Les touristes ne viennent plus. Les établissements hôteliers sont dès lors sevrés de clients. C’est la disette L’hôtel Colombe de Tombouctou aura vécu. L’établissement a fermé boutique. Son annexe qui livre aujourd’hui son baroud d’honneur, semble compter ses jours. Un peu plus loin, derrière le lycée public, un autre hôtel est en détresse. «Bouctou» est l’un des premiers établissements hôteliers de la région. «Azalaï», lui, n’est plus.
L’Auberge du Désert est l’un des nombreux hôtels construits dans les années 2000 alors que se profilait une période faste pour le tourisme à Tombouctou. La suite est connue. À quelques pâtés de maisons, après avoir franchi la porte symbolique de la cité, dont l’ancien président français Jacques Chirac conserve (espérons-le) une des clés, se dresse majestueusement l’hôtel.L’établissement est d’une bonne renommée auprès du gouvernorat de la région. Les délégations administratives et politiques y sont logées. Mais problème : ces visiteurs sont rares à Tombouctou.
Les chambres de l’hôtel restent alors très souvent fermées. À la grande quiétude des salamandres qui arrivent à s’infiltrer par les mailles des fenêtres et les bas de portes. La particularité de cet hôtel n’est pas seulement dans son architecture typique de la contrée. «Pour la sécurité dans la zone, les visiteurs préfèrent cet hôtel», témoigne Attahar Ag Abdou.
«Avant la crise de 2012, l’Auberge du Désert accueillait des touristes venus de partout dans le monde pour visiter la ville mystérieuse Tombouctou et participer au festival au désert Essakane. Aujourd’hui, à cause de l’absence des touristes étrangers les affaires ne marchent pas comme avant», explique Elmoctar Baby, gérant intérimaire de l’hôtel.
Cet établissement a une histoire. L’Auberge du Désert a été construite en 2005 par le célèbre rôtisseur de viande, feu Alhousseni Ag Tajoudine, guide touristique-accompagnateur et promoteur de l’agence de voyage «Tafouk Voyage» (voyage à travers le soleil). Avant sa mort en avril 2018, le monde du tourisme ne jurait que par son nom.
Lui seul avait la science de rôtir à la fois un chameau qui a en son sein un veau. Lequel contient un mouton qui, à son tour, loge un poulet et son œuf. Entre les différentes couches, l’inévitable couscous. Lors des grands événements, il était sollicité pour hisser la viande grillée au sommet de son art.
L’établissement hôtelier est composé de deux blocs. Le premier donne sur la route principale. Le second, plus discret, donne dos aux dunes de sable qui menacent le canal de Kadhafi. Les chambres sont relativement bien équipées. Même si les postes téléviseurs sont momentanément hors service. De même que le restaurant. Qu’importe ! Les clients sont rares de toutes les façons. En temps de survie, on doit bien se contenter du minimum.
VACHES MAIGRES- Les barricades à la porte sont érigées pour bloquer les passages en force. Les véhicules piégés sont des méthodes que les terroristes utilisent en milieu urbain pour atteindre leur cible. Un vigile en uniforme monte la garde. Une petite cour et déjà dans la salle de réception où Ely Yattara accueille les rares clients. Il est l’homme à tout faire qui fait également office de serveur du petit déjeuner dans la salle de réception.
«Quelques fois, les affaires tournent à merveille. Nous passons même des clients à d’autres hôtels», rappelle fièrement le réceptionniste. Mais tous les jours ne sont pas vendredi, comme on dit dans le coin.De cette salle décorée de chaussures en peaux de chameau sur les murs, émerge un couloir qui conduit à une cour. Tout autour, des chambres numérotées. Et un hangar de bédouin à côté pour les nostalgiques de la vie au désert.
Partout, hommage est rendu au promoteur de l’établissement à travers des portraits et des photos de souvenir en compagnie de ministres et d’autres illustres visiteurs. Il y a aussi les attestations et les diplômes accrochés tout au long de l’allée«La difficulté à laquelle les hôteliers sont confrontés est le manque de touristes», renseigne son épouse, Mme Alouss Tahara Siby, patronne des lieux.
La famille a repris le flambeau allumé par le père, il y a une vingtaine d’années. L’établissement doit sa survie aux organisations non gouvernementales qui sont présentes dans la région. Comme si les difficultés conjoncturelles ne suffisaient pas, Tombouctou, comme Gao et Kidal, a brutalement basculé sur répondeur.
Le signal réseau téléphonique et Internet est indisponible. Les appels ne passent plus. Internet hors service. Les banques et l’administration sont paralysées. Certains se sont remis à écrire des lettres à leurs parents des villages par l’intermédiaire des forains.
Envoyé spécial
Ahmadou CISSÉ
Source : L’ESSOR