Cette forme de transition utilisée en de maints endroits du continent, a comme contenu l’établissement d’un consensus entre les forces vives autour des enjeux, l’organisation d’un processus de retour à un ordre constitutionnel, l’apaisement des tensions, la restauration de la confiance entre les populations et leurs représentants et, quelques fois, l’amélioration de la qualité de vie des populations.
Elle se traduit par la mise en place d’une autorité suprême (Président), d’un organe exécutif, d’une Institution législative et de différentes formes d’associations au pouvoir des forces vives afin d’élargir la base de ce dernier.
Ces formes de transition sont les plus connues et les plus pratiquées en Afrique, comme on le constate en ce moment au Mali, ou au Soudan, il y a quelques années. Elles ont besoin d’être menées dans un esprit de collégialité avec le souci de stabiliser la courte période de leur déroulement. Comme facteur clé de succès, elles doivent être conduites par des hommes de qualité, indépendants, compétents et n’ayant pas d’autres ambitions que de remettre le pays sur les rails. Elles doivent engager des réformes constitutionnelles et législatives rendant les processus électoraux encore plus crédibles, transparents et participatifs que par le passé; avec une attention particulière sur l’égalité des chances des postulants aux responsabilités et l’équité de leur traitement pendant le processus. Une plus forte règlementation du rôle et de la place de l’argent dans la démocratie ainsi qu’un encadrement plus contraignant de la candidature des sortants, partant avec une avance certaine, peuvent être envisagés.
Les transitions classiques décrites ci-dessus ne sont pas les seules possibles en Afrique. Il y en a d’autres, exceptionnelles pour l’instant, qui méritent d’être analysées pour en baliser le chemin ainsi que la mise en œuvre. Il s’agit de transitions à conduire en présence d’un pouvoir légal qui, pour des raisons particulières, se trouve contraint d’engager cette phase politique particulière. Des élections mal organisées et/ou fortement contestées, des troubles sociaux majeurs, un contexte sécuritaire sensible, une crise économique profonde, une usure certaine du pouvoir consécutive au cumul de plusieurs mandats face à une population jeune sont, entre autres, des raisons pouvant conduire un pouvoir en cours de mandat à ouvrir une transition.
Cette étape ouvrira ainsi une période de collaboration politique établie entre les différentes forces vives, dans le cadre d’un mandat en cours, avec l’objectif de mettre en place à terme un ordre sociopolitique satisfaisant pour la majorité des acteurs.
Elle pourra porter sur des réformes institutionnelles et organisationnelles à conduire sur les différents segments de la vie publique, l’organisation de scrutins le cas échéant, la conduite de politiques sectorielles spécifiques, l’engagement d’un processus de réconciliation nationale avec des résultats tangibles recherchés…
Sur le plan organisationnel, cette transition se traduira par la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, la création éventuelle d’autres organes de suivi et d’accompagnement pouvant être envisagée pour renforcer la confiance entre acteurs.
La conduite de cette phase délicate nécessitera sans doute la satisfaction de quelques conditions préalables telles que le consensus des forces vives sur les objectifs de la transition, qui peuvent aboutir sur le départ du régime au pouvoir après des élections. Ils peuvent également porter sur une collaboration pendant une période au cours de laquelle des réformes souhaitables sont conduites avant l’organisation d’un nouveau scrutin avec la participation de tout ou partie des acteurs. Au-delà de la convergence sur les objectifs de la période transitoire, il y a surtout la crédibilité des garanties à donner comme condition majeure de la conduite de cette forme de transition. Des garanties y compris, internationales, sont à fournir au pouvoir pour couvrir les risques encourus après un départ négocié. Des garanties peuvent également être nécessaires pour convaincre les forces politiques à collaborer pendant la période. En tout état de cause, les médiateurs commis pour aider les pays lors de ces périodes délicates doivent savoir rassurer les parties afin de les convaincre à engager le processus et obtenir ainsi la stabilité de nos pays.
Ce type de transition sera de plus en plus probable en Afrique. La démographie et l’urbanisation du continent seront les terreaux d’une jeunesse de plus en plus nombreuse et impatiente, en particulier dans les capitales, qui représentera un contrepoids politique aux pouvoirs en place. Face à cela, les régimes seront de plus en plus acculés et devront lâcher du lest, particulièrement s’ils ne sont pas efficaces en matière de satisfaction des attentes populaires. Les organisations régionales doivent ajuster leurs instruments de monitoring de la stabilité politique des États, et les partenaires internationaux faire de même en étant plus vigilants et en sachant mieux anticiper les crises. Il ne faut plus attendre que les antagonismes s’exacerbent pour ensuite essayer de sauver les meubles. Il faut savoir identifier précocement les ingrédients de la déflagration et apporter des solutions qui satisfassent les populations et tout en rassurant les pouvoirs.
Quand ces processus sont bien menés, ils offriront des occasions pour des régimes ne sachant plus comment quitter le pouvoir, de bien assurer le passage de témoin sans trop d’inquiétudes pour le futur. Ce qui peut être bénéfique pour la stabilité des pays africains.
Moussa MARA
www.moussamara.com