Tous les signes annonciateurs de la saison des pluies sont là. Le vent a changé de direction désormais dans la ville .Il souffle d’Ouest en Est. On est plus loin de la date du 14 juillet. Les anciens l’ont enseigné : le 14 juillet l’hivernage s’installe à Tombouctou, et, généralement il pleut ce jour-là.
Depuis quelques années, la ville reçoit des quantités considérables de pluie provoquant des inondations, des pertes en vies humaines et des dégâts matériels de toutes sortes. Les populations de la Cité des 333 Saints ont en mémoire l’hivernage de l’année dernière. On se souvient encore, des centaines de ménages obligés de quitter leur domicile pour être logés chez des voisins ou dans les écoles car leur habitation s’était effondrée ou menaçait sérieusement de s’écrouler.
Fatalmoudou est une mère de famille qui a sa maison à coté de la mare Banabangou. Pour elle c’est le début du cauchemar. Elle raconte qu’à chaque hivernage, la mare est inondée. « La cour de ma maison se remplit d’eau », dit-elle.. Les risques de noyade et de maladie deviennent monnaie courante car des enfants s’amusent dans l’eau sale infestée de toutes sorte de déchets. Les mouches et les moustiques sont légion dans un concert des crapauds entre autres. Pour elle, les autorités doivent trouver la solution à ce problème auquel toutes les familles du voisinage des mares sont confrontées, chaque année.
Un peu plus loin à la mare appelée Alhader, les préoccupations sont les mêmes. Une vieille femme, Tilmoulout, se fait des soucis. Elle laisse entendre que chaque année, des enfants perdent la vie dans cette mare. Pour elle, c’est les génies de la mare qui les tuent.
A Bilibangou, le problème est identique sinon pire car en cet endroit, les motopompes de la station d’épuration sont arrêtées depuis très longtemps. Les bassins de récupération des eaux de pluies, qui servent de transit, sont déjà remplis par les eaux usées des ménages avant de recevoir la moindre goutte de pluie.
Les occupants du secteur sont inquiets sachant qu’ils ne sont pas à l’abri d’inondation dès les premières pluies. Ils se demandent également à quand la fin du calvaire. En cet endroit de la ville, « les moustiquespullulent les 12 mois de l’année, de nuit comme de jour », s’exclament Mahamane Alhadji, un habitant, et Oumar Arby, propriétaire d’un restaurant.
L’inquiétude avant l’installation de l’hivernage est grande et variée d’un secteur à un autre car, généralement, les constructions à Tombouctou sont en terre (banco) à faible teneur en argile. Elles ne supportent pas les grandes quantités de pluie. Tous les habitants ont peur car aucune maison n’est à l’abri d’un écroulement ou de dégâts pouvant la rendre inhabitable.
Ayant à l’esprit les mauvais souvenirs, des bonnes volontés, dans l’anonymat, ont remis de l’argent à Youssouf, un coiffeur à coté de la mare de Tacaboundou (Sankoré), afin de déboucher l’entrée du canal qui draine les eaux de pluie du secteur.
A l’école Mahamane Fondogoumo, c’est connu de tous, chaque année, il y a inondation. Les familles voisines de l’école ont, chacune, devant leur maison et le long des murs, érigé des digues de protection, afin d’empêcher l’eau de les envahir. Des jeunes, dans le quartier Abaradjou, à quelques encablures du monument de la Flamme de la paix, ont curé sur 150m les caniveaux, avec leurs moyens propres. Ils affirment que c’est leur contribution pour sauver certains ménages menacés du quartier.
Le risque d’inondation est largement répandu dans la ville et concerne tous les quartiers. Face à ce sentiment d’inquiétude, les autorités régionales, locales et communales, les services techniques, les FAMAs, les services de sécurité, la protection civile, les partenaires se retrouvent dans une Commission régionale de gestion de crise (CRGC). Elle vient d’organiser sa deuxième rencontre pour élaborer un plan de riposte en cas d’inondation.
Cette commission a fait, les 19 et 20 juin 2019, une visite de terrain dans la commune urbaine de Tombouctou en vue de localiser toutes les zones inondables, faire un état des lieux, proposer des mesures et dispositions à prendre en cas d’inondation et, enfin, élaborer un budget estimatif des travaux à réaliser en urgence.
La commission a ainsi ciblé plus de 150 concessions qui pourraient s’effondrer et a retenu toutes les mares et tous les bas-fonds inondables. Elle a aussi proposé un budget d’environ 106 millions pour engager les travaux qui se résument au curage des caniveaux et au traitement de tous les bassins, à l’évacuation des déchets hors de la ville, le curage et le traitement de 2 km de caniveaux, l’installation de tentes pour abriter éventuellement des sinistrés.
On rappelle que l’hivernage 2018, dans la Région de Tombouctou, a endommagé 722 concessions, 441 maisons se sont écroulées et on a dénombré 7479 sinistrés.
MS/MD
Source: AMAP