Un deuil national était observé jeudi en hommage à six gendarmes tués par un groupe armé en Tunisie où la grave crise politique persiste avec l’opposition accusant les islamistes de tergiverser sur leur promesse de quitter le pouvoir.
Si la présidence a annoncé un deuil de trois jours, aucune cérémonie officielle n’est prévue en raison du refus des familles des victimes très remontés contre le gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda.
Cinq enterrements devaient avoir lieu dans l’après-midi dans les régions Sidi Bouzid (centre-ouest), chef-lieu de la région où les affrontements ont eu lieu mercredi, et Kasserine.
Un sixième est prévu au Kef (nord-ouest), où le local du parti islamiste Ennahda qui dirige le pouvoir a été incendié, selon un correspondant de l’AFP sur place.
“Nous avons refusé que le gouvernement et les politiciens rendent hommage (. . . ) nous refusons leurs condoléances, leur présence et en premier lieu celle d’Ali Larayedh” le Premier ministre, a indiqué Jamel Salhi, le frère d’une des victimes de Sidi Bouzid.
Cette région est hautement symbolique en Tunisie, car elle est le berceau de la révolution qui chassa le régime de Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.
Grève générale
Selon une source militaire interrogée par l’AFP, les proches de tous les défunts ont rejeté toute présence officielle aux funérailles.
La semaine dernière, des dizaines de policiers et gendarmes syndiqués avaient déjà chassé le président Moncef Marzouki et le chef du gouvernement Ali Larayedh de l’hommage rendu à deux gendarmes tués dans une autre attaque.
Ils reprochent au pouvoir le manque de moyens pour lutter contre les groupes armés jihadistes qui déstabilisent régulièrement le pays.
Pour leur part, les branches régionales du puissant syndicat UGTT ont annoncé des grèves générales à Kasserine et Sidi Bouzid, si bien que les écoles et administrations étaient fermées tout comme de nombreux commerces.
Selon le gouvernement, le groupe “terroriste” responsable de la mort des gendarmes est toujours “pourchassé”.
Face à l’essor de la mouvance jihadiste, la présidence a annoncé, sans plus de précision, la tenue jeudi d’une réunion du Haut conseil de sécurité tunisien.
Les affrontements de ce type se multiplient en Tunisie. La semaine dernière une vaste opération militaire dans la région de Béja a tué neuf combattants jihadistes responsables de la mort de deux gendarmes. L’armée pourchasse aussi depuis des mois un groupe armé à la frontière avec l’Algérie qui a tué une quinzaine de militaires en dix mois.
La crise se prolonge
Ces nouvelles attaques viennent encore fragiliser le pays, empêtré dans une interminable crise politique depuis l’assassinat fin juillet du député d’opposition Mohamed Brahmi, attribué par le gouvernement à un commando jihadiste.
Ce conflit entre l’opposition et le gouvernement dirigé par Ennahda a connu un nouveau rebondissement mercredi avec le report à vendredi du “dialogue national”.
Les opposants reprochent au Premier ministre de ne pas avoir signifié suffisamment clairement son intention de laisser la place à un gouvernement d’indépendants.
En vertu d’une feuille de route rédigée par des médiateurs, le cabinet doit quitter ses fonctions trois semaines après le lancement du dialogue.
Or M. Larayedh a signifié mercredi, sans évoquer de calendrier précis, son “engagement sur le principe de renoncer au gouvernement”.
“Nous voulons un engagement écrit que le gouvernement partira trois semaines après le début dialogue national”, a dit à l’AFP Jilani Hammami, du Parti des travailleurs et membre d’une coalition d’opposition.
Le principal médiateur de la crise, l’UGTT a dès lors reporté les négociations à vendredi pour obtenir “des éclaircissements” de M. Larayedh.
Des manifestants de l’opposition ont aussi annoncé leur intention de manifester tous les jours place de la Kasbah où siège le gouvernement. Quelques dizaines d’entre eux y ont passé la nuit de mercredi à jeudi.
Outre la mise en place d’un cabinet apolitique, ces négociations, sans cesse reportées, doivent aboutir à l’adoption de la Constitution, en cours d’élaboration depuis deux ans, la rédaction d’une loi électorale et à des dates pour les prochains scrutins.
L’impasse politique se poursuivant, les journaux étaient extrêmement sévères jeudi.
“Les politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, sont restés confondus dans leurs lubies, faisant passer leurs intérêts partisans et campant sur leurs positions. Or, messieurs, ce sont nos enfants (. . . ) qui tombent chaque semaine dans les embuscades terroristes”, enrage le quotidien Le Temps.
Source : Jeune Afrique