Pendant que tous comptaient sur un ultime dénouement par leur adhésion au processus d’Alger, les mouvements armés séparatistes du Nord-Mali affichent la réelle dimension de leur intransigeance en s’inscrivant dans une dynamique de remise en cause des chances déjà maigres d’un accord sur le Septentrion malien. L’émergence d’une entité nouvelle susceptible de les décharger tout engagement antérieur, d’annihiler les acquis engrangés depuis l’Accord préliminaire de Ouagadougou et de contraindre à un retour à la case de départ.
Tout le monde attendait plutôt une sorte de dissidence artificielle comme moyen dilatoire des mouvements irrédentistes, après leur refus d’adhérer à l’«Accord pour la paix et la réconciliation au Mali» issu des pourparlers d’Alger. Tout le monde a été servi par une manœuvre, voire une ingéniosité «diversionniste» que peu d’observateurs ont vu venir : le scénario d’une disparition, pure et simple, des principales entités constitutives de la Cma. Il s’agit du Mouvement national de libération de l’Azawad, du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad et du Mouvement arabe de l’Azawas.
Face à la menace d’un isolement progressif par les autres protagonistes des pourparlers d’Alger, l’imminence d’une dissidence interne –et, probablement pour déjouer les pressions pour la signature de l’accord de paix prévu à Bamako- ces trois entités précitées n’ont pas résisté à la tentation de s’auto-dissoudre.
En tout cas, depuis la semaine dernière, ni le Mnla d’un Bilal Ag Asharif courtisé par la Communauté international pour sa signature ni le Hcua d’Algabass Ag Intalla objet d’autant de convoitise n’existent pratiquement plus que par leurs ombres. Avec le Maa, ils ont convenu de disparaître en fondant au sein d’une nouvelle entité dénommée Mouvement populaire de libération de l’Azawad (Mpla), une appellation qui renaît de ses cendres plus d’un vingtaine d’années après la rébellion des années 90.
L’émergence de la nouvelle structure, indiquent des sources concordantes, est déjà acquise au niveau de quelques ténors, qui n’ont pas eu besoin de consulter une base quelconque pour en arrêter le principe, vendredi soir à Kidal.
Quoique mal accueillie dans les rangs du Mnla où, elle rencontre une certaine résistance identitaire, l’idée a fini de germer et n’attend plus que les derniers réglages pour être traduite dans une formalisation. Il ne peut y avoir de directoire, ni d’officialisation en l’absence de la plupart des décideurs végétant à l’étranger, a confié un proche de Bilal Ag Asharif, ajoutant qu’une fusion au sein d’une même entité se justifie tant par un besoin de synergie, de convergence de desseins, que par le risque d’apparition de dissidences internes.
Quels qu’en soient les motivations, une tournure aussi spectaculaire jette définitivement un destin sordide sur la signature d’un accord avec les mouvements armés séparatistes, le 15 Mai prochain à Bamako comme annoncé par la Médiation internationale et les hautes autorités maliennes. Car, la disparition des entités juridiquement responsables des engagements antérieurs, comme il est loisible de le comprendre, est susceptible de remettre en cause tous les acquis engrangés dans le processus de paix et de stabilisation du Mali : de l’Accord préliminaire de Ouagadougou jusqu’à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, en passant par le cessez-le-feu et ses documents d’application.
Cette nouvelle intervient pendant qu’un embrasement se profile avec la résurgence d’affrontements intercommunautaires dans la région de Gao, les attaques sporadiques de voyageurs, puis une autre rébellion qui prend forme dans le delta du Niger et se signale par un inquiétant phénomène de liquidation physique de chefs traditionnels. A défaut d’en tirer les ficelles, les mouvements séparatistes voudraient bien en profiter.
Abdrahmane KÉÏTA
source : Le Témoin