Le centre d’isolement et de traitement des malades de Covid-19 à Tombouctou est comme un village. On y mène des activités aussi ordinaires qu’en ville. Youssouf Cissé, patient quand il écrivait ses lignes, nous fait découvrir à quoi ressemble un centre de traitement.
Pour faire face à la pandémie de la Covid-19, un centre de traitement a été mis en place pour accueillir les malades. Au départ, il n’accueillait que 14 personnes. Mais, depuis son installation, le site a accueilli plus 100 patients. Ce lieu d’isolement est devenu du coup un village où se retrouvent des personnes qui se connaissaient ou non. Des familles, des « grins », des camarades d’âge s’y sont retrouvés. Malgré les instructions des médecins spécialisés, la proximité et les causeries sont manifestes, comme si nous étions dehors, dans la ville.
Dépaysés à l’arrivée
Au centre de traitement, j’y ai été admis aux environs de 22h. À cette heure, les gens sont occupés à leurs causeries. On n’a pas le temps de savoir qui arrive. Du coup, le malade arrive sans savoir où aller et les médecins lui disent juste de s’installer dans telle tente. La première nuit, dépaysé, on a hâte de se jeter dans les bras de Morphée. C’est le lendemain que les anciens du coin vous regardent avec un air d’étonnement. Ma première matinée au centre, lorsque je me suis réveillé, tout le monde était à son occupation. Des causeries, du travail, la cuisine… Lorsque je suis sorti de ma tente, tout le monde était étonné de me voir au centre. J’étais comme une personne étrange.
Des causeries à longueur de journée
Au centre de traitement de la Covid-19 à Tombouctou, la journée commence à 5 h30, après les prières matinales. Dès les premières lueurs, les malades se jettent sur les assises et se mettent à l’ombre des arbres ou des murs pour une causerie autour de la maladie, de l’actualité de la veille. On rit à gorge déployée en attendant le petit déjeuner qui arrive aux environs de 8h30. Il n’est que 6h30 et au pied d’un mur sont installés des lits pliables et des chaises.
On parle de tout et de rien quand tout de suite la causerie débouche sur la marche du 5 juin à Bamako, qui a réuni des milliers de personnes, à l’appel de la coalition hétéroclite qui n’avait pas encore pris l’appellation de Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) . Il revient que des adeptes de l’imam Mahmoud Dicko à Tombouctou ont aussi manifesté leur solidarité en réunissant une vingtaine de personnes vers le monument des martyrs. A. Traoré fait remarquer : « C’est une honte que de dire qu’on veut marcher sans rien comprendre. Nous avons regardé la vidéo de leur rassemblement ici, ils n’ont même pas su convenablement chanter l’hymne nationale du Mali et ils se disent patriotes ». Et un autre de poursuivre : « D’ailleurs, si IBK démissionnait, qui parmi ces gens peut le remplacer ? Ils sont tous les mêmes et donc qu’ils nous laissent en paix ». Chacun prend la parole et on fait le tour de table dans un désordre où souvent certains se fâchent et quittent les lieux.
Séparations douloureuses
Une fois au centre, on s’habitude les uns aux autres. Le départ d’un malade guéri du centre crée un sentiment de nostalgie chez ceux qui n’ont pas encore été déclarés guéris.
Salimata (le prénom a été changé) est venue au centre il y a une semaine. Il n’a suffi que de quelques jours pour se familiariser avec les autres. C’est en larmes qu’elle a vu partir un important groupe de patients guéris une nuit : « Je suis contente de voir mes compagnons complètement guéris de cette maladie. Cependant, leur départ m’attriste. Je n’aurais personne avec qui causer avant ma guérison », déplore-t-elle.
La vie au centre de traitement est comme celle de la ville. Il y a une légère différence cependant : on n’est pas très libres de nos mouvements. Il y a un même un groupe de patients qui a fêté au sein du centre l‘anniversaire d’un des leurs. Au menu, il y avait même un gâteau d’anniversaire et quelques boissons commandés pour l’occasion. C’est juste un lieu d’isolement.
Source: benbere