(Ampliation aux organisateurs et parrains du colloque international « Droit et Esclavage en Afrique de l’Ouest », tenu du 16 au 18 octobre à Bamako)
En marge du colloque international « Droit et Esclavage en Afrique de l’Ouest » tenu du 16 au 18 octobre à Bamako, Biram Ould Abeid a accordé une interview dans un journal de la place dans laquelle il évoque le problème de l’esclavage et la rébellion au Nord du Mali. Ayant lu cette interview, il m’est paru nécessaire d’apporter les éclaircissements suivants afin d’édifier l’opinion publique, malienne d’abord, puis régionale et internationale.
Premièrement, Biram Ould Abeid est un opposant politique au pouvoir en place, qui fut candidat malheureux à la présidentielle de 2014 et s’est déjà déclaré candidat à la présidentielle de 2019 (pour laquelle un site lui est déjà dédié : biram2019.com).
Vraisemblablement, le colloque de Bamako (qui se dit de niveau académique et universitaire et a été de surcroit ouvert par SEMme le Ministre) a constitué pour lui, un excellent cadre de lancement de sa campagne à partir du Mali.
Il est vrai qu’on ne peut pas en vouloir à un citoyen quelconque de se présenter à des échéances électorales dans son pays, fussent elles locales, régionales ou nationales. Mais, ce qui mérite d’être mis à nu dans le cas précis de Biram, c’est l’amalgame qui consiste à commercialiser auprès de qui veut l’entendre un ‘’anti-esclavagisme’’ – que tout être humain ne peut qu’afficher et défendre – parce qu’il est payant en euro et en dollar, mais aussi en billets d’avion et en nuitées d’hôtels, pour finalement investir ce slogan et s’en servir pour duper ceux qui croient – surtout à l’extérieur de la Mauritanie – que Biram est un activiste des droits de l’homme, alors qu’il est d’abord et principalement un opposant politique au pouvoir en place, qui se sert de l’habit des ‘’droits de l’homme’’ pour, non pas faire le moine, mais gagner et la sympathie de l’extérieur et ses sous.
En choisissant de mener le combat politique, même avec comme ‘’monture’’ une IRA non reconnue, Biram doit se rappeler que ses actes ne peuvent plus être comptabilisés parmi ceux posés par les défenseurs des droits de l’homme. Le mieux pour lui serait de laisser d’autres collaborateurs à lui qui n’ont pas encore versé dans le jeu politique, poursuivre le soi-disant chemin de cette ‘’cause’’, perdue parce que vide de tout contenu (Dieu sait qu’il n y a plus et ne peut plus y avoir de pratique esclavagiste en Mauritanie). De ce fait, il doit choisir entre la poursuite du combat politique pour la conquête du pouvoir (ce qui est d’ailleurs son droit, à condition d’utiliser les voies appropriées), ou s’inscrire exclusivement dans la dynamique d’un défenseur des droits de l’homme comme il prétend l’avoir été par le passé.
De toutes les façons, le colloque de Bamako, en déclarant dans son intitulé vouloir traiter sa problématique à l’échelle de l’espace ouest-africain pour la circonscrire finalement à la Mauritanie, le Mali et le Niger, tombe déjà dans le piège qui consiste à identifier l’esclavage en fonction d’une différence de couleur de la peau, ce qui conduit à ce qu’on peut appeler ‘’une approche ségrégationniste de la question de l’esclavage’’. Illusion trompeuse qui occulte le fait majeur que l’esclavage existe bien et toujours existé au sein même des communautés monochromes.
Même en mettant intentionnellement et de façon sournoise l’accent sur ces trois pays, cela a tourné à l’avantage de la Mauritanie en la reconnaissant et consacrant comme modèle dans son entourage : je veux souligner ici l’appel lancé par ce même colloque aux autres pays participants (notamment et nommément le Mali et le Niger) de s’inspirer de la Mauritanie en adoptant des textes criminalisant l’esclavage ! Et que conclure quand Biram et son IRA crient, après une année ou plus d’intenses recherches à travers le pays, être tombé sur un cas d’esclavage (à supposer le bien fondé de cette ‘’trouvaille’’ ? ?), sinon que c’est la preuve éclatante qu’il n’existe plus, fort heureusement, d’esclavage en Mauritanie. Plus d’esclavage mais seulement les séquelles de ce qui fût. Donc la bataille est désormais une bataille pour gagner l’éradication totale de ces douloureuses séquelles. Cette bataille-là, engagée par le Président AZIZ sur les fronts socio-économique et politique, est en passe d’être gagnée au bonheur de tout le peuple mauritanien.
En fait, qu’est ce qui n’a pas été fait à ce niveau quand on sait que depuis l’arrivée du Président AZIZ à la conduite de notre cher pays, il a été réalisé ce qui suit :
- Les reformes constitutionnelles de 2011 issues du dialogue national inclusif ont permis d’inscrire dans la loi fondamentale du pays la criminalisation de l’esclavage. C’est ainsi que les dispositions de l’article 13 de la Constitution stipulent que « Nul ne peut être réduit en esclavage ou à toute forme d’asservissement de l’être humain, ni soumis à la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ces pratiques constituent des crimes contre l’Humanité et sont punis comme tels par la loi ».
- Une loi a été votée au Parlement (loi 031/2015) et promulguée qui incrimine les pratiques esclavagistes.
- Des tribunaux spécialisés dans les questions de l’esclavage et habilités à les juger, ont été créés et sont totalement fonctionnels aujourd’hui.
- En mars 2014, le gouvernement mauritanien a adopté une feuille de route pour l’éradication des séquelles, comprenant 29 mesures. Elles vont de l’amendement de la loi 2007-048 incriminant l’esclavage à l’obligation de promouvoir des projets pour l’insertion des victimes, leur indemnisation par les auteurs d’actes esclavagistes, l’accès à la propriété foncière, l’exécution des décisions de justice, la création d’une institution de haut niveau chargé de lutter contre les séquelles de l’esclavage, l’assistance aux victimes, l’accès des enfants des anciens esclaves à l’école, l’instauration d’une journée de lutte contre l’esclavage, l’implication de la société civile, le renforcement des moyens des ONG, la création d’une commission de suivi et d’évaluation périodique du travail accompli.
- Au plan socio-économique, une Agence Nationale de lutte contre les Séquelles de l’Esclavage, d’Insertion et de Lutte contre la Pauvreté (Tadamoune) a été créée en 2013, et dotée de ressources financières considérables lui permettant d’exécuter de très nombreux projets et programmes socio-économiques visant l’amélioration des services de santé et d’éducation dans les milieux des anciens esclaves. En réalité, une personne éduquée ne peut en aucun cas être réduite en esclavage. Aujourd’hui, l’Agence Tadamoune a réalisé d’énormes progrès en matière de lutte contre les séquelles de l’esclavage ou d’autres inégalités sociales, par la construction d’écoles, de centres de santé, la facilitation de l’accès à l’eau et à l’électricité dans les zones les plus reculées du pays, sans compter la mise en place d’activités génératrices de revenus au profit des couches les plus défavorisées pour leur permettre d’être plus autonomes.
Ces efforts colossaux n’ont pas échappé à la vigilance de la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur l’esclavage Gulnara Shahinian qui, lors de sa visite en Mauritanie, a considéré ces actes posés par les plus hautes autorités du pays « comme un tournant dans la lutte contre l’esclavage en Mauritanie », et se dit « confiante que le gouvernement, en étroite coopération avec la société civile, va déployer tous les efforts nécessaires pour mettre pleinement en œuvre la feuille de route ».
Les avancées et réalisations sont indéniables, mais il est tout aussi indéniable que l’on peut faire mieux en persévérant sur cette voie pour l’éradication définitive de cette tare et de ses séquelles. Quant au rôle des partenaires, leur apport est toujours souhaité pour nous aider à aller résolument vers des sociétés plus modernes. En revanche, il ne faudrait pas que cela soit un motif pour encourager ou soutenir l’instrumentalisation d’une noble cause à des fins purement politiciennes.
Hamadi Ould Mohamed
Enseignant à Bamako