-« Mandé Bory : Du jamais vu, ce qui m’arrive, j’abats une antilope qui n’a ni foie, ni cœur, ni rognons »
-« Soundiata KEÏTA : Ne t’inquiète pas, tu vas comprendre tout à l’heure »…
(Djibril Tamsir NIANE, Kouroukan Fouga, Soundiata KEÏTA et l’Assemblée des Peuples, éditions CEDA, 2010, page 71).
Le Président Alpha Oumar KONARE et son épouse, éminente écrivain et tous deux Professeurs émérites, sont cités à comparaître par devant le Tribunal de la Commune V du District de Bamako, siégeant en matière correctionnelle. Les implications de leur connaissance historique, littéraire, philosophique et scientifique ont marqué toute une génération de chercheurs en sciences sociales
Nul n’est au-dessus de la loi, et nul n’est en dessous.
Multiforme, inachevée, en progression permanente, très pauvre, la justice de notre pays, dont il est aisé d’établir l’abnégation, s’applique cependant de la loi à en respecter avec bonheur les fondements et le fonctionnement, en excluant son instrumentalisation, notamment par la Chimère et le Non-droit.
- La Chimère, émotion très souvent née d’actions fantaisistes, peut être caractérisée d’abord par une disproportion maximale entre les fins poursuivies et les moyens disponibles. La personne ou le groupe saisis par l’exaltation chimérique sont victimes d’un choc qui leur fait perdre les identités, précipite leurs membres dans le désespoir et fait naître des espoirs irréels en un salut proche et définitif, compensatoire financièrement et, peut-être aussi, moralement.
Découle de ce premier trait, le caractère illimité des buts et des espérances, en ce sens que seul un espoir sans fin et sans fondement pourrait suppléer un désespoir sans fond.
En conséquence, la valorisation d’un conflit, considéré comme le passage cataclysmique vers un univers transfiguré, salvateur et variable, se présente ici sous la forme d’un procès pouvant être de nature à humilier des « mastodontes », dans le but d’établir un équilibre perturbé.
Donc, nos juridictions s’attèlent dans les dures conditions que tout le monde connaît, à leur détriment même, à recevoir des requêtes et plaintes puis à montrer la mesure dans laquelle le droit s’applique, et s’enracine dans notre territoire, à travers la loi, la doctrine et la jurisprudence.
- Citation directe : Suite à une plainte en date du 9 janvier 2018 déposée auprès du Tribunal Correctionnel de la Commune V du District de Bamako, les personnalités visées par une plainte pour « Association de malfaiteurs, recel, escroquerie, trafic d’influence », avec un ancien Président du Conseil des Maliens en Guinée-Conakry, du nom de Salim DOUCOURE, sont convoquées à comparaître devant ladite juridiction le 3 Mai 2018. L’audience de fixation des frais de la consignation fixée à Cinq Millions (5 000 000) Francs CFA a eu lieu le 22 Février 2018.
A ce moment, l’on se sent interpellé, à divers titres, sur le plan du Droit.
En premier lieu, la plainte en citation directe, c’est-à-dire, par définition et en la forme, pour saisir un tribunal correctionnel, est irrecevable et inopérante, lorsqu’elle concerne une infraction qualifiée de crime.
Dans ce cas précis, la citation directe, qui élude l’enquête préliminaire de police ou de gendarmerie, enjambe le Parquet et l’Instruction, devient une musique intérieure de barbarie étrangère au Droit.
En effet, l’instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime, notamment, et la procédure de la saisine directe de la juridiction de jugement n’est possible et admise que dans les contraventions de police et les délits.
Or, l’association de malfaiteurs, punie et réprimée de peines criminelles par les articles 175 et suivants du Code Pénal en vigueur, s’oppose à la plainte par voie de citation directe, qui devient donc irrecevable, tout autant que l’infraction présumée de trafic d’influence, (articles 120 et suivants du Code Pénal), infraction définie au titre des crimes, par les peines prévues.
La Citation directe ne peut jamais être employée si l’infraction visée constitue un crime, puisque les crimes ne peuvent être poursuivis que par la voie de l’information (Instruction).
En Second lieu, les infractions supposées, en tout cas imputées et visées, à les supposer établies même, de par leur propre nature, et d’autres infractions réelles ou imaginées et imaginaires, dont la poursuite n’a pas été exercée dans un certain délai, ne peuvent plus l’être après l’expiration d’un délai.
Le Code de procédure pénale dit donc que l’action publique, si elle n’est pas intentée pendant ces délais, s’éteint par la prescription extinctive (articles 9 et suivants du C.P.P).
En troisième lieu, une des personnalités mises en cause a un statut dérogatoire d’essence constitutionnelle, ne pouvant rendre compétente la juridiction saisie, in rem. Soit dit en passant, ce principe a été soulevé en vain lors des procès intentés contre le Président Moussa TRAORE et autres.
Enfin, les auteurs présumés d’une infraction peuvent être poursuivis devant les juridictions de leur domicile ou du lieu où l’infraction présumée aurait été commise, ou du lieu de leur arrestation. Dans ce dernier cas, il y a une anticipation, voire une ignorance de la procédure.
Qui est domicilié, réside ou habite en l’espèce à Torokorobougou ? Et environs ?
III. Le but commun à toute justice, sans aborder ici le fond, du fait des exposés tirés des exceptions et fins de non-recevoir, notamment, est une contribution à l’empire d’une justice aussi positive quant à ses méthodes et résultats, qu’à son emprise sur des faits et des personnes éloignés des extrêmes conséquences de sa réflexion doctrinale et de sa pratique. Des oppositions formées suite à des oppositions, non frappées d’appels par les plaignants, ne sont-elles pas des licences à des procès-alibis sans fin ? Pour mieux respirer et peut-être rassurer des partenaires et des créanciers ? Justice-alibi ne se peut. Demeure constante, pendante, suite à des oppositions non vidées triplées de citation directe, la connexité. Ou, s’il y’a eu appel, le dessaisissement du Tribunal de la Commune V. Une autre cause d’irrecevabilité, au titre de la procédure.
Maître Mamadou GAKOU
Ancien Vice-président de l’Assemblée nationale,
Ancien Membre de la Commission des Lois,
Rapporteur Général des Lois portant Code Pénal et Code de Procédure Pénale en vigueur au Mali.
Source: Maliactu.info