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Transition-Imam: le divorce

Invité d’honneur des assises du regroupement politique «Nouvelle Espérance» dirigé par Housseyni GUINDO, l’Imam Mahmoud DICKO a profité de cette tribune pour fustiger les autorités de la Transition avant de leur adresser de sévères mises en garde. Pour lui, ces autorités doivent sortir de leur isolement et engager le dialogue avec toutes les sensibilités pour la stabilité du pays et la création de meilleures conditions pour l’organisation d’élections apaisées. «Vous ne pouvez pas avoir un président distant du peuple, un Premier ministre froid et un vice-président, je ne sais quoi ? », a-t-il critiqué. Entre lui et les autorités de la Transition, le divorce semble donc consommé. Il a également indiqué qu’il n’est en divergence ni avec le M5-RFP ni avec la CMAS. «Je réponds à l’appel de tous ceux qui veulent parler du Mali, car l’essentiel pour moi c’est le Mali », a-t-il tranché. Extraits…

 

«Nous rendons grâce à Allah, Paix et salut sur le Prophète (PSL). J’ai été invité ici à la rencontre et j’ai décidé d’honorer cette invitation. J’ai été invité pour venir expliquer les raisons pour lesquelles j’ai décidé d’écrire le Manifeste pour la refondation du Mali, le contenu et l’esprit de ce Manifeste. Il s’agit aussi de dire l’objectif recherché à travers la diffusion de ce manifeste.
Mon manifeste s’adresse d’abord aux Maliens. Après une analyse approfondie de la situation du pays, j’ai réfléchi sur les voies et moyens à trouver pour nous permettre de préparer l’avenir de ce pays. Seul Allah sait ce qui adviendra demain, mais quand on constate certaines manières d’agir des autorités, un homme d’expérience, on doit se sentir interpellé.
Ce que je sais de ce pays, j’ai eu à collaborer avec plusieurs personnes, et du haut de ma grande expérience des affaires de ce pays, je pense qu’il y a un seul problème auquel il faut trouver une solution dans ce pays. Dans son intervention, le président s’est appesanti sur cette question qui n’est ni la guerre civile ni la guerre inter-religieuse ou intercommunautaire. J’ai toujours insisté sur ce point sous l’ancien régime. J’ai toujours dit que le problème de ce pays, c’est une question de gouvernance. La philosophie avec laquelle on dirige ce pays ne permet pas aux enfants de ce pays de se mettre ensemble. Pourtant, le seul remède est que les gens se rassemblent pour bâtir la nation. Ce n’est pas sorcier, soit on se met ensemble pour réussir à relever tous les défis, soit on se divise et on devient fragile et exposé à tous les dangers. C’est pourquoi je salue cette initiative de rassemblement que vous venez de lancer.
Qu’il s’agit d’hommes politiques, de leaders religieux, d’autorité et de légitimités traditionnelles, nous avons tous le devoir d’appeler au rassemblement.
Pour que ce pays ne sombre pas, il faut que nous nous pardonnions, nous acceptions de nous mettre ensemble. C’est ça l’esprit du Manifeste que j’ai écrit. On se met ensemble, on peut relever tous les défis, on ne se met pas ensemble, on devient fragile et tout peut nous arriver. Pour se mettre ensemble, il faut que nous nous pardonnions mutuellement, nous nous acceptions. Il y a certaines choses sur lesquelles ne peut se bâtir une nation. On ne peut pas rassembler les gens avec un discours de haine, d’insulte, d’atteinte à l’honneur. Il faut qu’on se ressaisisse, nous sommes entre nous Maliens. C’est ça l’esprit de mon Manifeste.
J’ai décidé d’écrire mon Manifeste à mon retour de la Mecque. Quand je suis arrivé à l’aéroport, je vous jure que je ne savais pas ce qui se passait au Mali. Mais, quand j’ai vu tout ce beau monde venu m’accueillir de l’aéroport à chez moi, j’ai aussitôt réalisé que je n’ai pas le droit de me taire alors que je vois le pays se diriger droit dans le mur.
Il l’a dit, c’est la préoccupation de tous les hommes politiques, je suis au regret de le dire, mais c’est ça la réalité. Il est bon qu’on aille à des élections. Mais attention, si on organise les élections dans le contexte actuel du pays, l’issue est incertaine. Depuis 1992 que l’ADEMA a gagné les élections, aucun parti n’est parvenu à lui seul à l’emporter. Pour avoir un seul député, les partis sont obligés d’aller en alliance.
Il faut qu’on se rassemble aujourd’hui. Qu’on le fasse à temps, car l’étau se resserre sur nous. Aujourd’hui, 80% du territoire n’est pas sous le contrôle de l’État malien. Dans ce contexte, si on ne se met pas ensemble pour faire le combat, pour stabiliser le pays et que les élections soient organisées dans de meilleures conditions.
Si on ne procède pas ainsi, quel est ce régime qu’on va mettre en place dans la précipitation et qui peut relever ces défis ? Cela n’est pas possible.
Malheureusement, il vient de souligner un point que je n’ai jamais voulu aborder depuis le début de la Transition, mais aujourd’hui, je vais le dire.
Je le dirais avec responsabilité, et je m’assume en le disant.
Après le coup d’État, j’avais annoncé que je me retirais dans ma mosquée, car je pensais que les nouvelles autorités chargées de conduire la Transition sauraient le faire à hauteur de souhait. Mais, aujourd’hui, je suis au regret de constater quelque chose que je vais dire et dénoncer.
Depuis la mise en place des Autorités de la Transition, quelle est la catégorie de la société malienne avec qui ils ont initié un quelconque débat sur l’avenir du Mali ? On ne peut pas gérer le pays de cette manière. Tu ne peux pas gérer le peuple sans le peuple.
Ce que j’ai dit à mon grand-frère (IBK), c’est que rien ne nous opposait en principe, mais je lui ai dit d’écouter le peuple malien. C’est ce que j’ai dit à IBK hier, vous croyez que je vais hésiter de le dire aujourd’hui. Non !
Il faut qu’ils gèrent le pays avec beaucoup de considération pour le peuple, pas par le mépris. Depuis le début de cette Transition, toutes les catégories, toutes sensibilités, sans exception, ont été marginalisées. Aucune catégorie n’a été conviée au dialogue pour débattre de l’avenir du pays. Dans ce cas, comment peut-on gérer et qu’est-ce qu’on gère ? C’est des choses qu’il faut avoir le courage de dire. Il faut que les autorités arrêtent leur comportement d’orgueil, de dédain envers le peuple. Elles doivent parler à tout le monde, quelles que soient les divergences. Nous sommes condamnés à nous parler et à nous entendre. C’est la seule voie pour le salut de ce pays; sinon, nous allons tous périr. Ce n’est pas sorcier. On se parle pour s’entendre, on se donne la main pour sauver le pays, ou on reste divisé et le contrôle du pays va nous échapper.
On peut traiter Dicko de tous les noms d’oiseaux ; mais pour moi, ce n’est pas ça l’essentiel. Car, l’essentiel, c’est le Mali.
Sachez que la pandémie du Coronavirus a imposé un nouvel ordre mondial et que nos partenaires étrangers sont dans l’impasse par rapport à leurs propres préoccupations. Ils ont aussi des enjeux et des élections en 2022. Devons-nous, dès lors, espérer que des étrangers viennent régler nos problèmes nationaux ? Non ! Nous sommes quand même des hommes intelligents, on ne peut pas toujours attendre des autres.
Il faut que les autorités de la Transition, je le dis haut et fort, sortent du repli dans lequel ils se sont mis. Donc, je le répète, les autorités doivent sortir de leur isolement. Vous ne pouvez pas avoir un président distant du peuple, un Premier ministre froid et un vice-président je ne sais quoi, et puis, tout le monde est là, comment gérer ? Non ! Ça ne marchera pas.
Ce que je fais, je le fais pour le Mali, je ne suis en froid avec personne ni contre personne. Je ne suis en conflit avec le M5-RFP, ni avec la CMAS, ni personne d’autre. S’il s’agit de ma personne, je n’ai de problème avec personne. Mais, aujourd’hui, il s’agit du Mali. C’est ça qui m’a fait venir ici. Je ne suis pas le parrain de ce Mouvement. Mais, je réponds à l’appel de tous ceux qui veulent parler du Mali, si Dieu me donne les moyens. Et je veux que cela soit compris…

Transcrit par
Abdoulaye OUATTARA

Source : INFO-MATIN

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