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[Tribune] Gestion des élections au Mali : l’organe unique, baromètre de la transition

Salif Sacko, enseignant-chercheur à l’université des sciences juridiques et politiques de Bamako, aborde dans cette tribune, la problématique de la mise en place de l’organe unique de gestion des élections. Selon ses explications, l’efficacité de la transition dépend de la bonne organisation des prochaines échéances électorales.  

 

Après deux jours de travaux de l’atelier de réflexion sur la mise en place de l’organe unique de gestion des élections au Centre International de Conférence de Bamako (CICB), les participants, notamment les représentants de la Primature, le représentant de la Cour constitutionnelle, les représentants du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, étaient unanimes pour la création d’un organe unique de gestion des élections.

Comme participants à cette rencontre, on pouvait noter également la présence du représentant du ministère de la Justice et des Droits de l’homme ; du représentant du ministère de la Refondation de l’État ; des représentants du ministère délégué auprès du Premier ministre, chargé des réformes politiques et institutionnelles ; du délégué général aux élections ; des représentants des partis politiques ; des regroupements des partis politiques et de la société civile.

Tous ont donné leur accord tout en émettant des réserves, en raison du délai restant de la transition. Ils ont, à la quasi-unanimité, proposé l’organisation des élections de fin de la transition par les structures existantes (MATD-DGE-CENI) tout en renforçant les missions de la CENI.

Controverses autour des structures actuelles

Les structures actuelles de gestion des élections ont été longtemps controversées. D’une part, par les partis politiques et d’autre part par la société civile.

Les contestations ont commencé avec la proclamation des résultats de l’élection présidentielle de 2018 qui avaient déclaré Ibrahim Boubacar KEÏTA, vainqueur, et feu Soumaïla CISSÉ vaincu.

Suite à la publication officielle de ces résultats, Soumaïla CISSÉ (paix à son âme) avait rejeté les résultats et se disait vainqueur : « Je rejette catégoriquement et sans équivoque les résultats proclamés par le ministère de l’Administration territoriale. Je refuse et dénonce ces résultats. Ils ne sont que supercherie, mascarade et parodie et mensonges. Ils ne sont que le fruit pourri d’une fraude honteuse ».

Les contestations ont continué avec la proclamation des résultats des élections législatives de 2020 à la suite desquels, 39 députés se sont plaints des résultats du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et 29 des résultats de la Cour constitutionnelle. Ce qui fait un total de 68 députés sur 147 qui se sont plaints des organes actuels de gestion des élections.

L’organe unique manque de volonté politique

À la suite du coup d’État du 18 août 2020, les partis politiques, pour qu’on ne bascule plus dans une nouvelle crise post-électorale, avaient demandé aux autorités de la transition la mise en place d’un organe unique de gestion des élections pour plus de crédibilité et de transparence aux échéances électorales de fin de la transition.  Mais force est de reconnaître que les autorités de la transition, à travers le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, ne se sont jamais inscrites dans cette dynamique.

Pour preuve, en janvier 2021, lors de l’atelier organisé par le ministère de l’Administration territoriale et les partis politiques, il était convenu de mettre en place un organe unique de gestion des élections avant le 31 mars 2021. Cette conclusion avait pour but d’accélérer les réformes allant dans le sens de l’effectivité de la création d’un organe unique de gestion des élections avant la fin de la transition. Malheureusement, le manque de volonté politique a altéré la mise en place de cet organe jusqu’au coup d’État du 24 mai 2021.

Le nouveau gouvernement fraîchement nommé, à sa tête le docteur Choguel Kokalla MAÏGA, avait montré sa volonté de créer l’organe unique de gestion des élections pour les échéances électorales de la transition. Cette volonté du gouvernement sera malheureusement remise en cause par la conclusion de l’atelier de réflexion sur la mise en place de l’organe unique de gestion des élections. Car les participants audit atelier ont estimé que le délai imparti à la transition n’était pas suffisant pour la création effective d’un organe unique de gestion des élections. Selon les experts nationaux, sa création avant la fin de la transition relève de l’impossible, à moins de proroger le délai de la transition d’au moins 3 mois.

Le dilemme de la transition

Le manque de volonté politique a plongé le Mali dans un dilemme sans précédent. D’une part, la création d’un organe unique de gestion des élections se révèle indispensable pour la crédibilité et la transparence des échéances électorales de fin de la transition. D’autre part, le délai de la transition doit impérativement être respecté pour éviter d’autres crises politiques.

Que faut-il faire de ce point de vue ? Faut-il prendre le risque de proroger le délai de la transition pour la création effective de l’organe unique de gestion des élections pour les échéances électorales de fin de la transition ? Ou faut-il tout simplement s’en tenir aux organes existants (MATD-DGE-CENI) ?

En tout cas, les organes actuels de gestion des élections ont montré leur limite en matière de gestion efficiente des élections. Les partis politiques ont toujours contesté les résultats proclamés par ces organes, notamment le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et la Cour constitutionnelle, car jugés partisans dans la gestion des élections antérieures. Par conséquent, une crise de confiance s’est installée entre les partis politiques et ces organes existants.

L’efficacité de la transition dépend des élections

Aujourd’hui, il convient de s’interroger sur l’indépendance du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation dans la gestion des élections de fin de la transition, car à sa tête un putschiste. Le coup d’État étant considéré dans la constitution du Mali du 25 février 1992 comme un crime imprescriptible contre le peuple (article 121), les putschistes ne seraient-ils pas amenés à chercher une protection judiciaire ? La quête de cette protection ne serait-elle pas susceptible de les amener à favoriser un candidat qui accepterait de s’inscrire dans cette dynamique.

Pour rappel, le 1er juillet 2021, le gouvernement avait soumis un projet de loi d’amnistie au CNT qui l’a renvoyé, car savait qu’il n’avait pas la compétence juridique de voter ledit projet. Cette situation pourrait nous amener à émettre des doutes par rapport à l’indépendance et à l’impartialité du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation dans la gestion des élections de fin de la transition.

En tout état de cause, l’efficacité de la transition dépend de la crédibilité des élections de fin de la transition.

Source :  Sahel Tribune
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