tête des populations qui ont toujours eu peur que les grands groupes pharmaceutiques ne ciblent particulièrement le continent africain pour y essayer des vaccins contre cette maladie du siècle, l’épidémie liée au coronavirus, qui n’a pas fini de faire parler d’elle dans le monde. C’est d’autant plus effroyable que cette course pour le vaccin anti-Covid19, dans laquelle se sont lancés les plus grands laboratoires du monde, arrive à un moment où bien des certitudes de départ sur cette épidémie se sont révélées fausses. On a trop tergiversé, épilogué, chacun racontant n’importe quoi, de sorte que, finalement, le doute s’est installé chez bon nombre de Maliens concernant l’existence même de cette maladie.
Si dans ces conditions, les Maliens sont frileux quant à la vaccination contre la Covid-19, l’heure est à la production de messages pour les rassurer qu’aucun danger ne les guette en allant se faire inoculer la dose vaccinale parce que les vaccins sont surs et certifiés. La communication des autorités sanitaires devait donc être construite autour de la fiabilité des vaccins pour espérer obtenir l’adhésion des populations.
Mais voilà que c’est le contraire qui se produit. Pendant que des efforts sont déployés pour convaincre les Maliens d’aller se faire vacciner, une des voix les plus autorisées de la Santé publique du Mali, notamment celle de la ministre de la Santé, annonce que le Mali est le premier pays africain choisi par l’Oms pour un essai vaccinal avec 40.000 doses. En termes clairs, parmi ceux qui seront vaccinés, 40 000 ne sont que des cobayes d’un essai vaccinal.
Que cherche-t-on dans cet engagement du Mali à fournir 40 000 cobayes d’un vaccin anti-Covid ? Cela revient à deux questions essentielles : Qui paye pour ces essais vaccinaux et pour le compte de qui ? Difficile de penser que le Mali, en bon samaritain du monde, accepte d’exposer gratuitement sa population à un essai vaccinal, surtout dans le contexte actuel où, sincèrement, les autorités ont d’autres priorités. Nous invitons les autorités à se saisir de ce dossier pour comprendre le fonds parce qu’il y a un besoin urgent de transparence si tant encore la Transition continue d’en faire son crédo.
Dans les milieux médicaux et scientifiques du Mali, on se demande si ces vaccins ont suivi le circuit national de validation parce qu’ils n’auraient été validés ni par le Comité national d’éthique ni par le Comité scientifique en charge de la covid19. Des doses purement et simplement importées ! Ces milieux sont alors en droit de se demander pourquoi la ministre de la Santé et Samba Sow veulent-ils essayer des vaccins méconnus sur les Maliens qui ont déjà suffisamment de problèmes à gérer par ces temps qui courent ?
Allons-nous nous laisser distraire par des choses moins importantes pendant que le pays est en guerre ? Les urgences doivent constituer nos priorités ! Il suffit de faire un tour dans les structures de santé pour savoir que la ministre de la Santé a des dossiers plus importants à gérer que de se laisser divertir par cette affaire d’essai vaccinal dans laquelle elle a tout simplement été embarquée par un soi-disant Professeur qui dit faire des recherches depuis plus de deux décennies, sans jamais encore présenter aux Maliens des résultats tangibles. Alors que, si dans les structures de santé, le sang de nos patients est prélevé au nom de la recherche, les résultats doivent être communiqués pour que les Maliens puissent être fiers d’avoir donné leur sang utilement.
L’hôpital du Point G est en grève depuis des semaines, le personnel de Gabriel Touré manque du minimum ; la prise en charge de la femme et de l’enfant souffre énormément dans le système de santé et beaucoup d’efforts sont à déployer à ce niveau ; les intrants de soins, notamment les médicaments font défaut, en plus de l’absence d’une gouvernance vertueuse à plusieurs niveaux du système de santé, comme en témoignent les appareils et outils (scanners et autres) payés à coût de milliards de nos francs pour devenir des pièces de musée, au bout de seulement quelques semaines de fonctionnement.
Comment envisager une vaccination autre que celle normale dans la situation actuelle du pays ? Depuis quelques jours, nous avons lu sur le site du CVD que les gens devant se soumettre à cette vaccination étrange (essai vaccinal covid19) doivent attendre. Il n’est donc pas tard pour les autorités de se ressaisir et prier l’Oms et ses partenaires de choisir un autre pays, moins confronté à des problèmes sécuritaires et politico-institutionnels pour y faire les essais afin de nous laisser gérer nos priorités.
Mettons le Mali au-dessus de tout et ayons pitié des gens qui seront inutilement exposés à des produits que tout le monde ignore dans le cadre de cet essai vaccinal. Probablement que ni la Ministre ni Samba Sow n’en savent plus. Et si c”est le contraire, qu’ils apportent des réponses claires et précises aux questionnements des scientifiques maliens et de la société civile.
La Rédaction
Source: Aujourd’hui-Mali