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Travail des enfants : Les habitudes et les pratiques ont la vie dure

Par Ouka BA

Diéma, 18 juin (AMAP) Dans le cercle de Diéma, le travail des enfants est une pratique ancrée dans les habitudes. Malgré les dispositifs de sensibilisation mis en place par l’Etat et ses partenaires, rien ne semble bouger. Ici, de nombreux parents utilisent leurs enfants dans des activités dépassant souvent leurs capacités physiques. Dès que les premières pluies tombent, les enfants ne traînent plus dans les rues. Tous se dirigent vers les champs. Après les récoltes, ils sont commis à d’autres activités, notamment le transport de l’eau, du bois de chauffe, du fourrage, la confection de briques en banco.

Dans cette localité à majorité soninké, le travail des enfants n’est pas lié à la pauvreté, contrairement à ce que pensent certains, mais plutôt au manque de bras valides. Le Cercle de Diéma étant une zone de forte migration, des jeunes âgés de 15 à 20 ou plus partent, à longueur de journée, vers les côtes de la Méditerranée. Mouvement humain momentanément contrarié par la fermeture des frontières, ces derniers temps, en raison de la Covid-19. Dans ce cas, leurs parents sont obligés de les remplacer dans les champs par leurs petits frères qui n’ont pas souvent l’âge de produire.

On apprend aux enfants à travailler durement, afin d’éviter qu’ils ne tombent dans la paresse, et n’adoptent des comportements déviants, pouvant déshonorer leurs parents. «  Si l’enfant apprend à travailler, soutient Malla, un ancien migrant, il pourra se débrouiller partout ». Tout petit, Malla aidait son père à réparer le toit de leur maison, lorsque de fortes pluies endommageaient la toiture. « Mon père et moi, montions sur le toit. A l’aide de son gros orteil, il appuyait sur les petits trous qui laissaient suinter de l’eau, en les bourrant avec du banco », poursuit-il.

Abdoulaye Touré, le 1er adjoint au maire de Diéma, dira que le travail des enfants fait partie de leur processus éducatif. « C’est pour que, poursuit l’élu, les parents préparent leurs enfants afin d’affronter des épreuves, lorsqu’ils foulent le sol du pays des blancs ».

De l’avis de Mme Soukouna Fatoumata Maiga, première adjointe au maire de la Commune rurale de Grouméra, si le travail des enfants existe toujours, c’est par respect à la coutume. Pendant l’hivernage, les enfants ne restent pas à ne rien faire. Ils vont travailler dans les champs. « Si l’enfant travaille bien, ses parents pourront compter sur lui, lorsqu’il ira à l’aventure », renchérit Mme Soukouna.

PRATIQUES ET HABITUDES – Ce tailleur, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, regrette de n’avoir jamais été à l’école. « C’est un véritable handicap qui me poursuivra jusqu’à la tombe », dit-il. Chaque fois qu’un client se présente dans son atelier, il est obligé de recourir aux services de quelqu’un, pour noter dans un cahier, l’identité de la personne, ainsi que ses mesures pour la couture.

 La notion de travail forcé des enfants est réfutée par Bakary Sacko, un notable de Diangounté Camara, qui, à sa connaissance, n’existe nulle part dans le Cercle de Diéma. « Si les parents emploient leurs enfants, dit l’homme, c’est pour leur propre intérêt,  pour les aider à préparer leur avenir ». « Mais faisons en sorte que ceux qui sont à l’école puissent poursuivre correctement leurs études », insiste-t-il.

Selon le Maire de la commune rurale de Lambidou, Mamadou Coulibaly, assis derrière son bureau, cette pratique n’a d’autres raisons que d’éviter que les enfants quittent le chemin d’une bonne éducation et « deviennent des voleurs, des bandits de grand chemin ». « C’est pourquoi, dès l’âge de dix ans, on montre le chemin du champ à l’enfant. On le prépare à devenir un homme avant son départ à l’étranger », explique M. Coulibaly. « Tous les enfants ne peuvent pas réussir à l’école. A l’heure actuelle, mes enfants sont au champ en train de semer », ajoute-t-il.

Une petite fille, les pieds couverts de poussière, un plateau rempli de cacahuètes en équilibre sur la tête, part de ‘grin’ en ‘grin’, pour proposer aux buveurs de thé, sa marchandise. « Avec mes petites recettes cumulées, raconte-t-elle, je parviens à régler mes petits besoins sans déranger maman ».

TRAVAIL, PAS FORCÉ – Une femme a refusé d’engager, comme servante, une fillette de 10 ans, que ses parents sont venus lui présenter. Jean, père de famille, confie de petites tâches à ses enfants, en fonction de leur calendrier scolaire. « Les jours où il n’y a pas classe, ils font oeuvre de salubrité, arrosent les arbres. Pendant les grandes vacances, chacun apprendra un métier », dit Jean.

Aguibou Bah, chef secteur agriculture, lie le phénomène à la pauvreté. Selon lui, la plupart des enfants abandonnent les bancs pour travailler et soutenir leurs parents. « Beaucoup d’enfants, aujourd’hui, sont devenus des apprentis soudeurs, mécaniciens,  tailleurs, menuisiers et autres. Leurs parents ne sont plus capables de les surveiller correctement. Ce qui joue, parfois, sur leur éducation », argumente-t-il.

En la matière, il propose qu’une étude soit réalisée pour connaître les causes réelles des impacts négatifs du travail des enfants dans le Cercle de Diéma. Cela permettra, à son entendement, de trouver des pistes pour freiner cette pratique « qui nuit au développement de notre pays ».

Mamadou Mah Sissoko, résident à Dioumara, soutient que le travail des enfants a pris de l’ampleur, ces dernières années, dans le Cercle de Diéma. Garçons et filles, tous travaillent. En plus des travaux champêtres, les filles s’occupent également de la cuisine et autres charges domestiques. Il déplore les conséquences du travail des enfants, qui, selon lui, est source d’échec scolaire.

Bouya Dia, animateur d’une ONG, explique que dans certains milieux, une fille mineure, qui vit chez ses beaux-parents, est chargée de certains travaux. Elle monte sur la charrette, chaque jour, pour la corvée d’eau, la recherche de bois pour la cuisine ou fait du petit commerce. Pendant l’hivernage, elle va au champ. Notre interlocuteur s’est appesanti sur la déscolarisation des enfants, qui, d’après lui, est un facteur favorisant le travail des enfants.

« Avant, il n’existait pas de travail des enfants, ici, dans le Kaarta. Avant l’introduction de la charrue, tout se faisait avec à la main. Les adultes préparaient les champs, les labouraient, les semaient et faisaient le sarclage, etc. On sollicitait, rarement, les enfants dans les champs », fait remarquer le président du Réseau des communicateurs traditionnels pour le développement (RECOTRADE), Alpha Diombana. Il se souvient que, c’est à partir des années 1970, avec les nouvelles techniques culturales, que l’on a commencé à recourir à la force de travail des enfants.

OB/MD (AMAP)

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